La juge et présidente d'honneur de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), Raoudha Karafi, a affirmé que la déclaration de la ministre de la Justice, Leila Jaffel, du 9 février 2022 suivant son entretien avec le président de la République, Kaïs Saïed, ne pouvait que confirmer la dissolution et la suppression du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Intervenant le 10 février 2022 sur les ondes de la radio Express FM, Raoudha Karafi a considéré que la mise en place d'un conseil provisoire confirmait la suppression du CSM. « Il s'agit d'une déformation de la réalité ! L'opinion publique ne doit pas tomber dans ce piège », a-t-elle ajouté. La juge a rappelé que la Constitution de 2014 présentait la justice comme étant un pouvoir et que les magistrats, contrairement aux affirmations du président de l'Ordre national des avocats de Tunisie, Brahim Bouderbala, ont le droit d'entamer une grève. « Il s'agit d'une grève visant à préserver la justice tunisienne et son indépendance ! La dissolution du CSM est un dangereux précédent portant atteinte à la démocratie, à l'Etat de droit et à la séparation des pouvoirs ! », a-t-elle assuré. Raoudha Karafi a souligné l'importance d'empêcher le pouvoir exécutif et politique de contrôler le pouvoir judiciaire. Elle a considéré que ceci ne pouvait avoir lieu qu'à travers le maintien d'une instance indépendante. « Les magistrats font l'objet de campagnes d'incitations et de harcèlements ! La dissolution du CSM par de simples consignes verbales est un événement choquant ! Le conseil a été fermé par la force ! Ceci est caractéristique d'un retour en arrière où le juge doit se soumettre aux instructions du pouvoir en place. Un pouvoir judiciaire soumis à l'exécutif ne peut pas garantir les droits des citoyens ! Nous courons vers la désintégration de la justice et de l'Etat de droit », a-t-elle déclaré. Raoudha Karafi a expliqué que le refus de la dissolution du CSM ne signifiait pas le refus d'entamer des réformes au sein du pouvoir judiciaire. Elle a estimé que ceci ne pouvait pas avoir lieu durant l'état d'exception. Elle a rappelé que le décret n°117 interdisait tout recours en justice à l'encontre des décrets promulgués par la présidence de la République. Elle a, aussi, évoqué la grève des magistrats tenue les 9 et 10 février 2022 en guise de réactions à l'annonce de la dissolution du CSM et de la fermeture de ses locaux par les forces de l'ordre.