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c'est l'économie virtuelle qui a déclenché la crise et nous n'en avons pas chez nous
Publié dans WMC actualités le 16 - 10 - 2008

Webmanagercenter : La crise déclenchée dans les milieux financiers s'attaque désormais à l'économie réelle. Quelle explication?
Radhi Meddeb : La crise actuelle est née aux USA dans le monde de la finance sur un segment très particulier de produits financiers très sophistiqués. Elle a pris une telle ampleur qu'elle a débordé largement le monde de la finance et a franchi les frontières des Etats-Unis pour assaillir d'autres pays. Elle s'est transformée dans un premier temps en une crise bancaire et dans un deuxième temps en une crise économique. Au-delà des pays anglo-saxons, elle a touché des pays comme la France, l'Allemagne ou la Belgique, dont les dirigeants n'arrêtaient pas de dire que leurs institutions financières étaient solides, qu'elles n'étaient pas des banques d'investissement mais commerciales et universelles.
Quelles sont tout d'abord les conséquences de cette crise sur le marché financier ?
L'impact le plus important est l'effet du rétrécissement du crédit que les Anglo-saxons ont baptisé le credit-crunch, ce qui signifie l'étranglement du crédit. Les institutions bancaires ferment tout d'un coup les robinets du crédit. Elles paniquent à tel point qu'elles ne se prêtent même plus de l'argent entre elles. Il n'y a plus d'injection de liquidités sur le marché ce qui peut paralyser l'économie réelle. C'est de cette manière que la crise financière est devenue une crise bancaire pour se transformer ensuite en une crise économique avec comme conséquence grave : les entreprises n'ont plus accès aux crédits. Aujourd'hui les gouvernements ne savent plus à quel saint se vouer. Quand on voit le gouvernement français, en 48h déclarer dans un premier temps qu'il allait réserver les excédents des collectes du livret A au financement de la PME pour déclarer deux jours après qu'il allait se porter acquéreur de 30.000 logements pour soutenir le secteur de la construction et du logement, il y a là comme une contradiction. Cela veut dire qu'on est en pleine confusion, qu'on ne sait plus quelle approche aborder pour traiter la crise et faire face à la situation. On ne sait plus comment faire pour éviter que la crise se propage et qu'elle n'aboutisse à un assèchement des crédits nécessaires au fonctionnement de l'entreprise et par conséquent à la bonne marche de l'économie.
Y'aurait-il des conséquences sur notre pays ?
Personne aujourd'hui ne peut dire que son économie est à l'abri des effets directs ou indirects de cette crise financière d'abord, économique ensuite. Ceci veut dire également que la Tunisie n'est pas à l'abri des risques malgré les protections de son économie et les amortisseurs qui l'entourent face à toute menace venant de l'extérieur. Il est vrai que notre système bancaire reste assez peu relié au reste du monde, autocentré et orienté essentiellement sur le financement de l'économie tunisienne. Donc, il n'est pas directement menacé. Il est tout autant vrai que l'économie tunisienne reste très autocentrée malgré son ouverture sur le reste du monde et donc il y a peu de risques qu'elle soit touchée de plein fouet par la crise. Toutefois, il faudrait tempérer ces constats, et je vois au moins trois domaines dans lesquels l'économie tunisienne pourrait être touchée et sur lesquels il y a lieu d'être vigilants et faire des évaluations aussi objectives et aussi permanentes que possible.
Les risques possibles sur notre économie peuvent être les suivants :
- Le credit crunch : si les grandes banques internationales rechignent à financer les économies tierces ou les grands projets, nous risquons d'en ressentir les effets. Le gouverneur de la Banque centrale a déclaré lui-même que lorsque la Tunisie est sortie sur le marché en juillet 2007, elle pensait lever des fonds à 50 points de base, la réponse du marché a été de 75 points de base et au moment de la crise, le rating de la Tunisie est monté jusqu'à 200 points de base, ce qui veut dire un renchérissement certain du crédit. Le crédit devenant plus rare, les taux d'intérêt sont revus à la hausse. Ce qui explique les recommandations de la BC au gouvernement de ne pas sortir en 2008 et 2009 en espérant que les choses se calment d'ici là. Donc il y a là un premier effet sur l'économie tunisienne.
- Les investissements directs étrangers que la Tunisie est en train d'attendre. En particulier, les investissements annoncés ces dernières années sur des mégaprojets, provenant des pays du Golfe et qui s'élèvent à des dizaines de milliards de $. Il y a là sans aucune certitude une possibilité que ces investissements se ralentissent, se réorientent indépendamment de l'attractivité du pays, des avantages accordés ou du climat de l'investissement en Tunisie. Les risques peuvent se rapporter aux arbitrages des grands investissements internationaux, une réorientation de leurs stratégies d'investissement dans le monde mais également ils pourraient être en rapport avec la commercialisation potentielle des produits de ces investissements. Ces investissements prévoient de produire et de mettre sur le marché des dizaines de millions de m2 couverts d'ici quelques années. Il est possible que la crise immobilière dans le monde se répercute sur l'appétit des investisseurs traditionnels dans le domaine de l'immobilier de continuer à investir dans un pays ou un autre indépendamment du pays en question.
- Le risque incident des opérateurs globaux sur les activités en Tunisie. Malgré l'auto centrage de l'économie tunisienne, il y a de plus en plus d'opérateurs globaux qui y interviennent. Parmi ces derniers, nous pourrions citer à titre d'exemple les grandes institutions financières qui s'installent de plus en plus en Tunisie et qui contribuent à la modernisation du secteur financier et bancaire. Ces grands opérateurs n'ont pas toujours la capacité de discernement qui leur permet de faire la différence entre un pays ou un autre. Ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Je peux l'affirmer en tant qu'administrateur de la Banque tuniso-koweitienne représentant le groupe de la Caisse d'épargne et je peux dire que ce Groupe a une approche objective et différenciée de la situation de chacune de ses filiales dans le monde. Il n'a d'ailleurs donné aucune instruction pour restreindre en quoi que ce soit les investissements octroyés aux instances tunisiennes. Ceci n'est pas une généralité, je sais par ailleurs que de grands opérateurs financiers en Tunisie agissent en opérateurs globaux et donc prennent des décisions au niveau de Paris ou de leur head-quarters où qu'ils soient pour dire à la filiale tunisienne, ne touchez plus à l'immobilier par exemple, ne faites plus de la promotion immobilière sans discernement. Ceci est une décision stratégique qui peut aller à l'encontre des intérêts et de la réalité économique du pays. Parce qu'en réalité, en quoi financer le logement en Tunisie peut-il être impacté par la crise des subprimes aux Etats-Unis ? Ca n'a aucun rapport. Le marché tunisien offre des profils différents, ce sont des salariés qui s'endettent sur le très long terme, qui contractent des crédits pour acheter leur logement principal et donc nous ne sommes pas du tout dans la situation des crédits à risques américains, des crédits spéculatifs, des crédits de titrisation, etc. Tout cela pour expliquer que même si la situation dans le pays ne présente pas de risques, pour certains opérateurs globaux, leur approche globale mondiale a des conséquences sur les politiques d'investissements et de financements partout dans le monde.
Quels risques sur l'économie tunisienne?
La crise va présenter pour la Tunisie deux effets de nature économique pouvant agir en sens opposé. Il y a d'abord la baisse des prix des matières premières, qu'elles soient industrielles ou agricoles. Après plus de deux ans de hausse des prix des matières premières et d'inflation importée. Nous assistons depuis quelques semaines à un retour à un niveau plus raisonnable des prix du pétrole, de l'acier ou encore du blé. Il est évident que de tels retours au calme soulagent la pression sur la balance commerciale, dégagent des ressources, combien utiles de la balance des paiements, réduisent le déficit de la caisse de compensation et redonnent à l'Etat de précieuses marges de manœuvre. La dessus, nous serions tentés de nous écrier Vive la crise !
Le second effet économique de la crise est la récession qui va frapper un certain nombre de partenaires commerciaux occidentaux de la Tunisie et ceci est déjà déclaré, même si, pas encore totalement assumé par nos partenaire traditionnels mais il y a un mois, il était blasphématoire de parler de récession en Europe, aujourd'hui les autorités admettent dans leurs projections financières une diminution du PIB sur le quatrième trimestre 2008 et sur le premier trimestre 2009. Les chiffres annoncés aujourd'hui sont optimistes, la réalité risque d'être plus sévère. Mais c'est le rôle des politiques de ne pas effrayer les populations. En Europe, on révisera probablement la croissance à la baisse de manière répétitive au cours des prochains mois et ceci peut avoir des incidences sur nous également, puisqu'il s'agit de nos marchés traditionnels d'exportations. Notre modèle de croissance basé sur les exportations peut être légèrement perturbé par cette régression européenne. Dans certains secteurs, la crise pourrait être une aubaine pour la Tunisie. En contraignant les opérateurs européens à une compétitivité accrue, elle pourrait accélérer des mouvements d'offshoring, pour lesquels la Tunisie présente de plus en plus d'avantages compétitifs.
Pourquoi une telle débâcle, comment est ce que personne ne s'en est rendu compte ?
Cette crise a montré que les intervenants censés surveiller le marché financier n'ont pas assumé le rôle qui leur est assigné. Les agences de notation ont failli puisqu'elles n'ont pas été en mesure d'identifier les risques que recelaient les portefeuilles de grandes institutions financières. Les commissaires au compte des grandes entreprises ont failli également puisqu'ils n'ont pas été en mesure de déceler les risques portés par leurs clients. Les autorités de contrôle monétaire et financier dans différents grands pays qu'ils s'appellent ‘‘Federal reserve'', Security Exchange Commission aux Etats-Unis ou encore Banque centrale européenne, qui s'appellent la Banque des Règlements internationaux, ou Fonds monétaire international. Toutes ces institutions ont failli puisqu'aucune d'elles n'a été capable de déceler, de prévenir ou de dénoncer les risques majeurs sur la finance mondiale, sur le secteur bancaire ou encore sur l'économie réelle. Donc à partir du moment où personne assumé son rôle, tous les intervenants ont perdu confiance et personne ne veut plus prêter à personne.
Cette faillite du système financier américain entraînerait-elle, selon vous, une remise des principes fondamentaux du capitalisme ?
Il n'y a pas de remise en cause fondamentale du modèle capitaliste. Le modèle a été dévoyé et c'est cela qui est remis en cause. Dans un discours récent, Nicholas Sarkozy fustige non pas le capitalisme entrepreneurial, c'est le capitalisme financier qui s'est coupé de l'économie réelle pour se dévoyer dans les méandres de la sphère virtuelle et des produits dérivés sans connexion aucune avec ce pourquoi tous les produits ont été créés. Aujourd'hui, les transactions financières dans le monde, sont 500 et 1000 fois plus importantes que les transactions commerciales. Nous sommes donc dans une économie virtuelle. Tout le monde reconnaît que la flambée des prix du pétrole des derniers mois est en large partie portée par la spéculation. Elle ne correspondait pas à une diminution de la disponibilité de la matière première sur le marché. Cet été, Chakib Khlil, ministre algérien de l'Energie, déclarait que d'après ses estimations, 30 à 40% du prix du pétrole était imputable à la spéculation. Le prix réel ne devait donc pas se situer au-delà de 60 à 70% du prix affiché sur le marché.
On a créé des produits hypothétiques virtuels pour permettre aux entreprises de courir certains risques qu'elles ne pouvaient assumer. Des produits qui, théoriquement, devaient permettre à certaines compagnies aériennes d'acheter leur kérosène à un prix connu d'avance, de vendre les produits des exportations en devises de certaines entreprises exportatrices à terme à un coût déterminé d'avance. Ces produits, ces produits financiers sont utilisés à des fins totalement spéculatives. Et là c'est l'absence de modalités de contrôle à l'échelle mondiale qui a permis ce dérapage. Il est heureux que, dans notre pays, nous nous situons loin de cette économie fictive, nous sommes totalement dans l'économie réelle. Cette crise ne devrait pas non plus remettre en cause nos choix concernant la libéralisation financière, nous devons même, de mon point de vue, aller un peu plus vite. Notre secteur financier se porte moins bien qu'il ne devrait l'être et ceci probablement parce qu'il n'est pas soumis à suffisamment de concurrence, à suffisamment de libéralisation et de compétition. Je pense que la crise actuelle n'aura pas de répercussions sur la marche des affaires financières en Tunisie et devrait pouvoir pousser à l'accélération des réformes et la libéralisation du secteur financier dans notre pays.
Lire aussi :
- Le « shadow » système bancaire et la crise financière
- La contagion par la "titrisation"
- La crise de fil en aiguille


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