L'expérience d'une SICAR Tunisienne qui a réussi le pari d'élargir l'intervention des PME tunisiennes en Afrique et de dupliquer leur succès, à travers des fonds offshore encore hors du pays. Webmanagercenter : Pouvez-vous nous donner tout d'abord un bref historique de Tuninvest Finance Group ?
Ziad Oueslati*: Tuninvest Finance Group (TFG) est la plus importante société de gestion de fonds d'investissement en Tunisie, créée par ses partenaires fondateurs et Siparex, une des plus importantes sociétés de capital développement en France. Tuninvest Sicar a été le premier fonds de capital risque levé en 1994 par les associés partenaires de TFG conjointement avec Tunisie Leasing.
Jusqu'en 2000, les fonds levés ont été uniquement investis en Tunisie. En 2000, la SFI (Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale) a sollicité TFG pour l'aider à développer le métier du capital risque au Maroc et en Algérie à travers la mise en place d'un fonds d'investissement en off-shore et d'une équipe locale coachée et assistée par TFG. L'intérêt de ce fonds était double pour TFG : se développer sur l'international et surtout assister, accompagner et financer des sociétés tunisiennes leaders sur le marché local dans leur développement sur le Maroc et l'Algérie.
A ce jour, TFG a levé 7 fonds d'investissements (dont 4 localement et 3 en off-shore) pour un montant global de 120 millions de dinars. Dont environ cinquante millions ont été investis en Tunisie dans différents secteurs de l'économie, notamment dans des nouvelles créations, des sociétés en développement, des joint-ventures, des sociétés en restructuration . Le dernier fonds AfricInvest, levé en collaboration avec le FMO (l'Agence de développement néerlandaise), cible une région plus large : l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'Ouest francophone, l'Afrique Centrale, le Nigeria et le Ghana.
Qui sont vos principaux investisseurs et que demandent-ils en retour des fonds qu'ils vous donnent en gestion ?
Nous avons un grand nombre d'investisseurs dont une dizaine nous ont fait confiance depuis notre premier fonds en 1994. Les principaux sont le FMO, la Banque européenne d'investissements, la SFI, Tunisie Leasing, Proparco, BIO (l'Agence belge de développement), l'Amen Bank, la Caisse de Dépôts et de Consignations de France ainsi que la Financière Natexis Banques Populaires (France).
Il y a plusieurs types d'investisseurs : publics, privés, agences de développements qui ont les mêmes objectifs : développement, rentabilité et retour sur investissement, opportunités de co-investissements, mais avec des priorités différentes. Mais si on veut développer ce métier de capital risque/capital développement en Tunisie et le pérenniser, il faut assurer aux investisseurs un retour sur investissement supérieur a celui du placement sans risque et la Bourse et ramener la durée de vie des fonds (ou des Sicar) à 10-12 ans maximum à l'instar de ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Pourquoi lever des fonds régionaux et quel est l'intérêt de la PME tunisienne ?
Les avantages sont multiples :
- Contraintes de lever de fonds : aujourd'hui la Tunisie a besoin de fonds étrangers à investir en fonds propres et quasi fonds propres dans des sociétés tunisiennes existantes et en création. N'oublions pas l'ambitieux programme du gouvernement pour la création de 14.000 entreprises par an.
Aujourd'hui, afin d'intéresser des investisseurs internationaux, on doit leur offrir des véhicules d'investissements qui ciblent des régions larges pour des raisons de diversification de risque évidentes, mais aussi afin qu'on puisse développer les sociétés de notre portefeuille régionalement et en faire des champions régionaux. Ceci augmente la compétitivité de ces sociétés à l'échelle mondiale ainsi que les consolidations régionales des sociétés à travers des opérations d'acquisitions et de fusions inter-régionales. Notre sortie est également facilitée du fait que ces sociétés sont très convoitées par les sociétés internationales et peuvent facilement être cotées sur des bourses locales et régionales.
- Les fonds régionaux permettent d'accompagner les sociétés tunisiennes dans leur développement régional industriel et commercial. Nous avons aidé un grand nombre de sociétés de notre portefeuille dans leur stratégie de développement à l'international depuis l'étape de réflexion, à la mise en place, la structuration et le financement. Notre dernier fonds AfricInvest a permis la reprise d'un groupe de sociétés de leasing qui couvre 6 pays africains en accompagnant Tunisie Leasing et un groupement d'investisseurs internationaux. Ce groupe profitera aussi de l'expertise tunisienne et sera majoritairement dirigé par des Tunisiens.
- En général, les risques pour le fonds et donc le TRI sont mitigés par une couverture régionale qui permet de réduire les cycles économiques et de répliquer des modèles qui ont réussi et d'éviter de refaire les mêmes erreurs.
- Les fonds régionaux permettent la mise en place d'équipes régionales et donc des équipes diversifiées et de différents backgrounds pour en faire bénéficier les sociétés du portefeuille.
- En général, dans les étapes de prospection et de suivi, nous avons besoin d'expertise métier, que nous amenons souvent de la Tunisie. Même chose pour les partenariats techniques, je citerai le cas de Médis dans les produits pharmaceutiques et IGL (Versus) dans l'assemblage d'ordinateurs.
Pourquoi des fonds offshore ?
La quasi majorité des fonds d'investissements dans le monde sont situés dans des zones offshore pour des raisons évidentes de fiscalité attrayante mais surtout de facilité en termes de création, transmission, distribution et diminution de capital. Les fonds offshore permettent aussi de libeller les fonds en euros ou en dollars, ce qui limite le risque de change aux investisseurs. La Tunisie a ici un rôle important à jouer afin d'en faire un centre offshore important à l'image de Jersey, Luxembourg ou Maurice. Nos investisseurs internationaux souhaiteraient que nos prochains fonds soient basés en offshore à Tunis : un levier que nous considérons vital pour la croissance des IDE en Tunisie. Notre association professionnelle, en l'occurrence l'ATIC, a saisi les autorités de tutelle, plus précisément le ministère des Finances, à ce sujet, et on attend encore la réponse, que j'espère positive.
Comment vous êtes structurés pour couvrir une région aussi importante ?
TFG compte aujourd'hui 15 personnes à Tunis mais aussi des filiales au Maroc, au Ghana et en Afrique de l'Ouest francophone. Nous comptons également sur des partenaires locaux au Nigeria et au Cameroun que nous avons nous-mêmes formés au métier de capital risque. Les équipes locales font le travail de prospection et de suivi, mais les décisions sont prises à Tunis.