A l'heure où le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature est à l'étude devant la commission des législations au sein de l'ARP, les juges ont entamé hier la grève de deux jours, décrétée par l'Association des magistrats tunisiens. Raoudha Karafi présidente de l'Association a indiqué hier au Temps que cette grève n'est pas revendicative d'avantages matériels mais elle est dans l'intérêt d'une Justice équitable et impartiale. Elle traduit la prise de conscience des juges de la tendance de l'exécutif à vouloir porter atteinte à l'indépendance de la magistrature et aux droits et libertés publiques, soit à travers la dernière mouture du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, ou le projet de loi réprimant les agressions contre les forces armées, avec des peines privatives de liberté, contre les manifestants. Raoudha Laâbidi, président du Syndicat des magistrats tunisiens a quant à elle, une position réservée, étant donné qu'elle adhère à l'avis de ses confrères, mais non à la grève de deux jours décrétée par l'Association. Dans une déclaration à Shems fm, elle a précisé que le Syndicat n'est pas partie prenante à cette grève « étant donné qu'il n'a pas été consulté pour coordonner un mouvement unifié ». Cela n'empêche que « nous respectons les décisions de toutes les structures » a-t-elle ajouté. Raoudha Karafi a préféré ne pas commenter la position du Syndicat, se contentant de déclarer que cela n'a pas eu d'influence sur les magistrats dans leurs trois secteurs, judiciaire, administratif et financier. C'est une grève réussie à presque 100%, à travers toute la République » a-t-elle précisé, ajoutant que « cela démontre que les magistrats sont unanimement convaincus de la nécessité de la création d'un Conseil supérieur de la magistrature qui soit réellement représentatif d'un pouvoir judicaire indépendant. C'est le meilleur moyen pour garantir les droits et les libertés publiques ». « La grève qui se poursuit aujourd'hui n'est pas une fin en soi car la lutte continue dans le but de préserver l'intégrité et l'indépendance du pouvoir judiciaire par tous les moyens, a encore précisé Raoudha Karafi. Par ailleurs, la commission de la législation au sein de l'ARP a voté hier pour une loi spéciale relative aux hauts postes judicaires et la suppression de l'article 29 du projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature, proposé par l'Union des magistrats administratifs. Cela va dans le sens de l'article 106 de la Constitution selon lequel il est stipulé que « les hauts postes judiciaires sont attribués par le biais d'un décret présidentiel, en concertation avec le chef du gouvernement ». La commission a également adopté la version finale de l'article 42 du projet de loi sur la carrière professionnelle des juges, lequels ne peuvent désormais être mutés en dehors de leur lieu d'affectation sans leur consentement exprimé par écrit. C'est conforme au principe de l'inamovibilité du juge. Il n'empêche que le projet de loi concerné reste à parfaire sur beaucoup de points, selon Raoudha Karafi, notamment en ce qui concerne les articles sur le pouvoir de tutelle sous l'autorité de laquelle seront placés certains organes du Conseil dont notamment l'Inspection, le Centre des études judicaires et l'Institut supérieur de la magistrature. La lutte des magistrats pour l'indépendance de la Justice semble de plus en plus s'accentuer, pourvu que les dissensions pour des questions accessoires, entre le syndicat et l'Association, ne fassent pas tâche d'huile afin de ne pas négliger l'essentiel : l'indépendance du juge.