Les participants se sont même payés une note d'humour apportée par Khaled Azaeiz, jeune entrepreneur, qui a raconté de manière très anecdotique ses péripéties dans la quête d'un prêt bancaire et qui a fini par avoir illico presto une rallonge de 400 mille dinars de la part de la banque qui a été la plus réactive à sa demande et qui s'est laissée «déplumer» de bonne grâce. Preuve que débattre publiquement de questions d'intérêt économique ou autres ne tourne pas forcément au chaos. «La crise met à l'épreuve plus que jamais les relations banques entreprises tant il est vrai qu'elle a pris la tournure d'un va-et-vient entre le secteur réel, d'une part, et le secteur financier, d'autre part. La reprise n'aura lieu que lorsque des solutions seront trouvées au fonctionnement interbancaire et essentiellement aux relations banques/banques et les relations banques/entreprises», a déclaré Taoufik Baccar, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie à l'ouverture du colloque. Il a appelé à une solidarité économique entre les entreprises et les organismes bancaires pour faire face à une situation délicate et à restaurer la confiance entre deux acteurs importants de l'économie. «Les institutions financières sont appelées à être des partenaires effectifs du tissu entrepreneurial», a-t-il affirmé. Il est approuvé par Ezzeddine Saïdane, expert financier, qui estime pour sa part que les intérêts banques/entreprises ne peuvent être que convergents. Car de la prospérité du tissu entrepreneurial dépend celle des banques. «Cash is king» En situation de crise, il est très important que l'entreprise préserve ses liquidités, car en pareilles circonstances, l'argent est roi comme n'a pas manqué de le souligner Ezzeddine Saïdane. Dans pareille situation, il y a également des gagnants et ceux-là sont ceux qui ont su préserver leurs liquidités et anticiper. D'autres ont besoin de financements et pour ce, il ne faut pas qu'ils souffrent d'une réduction du financement bancaire. Il ajoute : «La disponibilité du financement est plus importante que la réduction du coût du financement». Une réduction de l'activité économique influe directement sur les entreprises. D'où l'importance de lancer de grands projets, même si cela se fait au prix d'un déficit légèrement plus important du budget de l'Etat», ajoute M. Saïdane insistant sur le fait qu'en temps de crise, il faut qu'il y ait plus de financements à l'exportation mais également à l'importation. Selon lui, il ne faut pas que l'entreprise qui endure déjà les effets de la crise dont la baisse de la demande et celle de la parité du dinar ainsi que celle du taux d'intérêt souffre de la baisse du volume de production. Le secteur financier doit pouvoir approvisionner les entreprises pour préserver les équilibres. Les entreprises, pour leur part, doivent être plus transparentes et plus directes. «Des deux côtés, nous nous sommes améliorés», affirme Ali Slama, membre du Bureau exécutif de l'UTICA, «si ce n'est ces petits grains de sable qui bloquent la machine». Les raisons en sont, selon lui, des questions d'ordre procédural, d'appréciation, de temps ». Pour lui, les banques manqueraient des études qui permettent de mieux appréhender les dossiers qui leur sont soumis et juger de leur efficience économique. Il est rejoint par Monia Jeguirim Saïdi qui estime qu'il est temps que les rapports banques/entreprises évoluent dans le sens d'une meilleure connaissance les uns des autres. «Pour les banquiers, les entrepreneurs sont des dossiers. Ils ne sont jamais sur le terrain pour se rendre compte de visu et concrètement des conditions de travail de ces derniers». Certains entrepreneurs estiment qu'on ne peut discourir sur la compréhension et le soutien mutuel si la réalité ne suit pas. «Illi yistanna khir milli yitmanna» «26 entreprises ont déposé des dossiers pour le rééchelonnement de prêts qui n'ont pas été traités à ce jour, soit trois mois après l'application effective des mesures prises par l'Etat», a tancé Mohamed Sahraoui, vice-président à l'UTICA, qui a précisé que le nombre d'entreprises touchées est plus important que celui attendu. Ce qui pose le problème du degré de concordance entre le discours et la réalité. C'est ce qu'affirme également Douja Gharbi, jeune promoteur et membre du CJD. Et à commencer par l'échelonnement des dettes qui ne serait pas envisageable pour les entreprises non exportatrices ainsi que l'octroi de nouveaux crédits de relance aux entreprises en stand by pour des raisons de visibilité. Mais il n'y a pas que cela, d'après Jalel Belkhoudja, lui-même jeune promoteur, nos banques restent assez peu réactives au niveau des régions et manquent de compétences nécessaires pour le traitement des dossiers et l'accélération de procédures sans parler de la culture de prise de risque devenue pratiquement d'un autre temps. A l'occasion, il cite des exemples édifiants vécus par certains jeunes entrepreneurs tel un chèque de 70 dinars rejeté par le système informatique, ou celui d'un prêt refusé malgré les garanties et l'ouverture d'une lettre de crédit à 70% de la valeur du prêt. On ne traite pas également les jeunes promoteurs et entrepreneurs confirmés de la même manière, ce qui prouve en fait le refus de certaines institutions bancaires de prendre le moindre risque. Certains jeunes demandeurs de crédits qui arguaient que la SOTUGAR pouvait être la garante de leurs prêts ont essuyé un refus net de la part des responsables d'institutions bancaires qui exigeaient des garanties réelles. Un parapluie en plein soleil... Les entrepreneurs, on l'a vu, sont soucieux, entre autres, de problématiques se rapportant à l'accès aux crédits, à la formation des cadres bancaires à l'échelle nationale, la mise à niveau de cadres de banques plus spécialisés pour l'étude des projets, par secteur et d'une plus grande réceptivité de la part de leurs vis-à-vis. Ils appellent aussi à ce que les banques, en cette période de crise, fournissent plus d'efforts pour les soutenir et ne pas se contenter, comme l'a dit un intervenant, de leur offrir des parapluies quand il fait beau. Ce à quoi a d'ailleurs répliqué Ahmed Karm, vice-président de l'Amen Bank, qu'on ne peut offrir des parapluies lorsqu'on n'en possède pas. Oui, mais à ce jour et aux dires même du gouverneur de la BCT, 250 millions de dinars ont été injectés à un marché financier suffisamment irrigué pour le nourrir encore plus et éviter l'effet credit crunch. La question de risque sur les banques ne se pose donc pas encore, du moins officiellement. 325.000 PME, dont grande majorité est née grâce à la facilité d'accès au crédit, a précisé Leïla Khaiat, aujourd'hui, elles sont de loin plus nombreuses. Les PME constituent donc la partie la plus importante des clientèles des banques. Ca serait formidable si on pouvait les considérer comme des clients roi comme c'est d'usage habituellement dans les transactions commerciales. Les banques tunisiennes sont suffisamment avisées pour ne pas prendre le risque de s'égarer en perdant leur poule aux ufs d'or et sont suffisamment prudentes, s'agissant des financements qu'elles accordent, prendre des risques calculés, trop calculés au goût de certains. Ceci étant, le colloque organisé à l'UTICA sur les relations banques entreprises a eu le mérite de mettre sur le tapis un sujet d'actualité en présence de tous les concernés et réunir dans un même espace les experts, les représentants des institutions bancaires et les entrepreneurs. Lire aussi : - Appel pour plus de confiance et de transparence dans les relations banques/entreprises - Tunisie : Le taux d'actifs accrochés réduit à 15% en 2008