Par Mohamed Ridha BOUGUERRA Le monde des médias est en émoi ! Celui d'El-Watanya en particulier ne décolère pas ! Quelle est l'insigne cause de tout ce branle-bas ? Le Premier ministre serait l'unique responsable de ce remue-ménage général ! Oyez, oyez, braves gens, et sachez-le : notre Premier ministre serait gravement coupable et sa conduite impardonnable ! Rien de moins que des excuses officielles et clairement proférées seraient nécessaires pour effacer l'humiliant affront qu'il aurait fait subir à la gent écrivassière. Il a osé, mardi 12 juillet, montrer des signes de nervosité, secouer le micro d'une journaliste et, figurez-vous, lui demander son âge! Que des circonstances atténuantes puissent être ici invoquées pour excuser le comportement inhabituel de M. Béji Caïd Essebsi, les intéressés refusent de l'entendre de cette oreille-là ! Que ce regrettable incident ait eu lieu à la fin d'une séance quelque peu houleuse au cours de laquelle le Premier ministre a été auditionné sans ménagement pendant des heures par les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, n'excuserait rien non plus selon eux! Qu'il ait exprimé, sur une radio privée, ses regrets pour ses propos et gestes en reconnaissant qu'il était en quelque sorte excédé alors, cela est jugé encore insuffisant ! Le Premier ministre serait donc condamné à boire le calice jusqu'à la lie ! Ainsi en ont décidé les agents de la télévision tunisienne, le syndicat général de la culture et de l'information, tout autant que le syndicat de base de la télévision qui, tous et d'une même voix, exigent des excuses à la mesure de l'insupportable forfait ! Car il y aurait là, toujours selon les intéressés, «des attaques verbales sans précédent». Aussi nos plumitifs sont-ils prompts à mettre en cause «les agissements du Premier ministre» et à dénoncer la portée «provocatrice» de ses accusations «dangereuses et gratuites». Il faudrait ici citer un passage savoureux du communiqué des syndicats déjà mentionnés, passage qui, sans doute, entrera dans une anthologie de la chronique de la révolution de la dignité, dans la mesure où les appels et conseils du Premier ministre pour une information objective et neutre cacheraient, lisons-nous, «le dessein du recouvrement par le gouvernement de sa domination sur la ligne éditoriale de la télévision nationale» ! Comme si cette dernière a jamais eu une ligne éditoriale ! Comme si le fatras qu'elle nous sert quotidiennement depuis le 14 janvier obéissait à une quelconque hiérarchisation de l'information ! Comme s'il y avait un quelconque professionnalisme dans le débit inexpressif et monocorde de nos speakers et de nos speakerines ! Ne parlons pas du net parti-pris, vendredi 15 juillet, pour les sit-inneurs de la Kasbah III affiché tant à l'écran d'El-Watanya que sur les ondes de Radio Jeunes en particulier. Ce jour-là, le masque était définitivement tombé et notre vaillante télévision nationale s'était rangée dans l'opposition, voire, probablement, du côté de la contre-révolution ! Elle ne s'était guère distinguée ce jour-là d'Al-Jazira dont l'un des invités à 22h30, un obscur inconnu présenté comme un politologue, tunisien de surcroît, avait explicitement appelé les partis politiques à former un front et à prendre le pouvoir aux lieu et place de l'exécutif actuel ! Un clair appel à la rébellion qui est passé inaperçu et qui n'a pas été commenté, que je sache ! Mais trêve de plaisanterie et revenons à notre El-Watanya et exigeons de ses journalistes un peu de décence, ne serait-ce que parce que la plupart d'entre eux étaient déjà en place avant le 14 janvier. Osons-le dire enfin sans langue de bois puisqu'ils ont le front de nous exhorter à nous solidariser avec eux et nous appellent au sit-in qu'ils ont programmé pour le samedi 23. Nous les avons subis pendant toutes ces années honnies de la dictature au cours desquelles ils étaient les voix de leur maître et ne cessaient de nous abreuver, à longueur de journées, sans le moindre scrupule et sans hésitation aucune, d'un discours indigeste, louangeur et dithyrambique à l'adresse du vil potentat qui nous gouvernait ! Alors, aujourd'hui, afin de se racheter et de se faire une nouvelle virginité, ils passent dans l'opposition et se font, par moments, les hérauts d'Ennahdha, cela nous ne l'acceptons pas ! Nous, contribuables qui finançons par nos modestes deniers la télévision et les radios nationales, nous exigeons, à la veille d'importantes échéances électorales, une information dont la seule ligne directrice devrait être l'objectivité et la neutralité. C'est uniquement de cette manière qu'El-Watanya méritera son appellation, sera véritablement un service public offert à tous les Tunisiens sans distinction et pourra prétendre participer à préserver les acquis de la Révolution et à édifier une Tunisie nouvelle, moderne, tolérante, égalitaire et démocratique.