Un flou total entoure les Lois de finances 2022 et complémentaire 2021, entrainant l'inquiétude des opérateurs économiques. A cette époque, on avait au moins un aperçu des mesures qui seront décidées et les professionnels pouvaient intervenir auprès du ministère ou des élus, pour les éclairer sur l'impact de certaines dispositions à fin de rectifier le tir ou de temporiser leur mise en application. Or, cette année rien n'a filtré et personne ne sait sur quel pied danser. Rappelons que la loi de finances est l'acte législatif par lequel le parlement vote le budget de l'Etat, autorisant le pouvoir exécutif à percevoir l'impôt et à engager des dépenses publiques pendant une période déterminée, et peut contenir d'autres dispositions relatives aux finances publiques. Le législateur tunisien a fixé des délais réglementaires pour la préparation de cette loi, sa soumission au parlement, son adoption et sa ratification. En effet, l'article 66 de la Constitution dispose : « (…) Le projet de loi de finances est soumis à l'Assemblée au plus tard le 15 octobre. Il est adopté au plus tard le 10 décembre. (…) Si à la date du 31 décembre le projet de loi de finances n'a pas été adopté, il peut être mis en vigueur, en ce qui concerne les dépenses, par tranches trimestrielles renouvelables, et ce, par décret présidentiel. Les recettes sont perçues conformément aux lois en vigueur ». Rappelons aussi que le président de la République a gelé le parlement depuis le 25 juillet dernier. On ne connait donc pas le devenir du parlement et s'il sera opérationnel avant la fin des échéances constitutionnelles en ce qui concerne la Loi de finances 2022. Mais, selon l'article de loi précité, le chef de l'Etat pourra le cas échéant ratifier la LF 2022, par tranches trimestrielles, via décrets présidentiels. D'ailleurs, la professeure en droit constitutionnel Mouna Kraïem avait affirmé que les compétences de l'Assemblée des représentants du peuple seront transférées au président de la République et que ce dernier ratifiera la Loi de finances. Et de soutenir qu'« il s'agit de l'unique solution face au blocage institutionnel et juridique actuel ».
Notons aussi que l'actuelle ministre des Finances, qui était à l'époque chargée de la gestion du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Appui à l'investissement, Sihem Boughdiri Nemssia, avait affirmé, le 8 septembre 2021, lors de sa rencontre a avec l'ambassadeur de l'Union européenne (UE) en Tunisie, Marcus Cornaro, que toutes les structures étatiques et les administrations continuent de travailler avec la même performance et le même rythme, notamment dans l'avancement de la préparation de la Loi de finances complémentaire de 2021 et de la Loi de finances 2022. Et de réitérer le ferme engagement de la Tunisie à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour renforcer la compétitivité de l'économie nationale et réaliser plus de progrès social.
Mais tout ceci ne répond pas à l'inquiétude des opérateurs, surtout avec le manque de ressources flagrants et la dégradation de sa note souveraine par l'agence de notation américaine Moody's qui rend l'accès aux marchés internationaux difficile mais surtout extrêmement coûteux, face à un asséchement des liquidités sur le marché intérieur.
D'ailleurs, la ministre des Finances avait appelé les services centraux et régionaux de la Direction générale des impôts, lors d'une réunion tenue le 19 octobre 2021, à redoubler d'efforts durant la période à venir en augmentant le contrôle et en axant sur les interventions sur terrain pour limiter le régime forfaitaire pour ses bénéficiaires. Elle avait, aussi, appelé à multiplier les campagnes de sensibilisation pour régulariser les situations en suspens et accélérer le traitement des dossiers en cours. En outre, les derniers discours du chef de l'Etat ne sont pas du tout rassurants. Le président de la République n'a pas hésité à s'en prendre à plusieurs secteurs d'activités qui œuvrent sur le marché officiel, qui créent de l'emploi ainsi que de la richesse, et surtout qui représentent un apport important aux caisses de l'Etat en termes d'impôts et taxes.
Rappelons que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouen Abassi, avait affirmait, jeudi 21 octobre 2021, que l'abaissement, par Moody's, de la note souveraine de la Tunisie de B3 à Caa1 est le prix de l'hésitation et du flou aux niveaux politique et économique dont a fait preuve le pays. Et de préciser qu'il faut réussir à boucler le budget 2021 et clarifier la vision pour le budget 2022 afin de parvenir à dissiper les doutes des principaux partenaires financiers.