Si Brassens chantait la pluie et guettait le moindre nimbus et le moindre cumulus ! Actuellement chez nous, le moindre nuage cause une terreur profonde dans l'âme des gens traumatisés par des décès pour cause de pluie ; et on ne saurait comprendre les mécanismes de ces «accidents», et comme l'a si bien dit un journal d'Outre Atlantique, «on ne comprend pas que ce genre d'accident puisse arriver en Tunisie, l'un des pays d'Afrique les mieux équipés en infrastructures».Bien que ce soit flatteur, cette remarque fait remuer les couteaux dans la plaie de ceux qui ont perdu un proche sur la GP8 et dans la banlieue d'El Manar. Mais que s'est-il passé donc ? Commençons par les lieux dits que l'on a pu lire et écouter. - D'abord, les quantités de pluie : elles sont exceptionnelles dans leur normalité et depuis que l'on mesure des pluies à Tunis 1873- et depuis que des historiens suivent les régimes pluviométriques ; la Tunisie a toujours été soumise a un régime semi aride avec des périodes plus ou moins sèches et d'autres plus humides, et les experts l'affirment et le confirment dans une étude très détaillée que le régime pluviométrique de la Tunisie n'a pas changé depuis 2000 ans - Le changement d'habitudes : comme l'a si bien dit Ibn Khaldoun, l'homme va du «badou» vers el «omrane», et là commence sa chute et le cycle recommence. Et on ne remarquera pas assez que les personnes disparues lors de ces dernières averses étaient avec ou dans des véhicules. Alors, est-ce que c'est la pluie ou la voiture qui tue ? Quand vous discutez avec les vieux paysans, ils savent quand est-ce que l'oued «yahbat», généralement les animaux s'agitent et les chiens aboient. Demandez à un âne de traverser un oued en crue ; têtu comme il est, il le refusera Devrons-nous faire de la prévention par des animaux en l'absence de matériel adéquat qui peut prévoir une pluie et son intensité 2h avant l'événement avec un risque quasi nul ?
Dès lors, on pourra fermer les tunnels aberrants plus tôt .. - L'urbanisation organisée/sauvage : si vous regardez notre pays, vous constatez que la majorité des villes construites il y a plus de 10 siècles sont bien calées et naturellement protégées contre les inondations ; le cas typique est la ville de Kairouan située dans le lit des oueds les plus méchants du pays, le Zeroud et le Merguellil, mais même en 1969, l'eau s'est arrêtée religieusement aux portes de la mosquée Okba. Alors, depuis l'indépendance, on a vu 2 phénomènes d'urbanisation : lun organisé sous forme de lotissements qui sont partis de Menzah1 à Ennasr 2, et l'autre sauvage comme par exemple la cité Ettadhamoun. Et ce qui peut paraître curieux, c'est qu'un quartier sauvage comme Séjoumi -créé par des ruraux qui savent encore ce qu'est le risque eau- soit devenu inondable le jour où on a installé un lotissement organisé el Mourouj- à l'aval et en travers de l'exutoire de sebkhat Séjoumi ; et chaque fois, il faut dépenser des millions de dinars pour la vidanger.
Les aberrations urbanistiques font qu'une pauvre goutte d'eau qui tombe à Ennasr peut se retrouver malgré elle à Lafayette. - L'absence de données et de prévention : dans tous les pays structurés et bien gérés, il y a un système de gestion des catastrophes naturelles ; actuellement seuls les séismes ne peuvent être prévus que quelques minutes auparavant et encore une fois par des animaux entraînés, et là les spécialistes ont adapté leur urbanisme à ce phénomène. Mais chez nous, on constate un vide sidéral malgré toutes les structures et les lois existantes et les experts qui ne manquent pas de compétence : savez-vous qu'à ce jour on n'a aucune donnée sur le ruissellement urbain et on se contente de méthodes de calcul importées ? Savez-vous qu'à ce jour et malgré toute la structuration de l'administration on ne sait toujours pas qui doit gérer les eaux pluviales urbaines ? Savez-vous que dans un permis de bâtir on tient compte de toutes les contraintes sauf de la contrainte hydrique et on se retrouve avec des caves inondées, des tunnels inaccessibles, des carrefours non drainés, et j'en passe ? - Alors qui est responsable : la question est posée car le problème de ces phénomènes, c'est leur rareté et la violence de leur impact. Les longues années de sécheresse font oublier les objectifs à atteindre, et on se retrouve avec des lits d'oueds qui ont disparu et qui sont construits ou clôturés et qui, une fois, se réveillent et les clôtures deviennent des barrages qui cèdent. Et le laisser aller, c'est, comme avertit si bien Ibn Khaldoun, le début de la fin d'une société