La culture de plantes aromatiques et médicinales (PAM), et leur corollaire l'extraction des essences, sont perçues, jusqu'à présent, sous le prisme des maigres recettes en devises qu'elles génèrent à l'exportation et de la forte demande générée par le regain d'intérêt pour l'agriculture biologique, la phytothérapie et l'aromathérapie. Pourtant, la Tunisie peut en tirer de plus gros profits pour peu que des industriels s'intéressent à ce secteur à forte valeur ajoutée et investissent dans la fabrication et la transformations des essences utilisées en alimentation (arômes), en parfumeries (molécules odorantes), en thérapeutique (principes actifs) ou en cosmétique (substances traitant la peau et les cheveux...). L'importance de la demande manifestée, durant les années 90, par certaines industries de transformation locales et étrangères a encouragé la Tunisie à intensifier la culture et l'exploitation des PAM spontanées, une activité qui demeure marginale et sous-développée jusqu'ici. Encouragée par une forte demande internationale, la Tunisie s'est employée à valoriser ce créneau au point de devenir un des plus grands producteurs d'huile de romarin dans le Bassin méditerranéen, le premier exportateur de néroli et le deuxième exportateur d'essence de romarin après le Maroc. La spécificité de la Tunisie pour certaines plantes comme le bigaradier, le géranium, le myrte, le romarin, le rosier et le jasmin lui confère une place de premier choix pour l'exportation. Aujourd'hui, la Tunisie ne se soucie plus d'exporter cette matière première mais entend aller plus loin et assurer une valeur ajoutée à ces PAM et à leurs essences. Concrètement, elle uvre à les rentabiliser en réfléchissant sur les moyens de les valoriser au double plan de l'extraction artisanale et industrielle. C'est dans cet esprit que le centre de formation professionnelle dans la culture des primeurs de Chott Meryam a eu la louable initiative d'organiser, les 9 et 10 novembre 2006, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la femme rurale, un séminaire sur le rôle de la femme rurale dans la valorisation des PAM. En plus clair, la Tunisie, qui contribue de manière substantielle à la production des parfums les plus réputés dans le monde, entend grignoter une part de ce marché. Le séminaire de Chott Meryam s'inscrit dans cette perspective. Cette manifestation s'est distinguée par une prise de conscience du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques de l'enjeu de la valorisation des PAM. Dans son intervention au cours de ce séminaire, Abderrazak Daaloul, secrétaire d'Etat chargé de la Pêche a indiqué que les essences des PAM tunisiennes, exportées actuellement vers l'Europe et les Etats-Unis, moyennant des recettes annuelles de 1,4 million de dinars, nous reviennent sous d'autres formes (parfums et autres) à des prix très élevés, d'où l'enjeu de réfléchir sérieusement au développement de ce secteur et à sa valorisation. «En conséquence, a-t- il dit, il convient de mettre au point un plan d'action qui favoriserait la promotion et la valorisation de la production des PAM par le renforcement non seulement des études et recherches, mais également de la formation et de l'encadrement des promoteurs des projets dans ce secteur et la vulgarisation des résultats sur les méthodes de production et d'exploitation des projets dans le secteur». L'idéal serait, à notre avis, de développer la recherche dans ce domaine et de créer dans les meilleurs délais un centre de recherche propre à développer une expertise nationale en la matière. Couvrant une superficie de 1030 hectares, la culture des PAM est très répandue notamment dans les gouvernorats de Kairouan, Zaghouan, Sfax, et Sidi Bouzid. Elle emploie près de 470 agriculteurs aujourd'hui, mais pourraient être des milliers si on investissait dans l'industrialisation des Pam et la production de parfums, au plan local. Une enquête ethnobotanique effectuée auprès des herboristes du pays a recensé 70 espèces à usage médicinal. Elles représentent 3% de la totalité des espèces végétales de la flore tunisienne et 14% des taxons connus pour leur usage médicinal traditionnel.
Les forêts constituent les principales zones de production de PAM, objet d'extraction d'huiles essentielles qui sont, principalement, le néroli, le romarin, l'armoise blanche, la marjolaine et les essences d'agrumes. Le néroli, servant en cosmétique pour la fabrication de parfums haut de gamme, est l'huile essentielle la plus connue et la plus prisée à l'étranger. A l'exception de l'exploitation de certaines essences forestières (romarin, thym...) et le bigaradier, la culture des PAM reste traditionnelle. Elle se limite aux jardins familiaux et d'agrément. Les atouts qui militent en faveur du développement des PAM sont au nombre de trois : - La disponibilité de vastes étendues de couvert végétal naturel formée d'une panoplie de plantes aromatiques riches en huiles essentielles, de sols sablonneux et d'eau douce pour la culture des nouvelles plantes aromatiques demandées par le marché européen telles que l'Estragon, la ciboulette et le laurier sauce. - La disponibilité de matière première riche et variée: 1.500 tonnes de fleurs de bigaradier et 250.000 ha de plantes aromatiques naturelles composées de romarin, thym, myrte, armoise blanche et menthe poivrée. - La disponibilité d'une importante logistique de transformation, il existe actuellement 28 unités de distillation installées, produisant 420 tonnes d'huiles essentielles et d'aromates pour une valeur de 6 millions de dinars (4 millions d'euros). Sur un total de 187 PMA non toxiques recensées en Tunisie, 80 espèces peuvent faire l'objet de cultures intensives. la Tunisie exporte, en moyenne annuelle, 250 tonnes d'huiles essentielles et d'aromates, soit 34% de néroli, 31% de romarin et 35% de fleurs d'agrumes et d'autres plantes aromatiques.