Ce qui a été dit après le match contre le Botswana, que ce soit en conférence de presse ou individuellement, n'est qu'une excuse supplémentaire pour masquer les faiblesses. Le nivellement des valeurs est manifeste et ce sont toujours presque les mêmes à qui on fait appel. L'équipe de Tunisie dans son nouveau contexte exerce-t-elle la même attraction ? On le sait, les matches de la sélection ont été de tout temps des moments privilégiés, autant pour les joueurs que pour le public. Aujourd'hui, les choses semblent prendre une autre signification et les matches de cette équipe, à l'instar de celui d'avant-hier, n'attirent plus la foule comme ils avaient l'habitude de le faire auparavant. Mais indépendamment de la présence du public et de la manière de le fidéliser, on a beau penser que les derniers revers essuyés que ce soit en phase finale de la coupe d'Afrique des nations, ou surtout lors des éliminatoires de la Coupe du monde, devaient servir pour retenir la leçon et engager une nouvelle philosophie de jeu, d'attitude et de comportement. L'histoire d'une nouvelle équipe, de nouvelles prérogatives a mal commencé. On pourrait évoquer tous les prétextes d'une préparation pas tout à fait mobilisante, l'absence de concentration chez la plupart des joueurs, leur manque de motivation essentiellement dans une période de transition, mais on ne saurait justifier la défaite devant un adversaire dont le niveau, que ce soit au classement mondial ou par rapport à son statut footballistique, ne lui permet pas justement de penser même à rivaliser avec une sélection tunisienne qui avait finalement tort de se voir plus belle qu'elle n'est réellement. Il y a en fait comme un égarement qui ne contribue pas à relever le niveau d'ensemble. On a justement l'impression que dans son nouveau contexte, la sélection a encore du mal à trouver sa place et que sa protection n'est plus assurée. C'est un grand problème dans la mesure où la plupart des joueurs, pour ne pas dire toute l'équipe, n'arrivent pas à se libérer. On connaît l'argument‑: évoquer notamment la périodicité de cette rencontre, la saturation des joueurs dans une période qui n'est pas faite pour ce genre de compétition. Mais cela ne nous empêche pas de nous demander comment une équipe peut accepter de perdre de cette façon quand le style avait tendance à se gommer, l'identité est mise à mal. Monsieur Marchand, il faut clarifier au plus vite la situation et l'assainir. Quelles que soient les périodes, on a toujours vu de bons comme de mauvais matches. Sauf qu'avant-hier, on a touché le fond. On ne voyait, on ne ressentait aucune envie, l'esprit ailleurs et le jeu davantage ignoré. On était ainsi en présence de choses étonnantes: des joueurs le plus souvent en position défavorable, ne sachant quoi faire sur le terrain et incapables de trouver la moindre solution. Curieusement, le ballon ne cessait de repartir en arrière ! Drôle de circuit ! Quand les chiffres indiquent que ceux qui touchaient le plus souvent le ballon, c'étaient les défenseurs, il y a lieu de s'interroger sur la véritable raison d'être de cette équipe, de ses aptitudes pas seulement à s'imposer, mais aussi à revenir dans le match surtout quand cela devient nécessaire. Le système n'était point en accord avec la stratégie pure. Jouer sur les faiblesses de l'adversaire, multiplier les astuces, provoquer les fautes, tout cela, on ne l'a pas vu. Il fallait pourtant s'y adapter. Monsieur Marchand, on ne va pas vous apprendre votre métier, mais quand un adversaire possède une bonne charnière centrale, il est vain de placer un attaquant dans l'axe. Il vaut mieux l'excentrer et permettre aux joueurs du milieu de s'engouffrer et de jouer dans la profondeur. Voilà pourquoi vos joueurs ont manqué d'inspiration et d'imagination devant le Botswana dont vous connaissiez évidemment le classement mondial. Voilà pourquoi votre équipe, la nôtre, n'a jamais su concrétiser son ascendant quand elle jouait sans une véritable ligne de conduite. Cette équipe-là, dont on préconise l'appartenance, ne nous emballe pas. Franchement, elle est loin de pouvoir nous impressionner, même si elle avait battu le Soudan sur le score- fleuve de six buts à deux. A ce propos, le directeur technique de la Fédération soudanaise était ces derniers temps parmi nous et il n'a pas manqué de nous préciser que faute de joueurs disponibles, la fédération de son pays a dû recourir à des joueurs dont la plupart ne jouaient même pas dans leurs clubs pour constituer une sélection. Votre équipe, Monsieur Marchand, telle que vous l'avez imaginée et conçue, ne nous fait pas rêver. Vous n'êtes pas censé l'ignorer, mais en football, il arrive qu'on consacre trop vite les stars. Bien souvent, il suffit de sortir un ou deux bons matches pour devenir le centre du monde et faire la couverture des journaux. Au fond, on ne rend pas service aux joueurs qui croient aussitôt être bons. Il y a des joueurs, une trempe de joueurs d'un temps passé qui se promèneraient dans le football actuel sans problème. La preuve, l'on ne voit pas réellement qui pourrait prendre leur relais‑: Darragi? Msakni? Jomaâ? Qui d'autre? On ne sait pas vraiment trop. Depuis que certains ont pris leur retraite, personne n'est arrivé à les égaler. Les désagréments… D'après ce qu'on a dû vivre un certain jeudi soir, il nous semble de plus en plus évident que les joueurs de la sélection ne sont pas encore maîtres de leur destin. Sur le plan purement footballistique, ils n'ont rien prouvé jusque-là. Ils se ressemblent de plus en plus. La création, l'audace, la finesse, autant de qualités qui ne sont plus tout à fait de mise. Il y a davantage d'athlètes que de purs footballeurs. On est pourtant convaincu que le talent est là, que les génies existent toujours, mais cherche-t-on à ce qu'ils s'expriment librement ? N'accorde-t-on pas trop d'importance au seul facteur tactique et physique? La technique qui représente un don de la nature ne s'acquiert pas seulement à force de travail. Elle s'apprend et s'entretient certes, mais si on pense au plus important, l'on dira sans la moindre hésitation que cela relève de l'inné. C'est également une affaire de culture. Dans l'ensemble, les joueurs possèdent une bonne lecture du jeu, mais entre prendre l'information et prendre la bonne décision, il y a une marge. Ce qui a été dit après le match contre le Botswana, que ce soit en conférence de presse ou individuellement, n'est qu'une excuse supplémentaire pour masquer les faiblesses. Le nivellement des valeurs est manifeste et ce sont toujours presque les mêmes à qui on fait appel. Tout cela n'est pas logique. L'histoire et l'avenir de l'équipe de Tunisie pèsent d'un poids considérable, autant que les moyens et les arguments. Mais il ne suffit plus d'exister, il faut aussi se développer. On ne se présentera pas au sommet comme ça sans penser à une remise en cause collective qui doit passer, et le message est là, avant les ambitions personnelles.