«On l'appelle le révolutionnaire. Et il est un inlassable défenseur de l'Afrique et du développement». C'est en ces termes que M. Donald Keberuka, président de la Banque africaine de développement, a présenté le prix Nobel d'économie, le professeur Joseph Stiglitz. Invité d'honneur de la BAD, dans le cadre de son programme des éminents conférenciers, Pr. a été présent en Tunisie, ce lundi 11 janvier 2010, pour présenter une conférence sur «l'après crise financière : les options pour l'Afrique». Echec des théories et politiques économiques Leçons à apprendre : «Aucun pays n'est préservé de la crise. On n'est plus sûr qu'il y a une bonne institution ou une bonne politique puisque la politique américaine, qu'on imitait beaucoup, s'est révélée très mauvaise», précise Pr. Stilglitz. Le retour à l'équilibre s'annonce très difficile et la crise pourrait s'étendre au-delà de 2011. Aux Etats-Unis d'Amérique, le ratio dette sur PIB augmente pour atteindre 100%. Plus d'un quart des recettes de l'Etat vont assurer le remboursement de la dette. «Actuellement, un Américain sur six voulant avoir un emploi à temps plein n'en trouve pas. Pour le même nombre, l'hypothèque dépasse la valeur de la maison. Le problème est que nous n'avions pas le filet de sécurité pour que la population résiste». Le prix Nobel affirme que les pays qui n'ont pas libéralisé leurs marchés de capitaux ont résisté mais aussi les pays qui ont beaucoup de réserves tels que la Russie qui a des réserves d'une valeur de 600 milliards de dollars. La crise a, d'ailleurs, révélé des faiblesses des théories et des politiques économiques. Il est apparu que l'innovation financière n'a pas renforcé la rentabilité de l'économie. «Toutes les idées ne sont pas bonnes. Il faut retenir que les marchés financiers n'ont pas joué leur rôle crucial consistant à gérer le risque et à allouer le capital. La crise a montré que le gouvernement a un rôle à jouer dans la prévention des accidents et aussi dans la promotion des bonnes innovations. Il faudrait établir un juste équilibre entre le secteur public et le marché». Pour lui, les Banques centrales ont aussi montré leurs faiblesses puisque les banques non indépendantes ont résisté mieux que les banques indépendantes. Se protéger contre les risques Pour le G20, le prix Nobel indique qu'il n'a pas de légitimité politique puisque les pays en développement n'y sont pas représentés mais parce qu'il a aussi échoué à mobiliser des fonds pour aider les pays pauvres. «On estime que les Etats-Unis d'Amérique doivent épargner plus et que la Chine doit consommer plus. Mais est-ce là le problème ? Le problème n'est pas dans l'épargne mais dans la distribution des richesses et l'aggravation des inégalités. L'investissement doit s'orienter vers des besoins réels de développement», insiste M. Stilglitz. Pour le sommet de Copenhague, «une faiblesse majeure» où les participants n'ont même pas pu s'accorder sur les principes fondamentaux. «Une occasion manquée de résolution du problème». Pr. Stilglitz a souligné le rôle de la Chine, représentée désormais comme un modèle de la croissance qui a bien résisté à la crise. Pour l'Afrique, il faudrait miser sur l'industrialisation qui perd du terrain, la création de banques nationales de développement aidant à financer l'économie et à créer les richesses. Il y a aussi la gestion des ressources naturelles qui s'avère comme «une malédiction» pour certains pays africains. «Ce qu'il faut faire pour se protéger contre le risque est d'accumuler les réserves, être plus prudent vis-à-vis de la libéralisation, permettre l'intervention de l'Etat, garantir un meilleur équilibre entre le marché et l'Etat et aussi être préparé en mettant l'accent sur la stabilité et la croissance», indique Pr. Stilglitz.