«Nous sommes une association indépendante contribuant librement au débat économique. Je vous invite à faire en sorte que ce débat soit franc et à formuler des propositions». Joignant le geste à la parole, Sami Zaoui, nouveau président de l'ATUGE (Association des Tunisiens des Grandes Ecoles), va rapidement enflammer les débats. «La Tunisie a bâti son économie sur l'exportation, et nous avons, de ce fait, oublié la consommation», affirme-t-il, entraînant immédiatement une riposte de M. Ridha Ben Mosbah, nouveau ministre du Commerce et de l'Artisanat, invité d'honneur du forum. «Notre mode de développement repose sur l'exportation parce qu'il est nécessaire de dégager de l'épargne pour pouvoir investir, car l'investissement permet de créer des emplois. Mais il y a une réelle motivation pour développer le commerce qui s'est traduite par l'adoption d'un schéma directeur de la grande distribution, la modernisation des circuits de distribution, et un souci permanent d'augmenter le pouvoir d'achat». Ni cette mise au point ni le débat au sein de l'Atelier 2 sur le «levier de la consommation intérieure» ne permettront de mettre d'accord partisans et adversaires d'une politique économique encourageant les Tunisiens à consommer davantage. Le débat sur la place de la consommation dans l'économie n'est pas nouveau, ni en Tunisie ni ailleurs, et va probablement continuer. En Tunisie, d'après Hassen Zargouni, la situation paraît paradoxale. D'un côté, «le taux de croissance de la consommation, 7% en 2008, est supérieur à celui du Produit intérieur brut. Cela veut dire que les Tunisiens continuent à consommer au-dessus de leurs moyens. Et cette frénésie se manifeste notamment sous la forme d'un engouement croissant pour les super et hypermarchés qui, observe M. Adel Ayad, directeur général de Monoprix, représentent aujourd'hui 20% du commerce de distribution. Et cette croissance n'est selon lui pas près de s'arrêter. De l'autre, le directeur général de Sigma Conseil relève l'existence de «freins à la consommation dont, en particulier, le niveau de vie des gens». L'ancien président de l'ATUGE n'en veut pour preuve que la baisse de 12,5% de la consommation d'essence durant le premier trimestre 2009, à la fois chez les opérateurs publics et les ménages. Faut-il alors encourager la consommation en tant un moteur de l'économie ou la brider ? Un représentant de la Banque centrale, à qui l'on pose cette question, botte en touche. Dans le monde, constate-t-il, les réponses diffèrent d'un pays à un autre : «les Etats-Unis encouragent la consommation des ménages, mais la France a adopté une politique de grands chantiers». Le directeur général de Monoprix apporte, quant à lui, une réponse de Normand. «Ce que nous vendons dans nos magasins provient à 90% d'usines tunisiennes. Donc, plus nous consommons, plus nous créons d'emplois», note-t-il. L'hôtelier Jallel Bouricha est plus clair : «La consommation intérieure est un levier de relance de l'économie au même titre que l'investissement». Après avoir affirmé sans ambages que «le moteur de l'économie reste l'investissement car il faut d'abord produire», Hassan Bertal surprend un peu, une première fois, en déclarant que «le crédit à la consommation est un produit dont il faut se méfier, car dans les pays en développement il y a un vrai risque de dérapage. Le but de ce crédit est de lisser la demande dans le temps et s'il est bien géré, il peut aider la consommation et la production. Mais il y a un risque qu'il soit perçu comme une compensation de la faiblesse du revenu. Consommé sans modération, le crédit à la consommation obère la capacité de consommer car l'essentiel du revenu du client trop endetté servira à payer les intérêts». Le directeur général d'Attijari bank surprend une seconde fois en prenant le contre-pied d'une idée reçue largement répandue qui veut que l'endettement des ménages ait atteint un niveau inquiétant. «La situation en Tunisie n'est pas du tout alarmante», affirme-t-il chiffres à l'appui : l'endettement par tête d'habitant est de 110 euros en Tunisie, 200 au Maroc et 2160 en France. M.M