La Tunisie vit au rythme des avocats. Après la dictature de Ben Ali, voici maintenant nos chers avocats qui font parler d'eux, relançant ainsi leurs activités, et vont jusqu'à s'intéresser au domaine des Technologies de l'information et de la communication (TIC). En effet, on trouve le collectif des 25 avocats qui poursuivent les symboles de l'ancien régime, et le collectif des fameux 3 avocats qui ont porté plainte contre l'ATI (Agence tunisienne de l'Internet) et qui ont gagné leur cause en obligeant celle-ci à filtrer les sites à caractère pornographique. Mais voilà qu'on remplace une ancienne censure, et un filtrage des sites politiques et d'opinions par un autre filtrage des sites pornographiques ou jugés dangereux pour la morale. Toutefois, cette nouvelle situation pose 3 problématiques. La première, c'est comment et qui détermine qu'un site est pornographique ou non? Est-ce qu'un site qui traite de l'histoire du Kamasutra en Inde est jugé immoral? Est-ce qu'un jeune tunisien (ou tunisienne), qui souhaite en savoir sur la vie sexuelle ou sur la vie intime et qui consulte des sites scientifiques ou médicaux est un pirate? Et donc on doit le bloquer? Doit-on censurer tout site qui parle des pratiques sexuelles, des positions sexuelles, à titre d'exemple? Donc il y a un réel problème de limite. Deuxièmement, la mise en place du filtrage web depuis quelques jours par l'ATI et les FSI (Fournisseurs de services Internet) ainsi que la mise en place de proxy, filtres et autres logiciels de blocages, tout ceci a entraîne la baisse sensible de la qualité d'Internet, avec des pertes de milliers de mails engendrant par ricochet des dommages voire des pertes pour les entreprises, sans oublier des lourdeurs pour la navigation sur le web. Une dégradation de taille et qui nous fait retourner, de point de vue qualitatif, à la situation d'avant le 14 janvier 2011. La troisième problématique est d'ordre philosophique et des libertés fondamentales. En effet, qui a le droit de nous interdire d'accéder à un site pornographique? Et qui lui a donné ce pouvoir régalien? Sachant que tous les Tunisiens utilisateurs de la fameuse Dream Box pour l'accès gratuit aux chaînes satellitaires cryptées savent qu'ils ont un bouquet de chaînes Adult, avec des dizaines de chaînes pornographiques, et que plusieurs adultes et jeunes regardent avec hypocrisie, en secret tard le soir loin du regard de l'épouse et des enfants en toute impunité. Doit-on les interdire aussi? Doit-on installer une Autorité Publique Supérieure du Contrôle de notre vie intellectuelle? Ce qu'on regarde ? Où on navigue? Ce qu'on doit lire? La grande interrogation aujourd'hui c'est de savoir si nous nous dirigeons tout droit vers une nouvelle dictature. Les Tunisiens auraient-ils dégagé Ben Ali pour installer une nouvelle dictature? La liberté ne se limite pas, soit elle est totale, soit elle ne l'est pas, du moins dans l'espace prive. Chez moi à la maison, j'ai le droit de regarder et de lire ce que je veux et sans aucune limite. Oui, dans l'école, dans un Publinet ou dans l'espace public, notre liberté est limitée c'est normal, car par définition, ma liberté s'arrête où commence celle des autres. Cependant, il y a d'autres solutions, comme l'accord parental ou des services de veille commercialisés par les FSI, et non cette punition générale au nom de la morale. Morale et liberté ne peuvent pas cohabiter, au risque de retour de notre Cher AMMAR 404, qui a réinvesti la toile tunisienne, annonçant la fin de la partie et le retour des contrerévolutionnaires.