A J-1, on ne sait toujours pas si le gouvernement Mechichi va passer ou pas. C'est triste qu'une telle incertitude caractérise notre paysage politique. Il ne s'agit pas d'une incertitude qu'on rencontre à la veille des élections démocratiques où chaque camp est à deux doigts de l'emporter, il s'agit de celles qui reflètent une instabilité politique totale qui ne présage rien de bon. Comment voulez-vous investir et planifier dans un pays qui ne sait pas dans quelle direction il s'oriente ?! Demain, Hichem Mechichi, troisième chef du gouvernement désigné en moins de neuf mois, va affronter un Parlement divisé, bien divisé. Que va-t-il se passer ? A défaut de pouvoir répondre à cette question, regardons toutes les options qui se présentent. On est sûrs qu'il y en aura au moins une qui va se réaliser. On est également sûrs d'une autre chose, Hichem Mechcihi va gagner, ou perdre, grâce, ou à cause, de quelques voix seulement. S'il gagne, ce sera un petit oui ; s'il perd, ce sera un petit non.
Le Parlement vote oui. S'il obtient le oui, c'est que Hichem Mechichi a réussi à obtenir les voix d'Ennahdha. Au moins quelques unes. Ce petit oui qu'il obtiendra ne lui permettra pas de gouverner tranquillement, puisqu'il aura près de cent voix contre lui au Parlement. Le parti islamiste ne va certainement pas le laisser tranquille et va demander un renvoi d'ascenseur. A défaut, il lui bloquera tous les projets de réformes, nécessaires et inévitables s'il veut sauver le pays. On ne le sait pas encore, mais qu'il vote oui ou non, le PDL va surveiller Mechichi de près et va lui mener la vie dure si jamais il lui vient à l'idée de tendre la main aux islamistes. Quant au président de la République, il a déjà annoncé la couleur en recevant le « remercié » Walid Zidi, futur ministre de la Culture. C'est une évidence, la gouvernance de Hichem Mechichi ne sera pas de tout repos et il sera dans la peau de David contre Goliath. Pire, l'équipe de David est loin d'être homogène et beaucoup, parmi ses membres, doivent leur portefeuille au président de la République et non au chef du gouvernement.
Le Parlement vote non. Cette hypothèse renvoie à deux possibilités puisque la constitution est bien vague sur le sujet. Si le gouvernement est rejeté par le Parlement, le président de la République peut dissoudre l'Assemblée des représentants du peuple et convoquer de nouvelles élections législatives dans un délai de 45 jours au plus tôt et de 90 jours au plus tard (art 89). La position de Kaïs Saïed n'est pas officiellement connue à ce sujet, bien qu'il ait déjà assuré à Rached Ghannouchi qu'il ne dissoudrait pas le Parlement s'il consent à rejeter le gouvernement Mechichi.
Kaïs Saïed ne dissout pas le Parlement S'il tient sa promesse, Kaïs Saïed devrait tirer les leçons de ses deux premières expériences, car si on est dans la mouise en ce moment, c'est bel et bien à cause de lui. Il a choisi des candidats non adoubés par les partis, des candidats venus de nulle part et sans ceinture politique. Retiendra-t-il la leçon ? Rien n'est moins sûr.
Candidat consensuel Kaïs Saïed se décide enfin à consulter sincèrement les partis, puis aller dans leur sens. Les partis ont déjà fait connaitre leur choix dans les deux premières expériences et ont sélectionné Fadhel Abdelkefi et Hakim Ben Hammouda. Si Kaïs Saïed veut sincèrement sauver le pays, calmer la scène politique, garantir au chef du gouvernement une gouvernance sereine et une ceinture politique, c'est l'un de ces deux candidats qu'il choisira. Il nous aura fait perdre neuf mois, mais il vaut mieux tard que jamais.
Candidat non consensuel Kaïes Saïed continue à jouer aux sourds et à envoyer balader les partis comme il l'a fait avec les choix de Elyes Fakhfakh et Hichem Mechichi. Il nous sort de son chapeau une vierge politique et c'est reparti pour un troisième tour de tractations, d'enchères et tout le manège. Par sa faute, les partis politiques seront encore plus discrédités et le pays continuera à sombrer.
Kaïs Saïed dissout le Parlement Avec ce choix, le président de la République sera fidèle à sa promesse de « le peuple veut ». Après une si longue crise politique, quoi de plus noble, démocratiquement parlant, que de redonner la parole au peuple ? Après des élections législatives anticipées, une nouvelle assemblée se dégagera avec de nouvelles forces politiques. Le vainqueur choisira son candidat à la présidence du gouvernement et Kaïs Saïed reviendra à sa place première, dans ce cas prévu par la constitution, c'est-à-dire une chambre d'enregistrement. Il n'aura pas à accepter ou refuser le candidat choisi par le parti vainqueur. On aura perdu une année, mais il est temps d'en finir avec cette crise et ce flottement.
Sur un plan strictement démocratique, c'est l'option de la dissolution du Parlement qui est la meilleure. Sauf que cette option dessert tout le monde. Les partis ne sont pas prêts à affronter de nouvelles élections aux résultats incertains (sauf pour le PDL). Kaïs Saïed aura perdu, avec cette option, l'avantage de l'influence qu'il a actuellement sur la Kasbah. Sur un plan strictement fonctionnel, c'est également cette option qui est la meilleure. Un gouvernement fragile qui gagne avec peu de voix ou un énième candidat inconnu désigné par Kaïs Saïed sera synonyme de la poursuite de l'instabilité politique.
Pour éviter l'instabilité, pour l'intérêt du pays (et c'est ça qui compte pour nous), seules trois options doivent être retenues. - Hichem Mechichi gagne demain haut la main. Ce qui est très peu probable à ce jour, au vu de la mentalité des partis. - Hichem Mechichi perd et Kaïs Saïed désigne un candidat vraiment consensuel, c'est-à-dire M. Abdelkefi ou M. Ben Hamouda. Ce qui est très peu probable au vu de la mentalité de Kaïs Saïed. - Hichem Mechchi perd et Kaïs Saïed dissout le Parlement pour redonner la parole au peuple et le pouvoir aux partis. Ceci est également peu probable au vu de la mentalité de Kaïs Saïed qui veut avoir son mot à dire.