Les élections de 2019 ont donné naissance à un paysage politique atypique reposant essentiellement sur la loyauté au président de la République, Kaïs Saïed et à son projet politique de la gouvernance par les bases. Ceux adoptant la même pensée et s'exprimer au nom du président de la République se sont rués pour expliquer les caractéristiques de ce projet et le défendre. Les partisans et soutiens du projet de Kaïs Saïed peuvent être classés en trois catégories réparties sur des périodes de temps différentes en raison de leurs différentes interprétations du même projet. Le projet de la gouvernance par les bases n'a pas vu le jour à l'occasion des élections présidentielles de 2019, mais remonte plutôt à la fin 2011. La première cellule de ce projet, dont les traits ont commencé à se préciser au début de la première campagne de boycott des élections à l'Assemblée nationale constituante, se compose de Kaïs Saïed, Ridha Chiheb Mekki (alias Ridha Lénine) et Sonia Charbti, la première cellule et l'équipe du projet. De 2011 jusqu'aux élections de 2019, le trio a œuvré à travers une campagne explicative populaire et la création d'une deuxième équipe composée d'étudiants de la Faculté des Sciences juridiques politiques et sociales et dont les membres ont été déployés sur l'ensemble du territoire. Ceci s'est achevé par une victoire lors des élections ! Les élections du "Le peuple veut". Après l'annonce des mesures du 25 juillet 2021, d'autres équipes soutenant le même projet ont vu le jour. Suite à la victoire lors de l'élection présidentielle de 2019, les premiers initiateurs du projet ont enclenché le phénomène du "porte-parole de Kaïs Saïed" en expliquant la gouvernance par les bases et en communiquant ses détails. Des porte-parole du président ayant annoncé leur soutien au projet et leur loyauté de façon claire. Ils ont, à travers cette approche, dévoilé le lien qui les unit au palais présidentiel et leur relation directe avec le président de la République. Parmi ces porte-parole, il y a Ridha Chiheb Mekki alias Ridha Lénine qui avait expliqué la relation d'amitié entre le président de la République et lui. Celle-ci remonterait à des décennies et au moment où ils s'étaient réunis afin de développer et de lancer un projet politique soutenant, selon lui, la révolution du 17 décembre. La relation entre Kaïs Saïed avec son porte-parole est devenue claire suite à la rencontre entre ces deux derniers au palais de Carthage à la date du 22 juin 2021. Les sujets abordés lors de cette rencontre ont permis à Ridha Chiheb Mekki de disposer d'un espace lui permettant de s'exprimer au nom du président de la République. Les thématiques abordées étaient les visions développées depuis plus de dix années et portants sur le régime politique et le système électoral. De son côté, Sonia Charbti, l'une des premières porteuses du projet de la gouvernance par les bases, contrairement à Ridha Chiheb Mekki, a nié sa proximité avec la présidence de la République, mais avait, en même temps, exprimé son soutien à son projet. « Je ne suis qu'une élève parmi des milliers d'élèves du président et j'ai affirmé des milliers de fois que je n'étais pas sa directrice de campagne ou sa porte-parole ! Ni hier ! Ni aujourd'hui ! Nous adoptons, depuis 2011 jusqu'à aujourd'hui, une nouvelle méthode de travail politique au sein de notre société et donc, il n'y a pas de directeur entre nous ! Ni moi ! Ni quelqu'un d'autre ! Pas de porte-parole ! Ni moi ni quelqu'un d'autre », avait-elle déclaré. Elle avait exprimé sa satisfaction quant à la nouvelle constitution adoptée suite au référendum du 25 juillet et qui répondrait, selon elle, le plus aux revendications populaires et au véritable sens de la démocratie, de la République, des droits de la femme et de l'enfant et qui serait une constitution restaure le système républicain et les droits des citoyens. Les déclarations de Sonia Charbti l'ont placée dans la deuxième catégorie des porte-parole officiels : ceux qui soutiennent le projet du président et ses fondements sans communiquer avec ce dernier. Sonia Charbti n'a pas monopolisé la défense du projet du président. Faouzi Dâas a affirmé faire partie du projet du président, en adhérant à une cellule de réflexion et de travail créée depuis le sit-in de la Kasbah 2 en 2011. Ce mouvement appelait à la chute du système. Faouzi Dâas a expliqué que durant le sit-in de la Kasbah 2 des groupes de réflexions et de travail s'étaient formés et ont rencontré Kaïs Saïed sur place, ainsi que le reste du groupe dont Ridha Chiheb Mekki, Sonia Charbti et Kamel Fekih (actuel gouverneur de Tunis) afin d'assimiler la nouvelle réalité. Faouzi Dâas, l'un des membres de la campagne explicative de Kaïs Saïed, présentait à chaque étape une interprétation des décisions du président de la République et fournissait implicitement plus d'informations au sujet de la gouvernance par les bases, de l'application de l'article 80, passant par le référendum et la dissolution du parlement jusqu'à l'adoption de la nouvelle constitution et les élections législatives de 2022. A travers les données qu'il présente, Faouzi Dâas a affirmé directement son soutien au projet du président et démontre que les deux partagent les mêmes idées. Cette catégorie de porte-parole a tendance à nier tout contact direct avec le palais présidentiel ou le chef de l'Etat Kaïs Saïed même s'ils ont connaissance des données, des détails et des étapes à venir. Cette catégorie soutient le président depuis 2011 jusqu'à aujourd'hui. Après l'annonce des mesures du 25 juillet 2021, une nouvelle catégorie de porte-parole a vu le jour. Elle représente la troisième catégorie et regroupe ceux se proclamant proches du président et affirmant avoir connaissance des affaires internes du palais présidentiel en usant des mêmes expressions lors de différents discours telles que "nous avons été contactés par le palais présidentiel", "nous avons reçu des promesses de la part du président de la République et à travers le bureau d'ordre du palais" et plusieurs autres innombrables exemples. Le plus connu de ceux appartenant à cette catégorie est Ahmed Chaftar qui avait auparavant affirmé que le projet de Kaïs Saïed serait une œuvre témoignant de la créativité humaine et permettant à la Tunisie d'accéder à une nouvelle ère. Il a déclaré que « personne ne pouvait parler au nom du président et toute personne affirmant le représenter était un menteur ou un imposteur... Nous sommes des volontaires au service de ce pays ». Ceci indique implicitement qu'il n'était pas un porte-parole du président de la République, mais qu'il croyait en un projet portant les mêmes idées que celui du chef de l'Etat, Kaïs Saïed et qu'il soutenait toutes ses décisions tout en précisant qu'il faisait partie de la campagne explicative. Ahmed Chaftar n'est pas le seul a évoqué dans son discours une proximité avec le président de la République et son projet. Harak 25 juillet, à travers une déclaration de son secrétaire général régional portant sur la révision du décret électoral et l'introduction de modifications au sujet des parrainages a affirmé son soutien au président de la République. « Le palais présidentiel nous a contactés et on a salué nos propositions. On nous a promis qu'une révision du décret électoral aura lieu dans les prochaines heures », a-t-il dit. Cette déclaration remonte au 13 octobre. Jusqu'au 25 octobre, aucune modification du décret n'a été annoncée. Le chef de l'Etat Kaïs Saïed laisse le champ libre à toutes ces catégories de porte-parole. Il leur permet indirectement d'expliquer son projet sur l'intégralité du territoire à l'échelle la plus large possible et d'y adhérer. Il aurait pu mettre fin à ce phénomène en se comportant de la même façon qu'avec les partis politiques. Il avait essayé de mettre fin au système reposant sur ces structures en soutenant une idée selon laquelle "celui qui s'engage dans un parti politique n'est autre qu'un traître".