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L'ombre de Jilani Daboussi plane sur Noureddine Bhiri
Publié dans Business News le 11 - 02 - 2022

Après un mois et douze jours de grève de la faim, Noureddine Bhiri a entamé hier, jeudi 10 février 2022, une grève de la faim sauvage. C'est-à-dire qu'il va refuser désormais de boire de l'eau sucrée et de se faire injecter toute solution sous-cutanée. Il proteste contre son assignation à résidence en dehors de toute poursuite judiciaire.
L'action a beau être extrême et violente, elle ne suscite pas de compassion particulière dans les sphères politico-médiatiques, y compris chez les milieux proches de l'islamiste. Ça reste quand même curieux que le parti islamiste radical Karama n'a publié aucun communiqué de soutien. Son président Seïf Eddine Makhlouf n'a même pas publié un post Facebook pour soutenir son collègue, confrère et ami. Comment se fait-il que « LE » Noureddine Bhiri, tant courtisé par le passé, soit lâché par tout le monde ?
Avocat de formation, ce natif de Jebeniana en 1958 (64 ans) a rejoint Ennahdha à l'âge de 17 ans. Il figure parmi les rares figures du parti islamiste à ne pas avoir été emprisonné par l'ancien régime de Ben Ali. Il a un statut particulier qui lui a permis de passer entre les mailles du filet de Ben Ali et même de jouer les intermédiaires pour desserrer l'étau autour des islamistes emprisonnés. Aux palais de justice, il a toujours eu ses entrées et ses sympathisants parmi les magistrats.

Après la révolution, à laquelle il n'a point participé, il est élu à la Constituante et devient ensuite ministre de la Justice.
A peine entré au ministère, il fait signer au président Moncef Marzouki une amnistie de son frère pédophile, condamné à quatre ans de prison. Noureddine Bhiri se défend de tout favoritisme et prétend que son frère a été victime d'une cabale judiciaire montée par l'ancien régime. Ce n'est pas l'avis des habitants de Jebeniana qui sont sortis manifester contre cette libération. Quelques mois après, le frère pédophile récidive… en toute impunité.
Quatre mois après sa nomination, Noureddine Bhiri révoque 82 juges au motif officiel de lutte contre la corruption. La vérité, ce n'est qu'une chasse aux sorcières pour mettre au pas les juges qui refusent de se soumettre à son diktat. Cette mesure a fait beaucoup de bruit et a été considérée comme purement politique par l'Association des magistrats. D'ailleurs, une bonne partie des juges révoqués a pu rétablir ses droits après avoir entamé des recours auprès du Tribunal administratif. N'empêche, le mal est fait. Les magistrats indépendants ont compris rapidement le danger qu'ils encourent si jamais ils résistent aux islamistes au pouvoir. Les autres, ceux acquis idéologiquement, multiplient les zèles dans l'espoir d'obtenir une gratification de leur ministre.
Ainsi, durant cette période, on a multiplié les arrestations et les harcèlements judiciaires des figures de l'ancien régime et des hommes d'affaires. Un véritable racket se faisait au profit d'Ennahdha. Tous ceux qui s'opposaient à Ennahdha et son hégémonie naissante étaient assurés d'avoir des ennuis judiciaires.

Noureddine Bhiri a également profité de son poste pour se venger de ses ennemis de l'ancien régime. Ainsi le cas de l'ancien maire de Tabarka, Jilani Daboussi, quasiment mort en prison. Sous dialyse et en détention provisoire pendant trente mois (alors que la durée légale est de quatorze mois), il a quitté la prison le 7 mai 2014 à 20 heures pour mourir chez lui, six heures plus tard. A l'origine de sa détention ? Un membre de la commission de Abdelfattah Amor lui aurait demandé cinquante mille dinars qu'il a refusé de payer, d'après un témoignage à Business News de Sami Daboussi, fils du défunt. Ce dernier accuse nommément Noureddine Bhiri d'être l'assassin de son père. Après des recours judiciaires, sans suite, en Tunisie, M. Daboussi a engagé des procédures en France pour ce qu'il appelle, un meurtre d'Etat. A ce jour, il n'a toujours pas fait son deuil.

Cette affaire n'est pas la seule à défrayer la chronique. L'animateur et directeur d'une chaîne de télévision, Sami El Fehri, a également subi les affres de Noureddine Bhiri.
Tout comme feu Daboussi, Sami El Fehri a également dépassé les délais légaux de détention préventive. Pire, il a bénéficié d'une décision de la cour de cassation, autorisant sa libération, mais le parquet (hiérarchiquement dépendant de Noureddine Bhiri) a refusé de le libérer ordonnant à la direction de la prison de le laisser là où il est. En même temps, l'épouse du ministre, Saïda Akremi, avocate, est allée elle-même rendre visite au prisonnier pour le racketer. Elle voulait que sa chaîne cesse de critiquer Ennahdha et son président Rached Ghannouchi. Sami El Fehri a refusé et il est resté en prison. Pire, ses conditions de détention se sont détériorées, après que son avocate ait médiatisé la visite nocturne de l'épouse du ministre.
Quelques semaines plus tard, il a fini par abdiquer et a accepté que sa chaîne TV mette de l'eau dans son vin. La chaîne a recruté un chroniqueur islamiste d'Ennahdha, l'avocat Chékib Derouiche, et c'est la ligne éditoriale de toute la chaîne qui a changé. Sami El Fehri est libéré.
Bien qu'il ne soit resté qu'un an et demi au poste, Noureddine Bhiri a réussi à mettre au pas la magistrature et à annihiler l'indépendance de la justice pendant des années. Il a récupéré les dossiers de tout le monde et connaissait les points faibles de tous les juges. Cette main-basse, qui s'additionne à ses relations particulières avec les magistrats idéologiquement acquis à sa cause, lui a permis de rester influent à ce jour.

En 2022 encore, on parle du couloir de Bhiri dans le tribunal de première instance de Tunis, pour pointer du doigt les magistrats qui lui obéissent encore au doigt et à l'œil.
C'est que Noureddine Bhiri a beau ne pas être au poste de ministre, il est encore dirigeant d'Ennahdha et appartenant à son aile radicale. Président du bloc d'Ennahdha à l'assemblée, il est encore plus efficace qu'avant et sa capacité de nuisance est restée considérable.
Il a même affuté ses armes quand on sait que c'est lui qui a créé de toutes pièces le parti islamiste radical El Karama. Il a désigné lui-même une bonne partie des candidats aux élections législatives de 2019 de ce qu'on appelle couramment le pare-choc d'Ennahdha. Ce nouveau parti islamiste radical sert à frapper les adversaires avec des méthodes barbares. On ne compte plus le nombre d'incidents et d'agressions verbales, voire physiques, des opposants, au sein même de l'assemblée.
La méthode se résume en une phrase. La présidence de l'assemblée viole ouvertement la loi ou le règlement interne, l'opposition conteste et c'est El Karama qui monte au front pour l'agresser. Du coup, Ennahdha parait comme un parti pacifique et paisible.
Loin du milieu politique, dans le monde des affaires, le cabinet de Noureddine Bhiri continue à fonctionner. C'est son épouse Saïda Akremi qui le dirige et elle est chargée de représenter tous les clients se présentant au député-ancien ministre. Les rumeurs circulant à Tunis parlent de milliards engrangés, ce que Me Akremi dément catégoriquement.

Après le coup d'Etat du 25-Juillet, les voix se sont élevées pour qu'on mette Noureddine Bhiri en prison.
Kaïs Saïed s'est enfin décidé et a choisi une date pernicieuse pour l'attraper, le 31 décembre 2021.
Des véhicules de police encerclent sa voiture au sortir de son domicile, le matin, et l'arrêtent. Il aurait été violenté avant d'être transféré à un lieu inconnu. Il a fallu attendre 72 heures pour que l'on sache qu'il est placé en résidence surveillée à Menzel Jemil.
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Sauf que voilà, l'arrestation et l'assignation à résidence n'ont pas été décidées par un juge. C'est le ministre de l'Intérieur qui a ordonné cette décision administrative au prétexte d'octroi de passeports et de certificats de nationalité de manière illégale. « L'affaire revêt un caractère terroriste », d'après le ministre de l'Intérieur qui précise qu'il y aura beaucoup de surprises. C'était le 3 janvier. Nous sommes le 10 février et il n'y a toujours aucune révélation concernant cette affaire. Aucun procureur et aucun juge d'instruction n'a ouvert de dossier.
Techniquement, Noureddine Bhiri subit une injustice claire de la part d'un pouvoir despotique.
Réellement, il y a plusieurs affaires déposées contre lui, mais aucune n'a abouti, à ce jour, à une convocation judiciaire.
Concrètement, Noureddine Bhiri est en grève de la faim sauvage depuis 24 heures et risque de mourir d'un instant à l'autre.

Celui qui est accusé d'un meurtre d'Etat risque, à son tour, d'en être victime. Est-ce l'ombre de feu Jilani Daboussi ? Peu importe. Le fait est que son état ne provoque aucune compassion à Tunis. Pour l'ensemble de son œuvre, à tort ou à raison, Noureddine Bhiri est considéré comme le deuxième homme le plus haï de Tunisie. Juste après son chef Rached Ghannouchi.

Raouf Ben Hédi

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