Consciente de la marchandisation de plus en plus poussée des échéances sportives, de l'accroissement effréné des droits de transmission et de l'importance de certaines compétitions footballistiques pour les organisations membres, l'Union de Radiodiffusion des Etats Arabes (ASBU) a appelé ses adhérents, chaînes télévisuelles privées et publiques, à adopter une stratégie unifiée face aux penchants mercantilistes de la FIFA, à refuser la logique du marché dans un domaine d'essence émotionnelle, spectaculaire et populaire et à s'inspirer des gouvernements européens, qui n'ont pas hésité à légiférer pour interdire la spéculation sur certains événements sportifs, protégeant ainsi de larges franges de leur opinions publiques des tendances monopolistiques des uns et des autres. Le Parlement espagnol a ainsi décrété le football comme relevant de «l'intérêt public», interdisant, de ce fait, le monopole des deux sociétés Canal Satellite et la Liga. En Italie, le gouvernement a fixé un plafond maximum de 60% de mainmise sur tous les droits relatifs aux grandes échéances sportives. En 1997, le Commissariat Européen, dont le rôle est de définir les concepts de «monopole» et «d'exclusivité», est parvenu à interdire le cryptage d'une liste limitée de compétitions importantes devant être arrêtée par chaque pays. Quant aux Britanniques, ils ont tout simplement empêché, grâce à une série de lois bien ciblées, la société BSKyB d'accaparer les droits de sept événements sportifs majeurs dont le tournoi de tennis de Wimbledon, les Jeux Olympiques et bien entendu la Coupe du monde de football. Il s'agit là d'initiatives étatiques fructueuses, protégeant les valeurs sportives et le droit des téléspectateurs vis-à-vis des spéculateurs et des courtiers de tout acabit. Peut-on espérer la même réaction côté arabe ? Se rassembler autour de l'ASBU Depuis plus d'une décennie, l'excès de concurrence, la recherche effrénée du plus grand gain et les surenchères de certains apprentis sorciers ont permis à quelques courtiers de s'accaparer 25 ou 30% du volume total des droits dans le monde arabe, semé la zizanie parmi les membres de l'ASBU, obligés de négocier en solo avec la chaîne détentrice des droits (autrefois ART et maintenant El Jazira sports), en raison des recommandations de la FIFA et provoqué, de ce fait, l'hémorragie des budgets de tous les radiodiffuseurs arabes. L'heure est vraiment au resserrement des rangs, à la convergence des intérêts. Car, quels que soient les moyens financiers mis en œuvre pour affirmer une forme de leadership dans le paysage audiovisuel arabe, les revenus générés par la publicité et le parrainage (sponsoring) ne peuvent en aucun cas couvrir le taux d'accroissement vertigineux des droits de transmission et la logique spéculative du marché. Le rassemblement inconditionnel autour de l'ASBU, la solidarité agissante entre ses différents membres et le lobbying permanent des fédérations sportives nationales des pays arabes (plus précisément celles du football) auprès de la FIFA sont la condition sine qua non de la réussite d'une stratégie visant l'obtention des droits de transmission télévisuels et la diffusion privative cryptée de certaines compétitions sportives continentales ou internationales, sans contrepartie financière. Sans cohésion, les rangs se disperseront encore davantage, ce qui peut aiguiser l'appétit des intermédiaires et des mastodontes de l'audiovisuel, toujours à l'affût des proies solitaires. Il convient aussi d'inciter les radiodiffuseurs nationaux arabes à agir sur les plans professionnel et politique, à faire pression sur leurs Etats pour voter des lois établissant des listes d'événements sportifs qui ne peuvent être cryptés, même si une chaîne satellitaire est en situation de monopole au niveau du droit de transmission. A ce stade, un code d'honneur entre les organisations membres de l'Union de Radiodiffusion des Etats Arabes en vue de bannir les négociations en solo et de s'assurer une position unifiée face aux marchandages des uns et des autres est susceptible de garantir le droit du citoyen, de Tunis à Rabat, du Caire à Nouakchott, d'accéder à l'information (new access) et de bénéficier du spectacle des joutes footballistiques comme un «bien public», à l'instar de ce qui se passe dans un certain nombre de pays européens.