Les prévisions politiques comportent toujours un relent de «brouillage» des esprits. Et tous les calculs qui les «modèlent» sont manipulés avec une certaine appréhension. On connaît la volatilité des prévisions électorales. On se souvient que les sondages donnaient en 2007 Angela Merkel en avance sur Schroeder de 20%. A l'arrivée des courses, l'écart n'était que de 0,97%. Grand écart, il faut en convenir. Est-ce que le même phénomène peut se reproduire chez nous? Des moulinettes statistiques similaires, a priori, peuvent produire des effets similaires. Tout cela pour rappeler qu'il ne faut jurer de rien et qu'il ne faut pas vendre la peau de l'électeur avant le scrutin. Le baromètre politique du mois d'août tel que révélé par SIGMA donne un classement des partis en trois groupes compacts. Le premier donne un tiercé de tête. Trois formations politiques se détachent en réalisant des scores à deux chiffres. Ainsi, Ennahdha arrive premier avec 21,1%, suivi par PDP avec 10,4% et Attakatol avec 8,8%. Le deuxième groupe est plus fourni et il comprend le CPR avec 2% ex-æquo avec initiative 2% puis El Watan 1,9% et Etttajdid 1,3%, Afek Tounes 1,2% et le PCOT 1%. Et le troisième groupe donne des scores inférieurs à 1%. Rappelons-nous que les sondages nous renvoient un instantané des opinions de vote. Qui ne sont pas figées. Tout peut donc basculer. Les jeux ne sont pas encore faits. La grande surprise du baromètre du mois d'août Le même baromètre de SIGMA nous informe également du pourcentage des sièges à obtenir par chaque parti, au sein de la Constituante. Et on découvre que le mode de scrutin à la proportionnelle, avec le plus fort reste, donne un pourcentage de représentation à l'Assemblée qui est au double des intentions de vote. Ennahdha disposerait de 36,7%, PDP de 18,6% et Ettakatol de 20,1%. L'ennui, ici, est que nous partions tous sur une hypothèse de travail qui garantirait une Assemblée atomisée, multicolore. Or, nous constatons que nous pouvons nous retrouver avec une autre configuration où des partis peuvent disposer de blocs structurants. Pour dégager une majorité à l'Assemblée, quelques partis peuvent constituer des coalitions, où ils auront une position dominante. Donc on voit au moins un petit groupe de partis politiques qui peuvent, demain, régenter la Constituante. Les électeurs sont donc prévenus. Le gros bloc des indécis La révélation délirante de ce baromètre est la suivante: tenez-vous bien, 43% des électeurs n'ont pas encore choisi. Et 2,6% refusent de répondre. Enfin, 3,7% s'abstiennent. Ainsi donc 49,3%, c'est-à-dire la moitié du corps électoral, est restée OFF. La conquête de ce gisement électoral sera déterminante pour l'issue du scrutin. Rien n'est donc joué. Cet aspect est un peu consternant, car comment expliquer que les Tunisiens soient si peu pressés de voter librement et ce pour la première fois de leur vie? Ont-ils conscience que leur vote peut peser sur l'avenir de la démocratie dans le pays. Une explication peut être trouvée si on adosse le pourcentage des indécis à un autre tout aussi incompréhensible: ceux qui ne se sont pas portés sur les listes des électeurs. Lui aussi est voisin de 50%. Alors deux interprétations sont permises. Le même bloc qui n'a pas su se prononcer en faveur d'un parti politique précis, a jeté l'éponge et a ignoré l'inscription sur les listes électorales. A ceux-là, on aimerait leur rappeler la conséquence de leur comportement négligent sur le devenir démocratique de notre pays. Ou alors que la moitié du peuple appréhende la feuille de route de la transition démocratique. Au lieu d'une majorité silencieuse, on se retrouve avec une majorité qui boude, apeurée par la perspective d'une Constituante aux pouvoirs qui ne leur ont pas été précisés. Ils seraient tentés de refaire le match. On peut les comprendre. Il est du devoir des partis politiques de travailler sur le terrain à susciter une réponse. La même date du 23 octobre serait maintenue. Mais en l'occurrence, on pourrait choisir un modèle de Constitution et passer directement à des élections présidentielle et, puis, législatives. Il faut reconnaître que c'est moins hasardeux. C'est un cas type de Vox Populi, c'est-à-dire du génie du bon peuple.