Capitale de la Belgique, Bruxelles a toujours été la capitale du chocolat, des gaufres, et du Manneken-Pis. Depuis quelques temps, les célèbres restos moules frites ont laissé la place à des restos branchés et designs. On sort à Bruxelles, comme à Paris ou à Londres. Les maîtres chocolatiers sont fort heureusement toujours aussi actifs, mais les sushi bars se sont multipliés. Ils témoignent, entre autres, des réponses multiples que la ville a su offrir aux attentes d'un monde qui bouge en s'internationalisant à souhait. Désormais, Bruxelles fourmille d'évènements, de salons et d'expositions. Faut-il seulement préciser que Bruxelles, capitale de l'Europe des 27, serait aussi devenue la plus grande métropole musulmane d'Europe ? Pas moins de 493.000 européens vivent dans la capitale belge aux côtés des plus de 400.000 musulmans. D'ailleurs, on ne peut progresser dans la ville sans sentir la forte présence de la population cosmopolite qui y travaille. Les uns se tassent autour de la gare, avec des boutiques ethniques, des selfs «hallal», des bains maures et des salons de thé où l'on sert de délicieux thés à la menthe. Les autres sont les soldats de l'ombre de la machine européenne. Ils sont omniprésents et savent rester discrets. Ils se sentent aisément chez eux dans une ville où plus de 157 nationalités cohabitent. Ils rentrent dans leurs pays d'origine les week-ends, grâce à un réseau de transports ferroviaires, routiers et aériens des plus développés. La ville fonctionne encore tout de même, comme un immense village. Les «expat», comme on les appelle souvent, laissent alors Bruxelles aux touristes anglais arrivés via l'Eurostar qui s'en emparent, au grand bonheur des marchands de bière. Il fait froid, tout le temps gris ou presque. Pourtant, on s'extasie quant à la qualité de vie que l'on peut avoir à Bruxelles. Plus de la moitié de la superficie de la ville est consacrée à la végétation entre parcs, squares et jardins. L'immobilier reste accessible, les commerces sont à portée de main, la circulation supportable et les gens suffisamment ouverts pour nouer des relations en tous genres. Il est facile de converser avec votre voisin au restaurant, d'obtenir un rendez-vous dans la journée et les gens sont loin d'être stressés. Si vous demandez votre chemin en ville, on fera allégrement quelques pas avec vous. On pourra aussi passer un appel téléphonique pour vous trouver un taxi. Une fois sur deux cependant, on ne saura vous orienter. Les grands sourires sont certes réconfortants, mais souvent inutiles. Beaucoup d'entre ceux qui se promènent dans la ville sont des touristes, autant que vous ! A moins qu'ils ne fassent partie des 15.000 lobbyistes qui évoluent dans Bruxelles, qui est aussi devenue la capitale européenne du lobbying faute de réglementation européenne. Au détour d'une boutique gourmet, dans un des quartiers les plus huppés de la ville, les produits des huileries Mahjoub trônent sur une vitrine chic et sur les tables du restaurant accolé. Olives, huile, tomates séchées, confitures de coing... Toute la gamme de ces produits tunisiens sont plus que plaisants. Le packaging est élégant et moderne. Le petit dépliant présentant les produits du terroir tunisien témoigne de sa richesse et du savoir-faire des entreprises. De toute façon, on ne peut se balader dans Bruxelles en ignorant la présence des restaurateurs tunisiens. Ils sont un groupe assez important et beaucoup d'entre eux sont originaires de Kelibia. Ils ont fait carrière dans la restauration internationale et font tout de même quelques clins d'il à leur cuisine nationale. Plus tard dans la soirée, j'ai rendez-vous avec une jeune chanteuse tuniso-belge: Ghalia Ben Ali. L'artiste se produisait ce soir là, dans un des lieux mythiques du jazz dans la ville. Au fil de la conversation, les interrogations sur sa vie en Belgique et le racisme s'imposent. La réponse de la jeune femme à la voix suave et forte est sans appel : «On ne souffre nullement de racisme, ici. En tout cas, celui qui règne ne nous touche pas directement. Nous sommes finalement tous un peu étrangers à Bruxelles. Grâce à la Commission Européenne, la Belgique a développé un statut particulier. II fait vraiment bon y vivre», conclut-elle, avant de revenir sur scène au grand plaisir des présents. Même son de cloche du côté d'Alain Broez, délégué du tourisme de la région Wallonne, et secrétaire général des Amitiés Belgique-Tunisie, pour qui la ville de Bruxelles n'en finit pas de se bonifier. "C'est un lieu de métissage et d'ouverture. Nous n'avons pas le passif colonial de la France avec les ex colonies qui minent leurs relations avec les pays d'Afrique du Nord. Les Tunisiens sont parfaitement intégrés. Je vois revenir les enfants de ceux qui sont venus y faire des études, il y a plus de vingt ans", résume-t-il. Ghalia Ben Ali en est précisément un exemple. Elle est née à Bruxelles. En 1972, ses parents Tunisiens, tous deux étudiants, décident à la fin de leurs études de retourner dans leur pays d'origine. Le travail de son père (médecin) les amène à s'installer dans le sud tunisien. Bien plus tard, Ghalia avec son baccalauréat en poche, revient à Bruxelles faire des études de graphisme. Elle y vit maintenant, depuis plus de 20 ans. Souriante, elle affirme : «C'est chez moi, je m'y sens comme un poisson dans l'eau J'y suis née et reste tout profondément attachée à ma terre natale et à l'un de ses villages les plus pittoresques, Matmata ». L'ambition de la jeune artiste est de «raconter une histoire fantastique qui voyage dans un monde lointain mais avec des caractères d'aujourd'hui». Loin de son pays, son premier élan est de retrouver ces "moments de bonheur" qu'elle a connus pendant son enfance avec sa mère, ses tantes et ses copines de classe. «Des moments animés en musique, chant et danse tout au long de soirées interminables autour des contes fantastiques. Les petites soirées intimes entre Tunisiens, à l'occasion de l'un ou l'autre Aïd se multiplient». De quoi créer un petit bout de sa Tunisie en Belgique et assurément de quoi inspirer beaucoup de créativité !