Alors que plusieurs de ses dirigeants ont fait les frais d'une justice sévère, le parti Tahya Tounes s'est distingué par son absence. Bien trop timidement, selon certains de ses leaders, le parti n'a pas défendu ses membres qui ont été mis en résidence surveillée puis relâchés, sans aucune explication. Au contraire, le leadership du parti s'est jeté dans le bras de Kaïs Saïed, pour n'en tirer aucun bénéfice. Nous sommes le 1er mai 2019, à la clôture du congrès constitutif du parti Tahya Tounes. Son secrétaire général, Selim Azzabi, prend la parole pour déclarer, devant une foule chauffée à blanc : « Tahya Tounes est né grand ! ». Près de deux ans et demi plus tard, Selim Azzabi a quitté la politique et Tahya Tounes est plus petit que jamais. La dernière fois que le parti dit s'être réuni sous la houlette de son président, Youssef Chahed, remonte au 3 décembre 2021. En plus, c'était une réunion concernant les affaires internes avec l'organisation d'un congrès extraordinaire en mars 2022. Mis à part cela, Tahya Tounes est absent de la scène politique nationale. Il n'y a que les interventions médiatiques de Mustapha Ben Ahmed ou de Walid Jalled qui nous rappellent encore que ce parti existe. Il est vrai que le fait que le président du parti, Youssef Chahed, soit plus à l'étranger qu'en Tunisie depuis quelques mois n'aide pas. Selon certains, il serait chargé de certaines missions par le président de la République lui-même, avec lequel il entretiendrait d'excellentes relations. D'autres estiment que Youssef Chahed est tout simplement en fuite à l'étranger et qu'il n'a même pas voulu rentrer en Tunisie pour y demander son visa pour les Etats-Unis. Il aurait fait toutes les procédures à Paris. Quoiqu'il en soit, les reproches fusent en interne contre le président du parti. Quand des dirigeants importants du parti comme Ridha Mouakher, Lotfi Ben Sassi ou encore Samir Taïeb ont été soit mis en résidence surveillée, soit en prison en attendant l'enquête, le parti a réagi très mollement. Youssef Chahed avait même justifié les mises en résidence surveillée arguant du fait qu'il avait lui-même utilisé le même procédé. Dans une interview donnée en août 2021 il déclarait : « Ce qui devait arriver, arriva ! Le peuple ne peut pas oublier les actes de violence et le blocage au sein du parlement, le gouvernement comportant six ministres par intérim, les 20.000 morts suite à la propagation du Coronavirus et la pénurie d'oxygène. Le président de la République a mis fin à la situation de chaos. Ceci a restitué la confiance avec le peuple et nous devons aller de l'avant en se basant sur ce capital confiance ». Comme beaucoup de partis, Tahya Tounes a adhéré aux décisions présidentielles prises le 25 juillet dernier. Mais ensuite, plus rien.
Walid Jalled, l'un des leaders du parti, n'a pas caché que la question du soutien au président de la République a posé problème au sein de Tahya Tounes, surtout après la parution du décret 117 du 22 septembre. Le parti était divisé entre ceux qui craignaient une prise de pouvoir inédite de la part de Kaïs Saïed et les risques de dérapage, et ceux qui voulaient continuer à soutenir le chef de l'Etat dans sa confrontation supposée avec les islamistes et les corrompus. Résultat des courses, le parti n'a pas bougé et a été totalement absent des derniers développements de la scène politique tunisienne. Dernier exemple en date, Tahya Tounes n'a pas pris position concernant le 14-janvier. Fallait-il manifester avec les partis démocrates ? Faut-il fêter la révolution le 17 décembre comme l'a ordonné le chef de l'Etat ? Le parti n'a pas tranché. Le parti qui est « né grand » comme l'avaient annoncé ses dirigeants, s'est construit une image de parti opportuniste. Tahya Tounes faisait partie de la fameuse « ceinture » politique du gouvernement de Hichem Mechichi. Youssef Chahed lui-même recommandait d'être clément avec son successeur à la Kasbah au vu des difficultés qu'il doit affronter. Mais le même parti applaudissait des deux mains quand le chef de l'Etat a évincé ce gouvernement et a pris en main tous les pouvoirs. En plus, la pilule de la désolidarisation totale envers ses propres dirigeants n'est toujours pas passée. Jusqu'au matin des élections législatives de 2019, les cadors de Tahya Tounes refusaient la réalité et croyaient encore à la possibilité d'obtenir un bon résultat et même de gagner. Complétement coup des réalités, Tahya Tounes a vivoté pendant quelques mois en opérant des choix discutables et incohérents. Aujourd'hui, le parti est dans une situation « très difficile » de l'aveu même du président de son bloc parlementaire, Mustapha Ben Ahmed. Les espoirs semblent placés dans le congrès extraordinaire prévu pour mars 2022, mais les déceptions, aussi, sont permises.