On pensait que le bruit de bottes, depuis l'Indépendance, n'était plus qu'un lointain souvenir. Mais voici que les brodequins de l'armée française seront en partie fabriqués en Tunisie. Sarkozy a été copieusement hué par la gauche française et par les syndicalistes. Il a beau répéter qu'il faut que les usines restent en France, il a préféré "la chaussure tunisienne". C'est ce qu'ont relevé, goguenards, quelques blogueurs. Et pour cause. Notre pays est connu pour receler de grosses pointures, question industrie de la godasse. Et c'est bien en Tunisie que l'armée française trouvera chaussure à son pied. Une décision d'Etat-major, qui viendra à point nommé pour «renforcer les relations entre les deux pays amis», selon l'expression consacrée. Les rabats joies rappelleront que ce ne sont, après tout, «que» des chaussures. Nous préférerons rappeler ce que le vénérable quotidien français «Le Monde» dit sur la question : les 300.000 paires qui sortaient chaque année de l'usine locale (en Dordogne, France, NDLR), sont à «haute valeur ajoutée». C'est qu'il s'agit de chaussures militaires high-tech. La malheureuse entreprise Marbot-Bata en faisait son beurre, et même les trois quarts de son chiffre d'affaires. Un internaute français s'est pourtant permis de réagir en ces termes : «Marbot-Bata: encore une entreprise qui s'est endormie et n'a rien vu venir. Même pas encore capable de traiter des semelles soudées !!!». Une technologie que nos spécialistes tunisiens maîtrisent parfaitement, et qui leur a donc valu de décrocher le marché, du moins en partie (la production sera aussi partiellement allemande). Ainsi équipés de brodequins tunisiens, les kilomètres à pieds des militaires en vadrouille useront moins les souliers. Assurément de quoi galvaniser le moral de nos troupes en ces temps de guerre économique. D'autant plus que les données fournies par notre Agence de Promotion de l'Industrie, (lAPI pour les intimes), sont sans équivoque. On apprendra notamment que «les exportations des industries du cuir et de la chaussure ont plus que triplé en 10 ans, passant de 197 millions de dinars en 1994, à 732 millions de dinars en 2006 et ce avec un taux d'accroissement annuel moyen de 28%. La production du secteur est passée de 1.100 millions de dinars en 2003 à 1.278 millions de dinars en 2007». 223 entreprises tunisiennes sont ainsi dédiées à la chaussure, dont 163 totalement exportatrices. La botte italienne en sait quelque chose, puisque l'Italie est notre premier client. Elle acquiert en effet près de 40% de nos exportations. La France avec 37%, et l'Allemagne avec 10%, viennent respectivement en deuxième et troisième position. Qu'un client aussi prestigieux et surtout aussi exigeant en matière de sécurité que l'armée française choisisse notre industrie nationale est un signal fort. Gageons que son exemple sera suivi par bien d'autres. La botte secrète tunisienne est la réactivité que permet la proximité géographique de notre petit pays avec l'Europe. Une chose est sûre : nous sommes bien chaussés pour avancer à grands pas. Et espérons que le coup de pompe (dû à la crise mondiale) nous sera épargné..