S'il ne fait pas le moindre doute que Béji Caïd Essebsi (BCE pour les Twitteurs qui suivent ses moindres faits et gestes) est encore alerte et capable de donner le change, il a indéniablement montré des signes d'épuisement lors de sa dernière rencontre avec des journalistes des télévisions nationales. Des signes subtils, quand même. Car il faut se concentrer sur ses petites phrases à répétition, avec un ton clair d'impatience, à propos du retour au calme et au sens de la responsabilité de nos concitoyens pour les déceler. A tel point qu'on en arrive à se demander si ces signes ne sont pas voulus pour sonner l'alarme! Le bonhomme a d'ailleurs joué la carte de la franchise en attirant l'attention de tous sur l'urgence des dossiers économiques et le redémarrage de la machine. Et là aussi, il montrait des signes d'inquiétude qui sont d'autant plus flagrants qu'il fait aujourd'hui figure de roc auprès de l'opinion publique. Nous avons tous également relevé que s'il n'a pas fait de concessions sur sa fonction (preuve de solidité), il a fait preuve d'une retenue inexplicable, spécialement aux sujets qui touchent les membres du gouvernement; cette même retenue qui a détruit la popularité du gouvernement Ghannouchi! Et tout le monde est actuellement conscient que ce n'est pas le moment de la retenue mais plutôt celui de tout déballer pour qu'il ne subsiste pas l'ombre d'un doute dans les esprits quant à la transparence du gouvernement. Révolution est synonyme de suspicion et si certains comprennent que des raisons de Prestige de l'Etat peuvent dicter la préservation d'une sorte de chasse-gardée pour chaque ministre dans son domaine de compétence, la grande majorité comprend simplement que le Premier ministre doit se démarquer et même laisser parfois libre-cours à sa spontanéité (même calculée). A propos de Frahat Raj'hi (ex-ministre de l'Intérieur), par exemple, BCE a certes contribué à un soupir de soulagement en annonçant que celui-ci allait être appelé à une haute fonction. Mais il aurait certainement gagné à jouer un effet d'annonce (pour rassurer les Tunisiens à fond) en révélant la nature de cette haute fonction. Résultat? Spéculations dans les rangs: Raj'hi va-t-il être nommé à la tête de la Haute commission des élections, l'une des institutions émanant de la légitimité révolutionnaire et au sein de laquelle les tiraillements vont sans conteste être autrement plus forts que ce qui se passe aujourd'hui avec le Haut Comité de préservation de la Révolution, de Réforme politique et de Transition démocratique présidée par Yadh Ben Achour? Ou bien va-t-il, justement, succéder à Ben Achour à la tête dudit Comité qui a bien besoin d'un savant dosage de souplesse et de poigne? Ou encore passera-t-il au ministère de la Justice pour essayer de jeter de vrais ponts entre l'administration et la magistrature qui est encore à la recherche de son âme? Soit dit en passant, nous ne croyons pas à cette dernière option car membre du gouvernement veut dire abandonner toute ambition (légitime) de se représenter après le 24 juillet... et Raj'hi avait affirmé lors d'un passage à la télé qu'il ne s'excluait pas d'un avenir politique après la chose transitoire! Mais revenons à BCE. Il sait pertinemment de quelle popularité jouit Raj'hi et pourtant... En vérité, BCE, Raj'hi et Bourguiba ont un point majeur qui les lie ensemble: La communication! Tous trois (mais chacun à sa façon) connaissent l'art consommé de se saisir des esprits de l'audience, ils ont le sens du message simple mais à gros impact, le sens de séduire, de convaincre... Alors, question communication, BCE devrait le savoir, les baisses de rythme sont dévastatrices! Aujourd'hui, en Tunisie, l'opinion publique veut dire quelque chose, et quelque chose de fort. Certains parlent même d'un vrai 5è Pouvoir qui aurait éclos dans notre pays. Et celui qui ne sait pas tenir ce Pouvoir constamment en haleine et qui montre des signes (même subtils) d'épuisement peut rapidement se retrouver en porte-à-faux, et à bon entendeur... !