Malgré tous les efforts de l'instance des élections pour cadenasser le processus électoral, l'échec est aujourd'hui criard. Le taux de participation au deuxième tour des élections législatives du 29 janvier est de seulement 11,3%. Le processus entamé le 25 juillet 2021 s'achève aujourd'hui par la deuxième claque que l'opinion publique tunisienne lui adresse. Lors de toutes les échéances électorales que la Tunisie a connues ces dernières années, l'association Mourakiboun a toujours eu la possibilité de communiquer ses propres taux de participation. Cela n'a pas été possible avec la précision nécessaire, pour la première fois, pour ce deuxième tour des élections législatives. Il est important de rappeler que ladite association avait calculé un taux de participation de 11% au premier tour des législatives, soit un taux très proche de la réalité. Des instructions ont été données aux bureaux régionaux de ne communiquer aucun chiffre à propos de la participation. Ils ont même été sommés de n'utiliser que le mécanisme USSD mis en place par l'instance pour faire en sorte que les données soient uniquement traitées au niveau central. C'est un échantillon des manœuvres de verrouillage faites par l'instance des élections pour faire en sorte que le taux de participation qu'elle se décidera à communiquer soit parole d'évangile. Il faut également rappeler l'acrobatie de l'Isie pour calculer deux taux de participation, l'un pour les électeurs inscrits volontairement et l'autre pour le reste du corps électoral. Tout est bon pour tenter de gonfler, même artificiellement, les taux de participation pour prétendre au succès de l'échéance électorale, et donc au succès du processus politique dans lequel le président Kaïs Saïed a engagé le pays depuis le 25 juillet 2021. Même en baissant le volume du corps électoral de deux millions de personnes, le taux de participation n'a pas été convaincant.
Tous les efforts de l'Isie, ainsi que les instructions présidentielles données à la cheffe du gouvernement et au ministre de l'Intérieur sur la neutralité des administrations, n'auront finalement pas permis de faire monter le taux de participation. La réquisition de la Télévision nationale pour l'organisation de pseudo-débats entre des candidats qui ignorent leurs prérogatives n'aura servi à rien. Heureusement que l'honneur de cette institution a été partiellement sauvé par ses correspondants dans les régions du pays, qui ont rendu fidèlement compte du fait que ces élections n'intéressent personne. Dès 11 heures du matin, il a fallu avaler la couleuvre publiée par l'Isie sur le premier taux de participation. Seulement trois heures après l'ouverture des bureaux, l'instance des élections déclare que pas moins de 369.561 électeurs ont été enregistrés, soit 123.187 électeurs par heure, près de deux mille par minute…. Le taux de participation final communiqué par l'instance des élections en fin de journée est de 11,3%. Un chiffre qui reste bas malgré toutes les interprétations fallacieuses que pourront en faire les soutiens et les propagandistes du 25-Juillet. Les prétextes selon lesquels les Tunisiens n'ont pas participé aux élections car il n'y a pas d'argent politique ou parce que le code électoral est resté obscur aux yeux de l'électeur ne tiennent plus la route malgré les efforts acharnés des différents chroniqueurs pro-Saïed qui pullulent sur les chaînes de télévision et de radio. Au final, la deuxième mi-temps prônée par le président de la République au lendemain du premier tour des élections législatives aura été au moins aussi décevante que la première. Seulement onze électeurs sur cent se sont déplacés pour aller voter en ce dimanche pluvieux. Dans sa majorité, le peuple tunisien n'adhère pas au processus politique actuel.
Ce résultat sera, bien évidemment, exploité par les parties opposantes au président de la République, Kaïs Saïed. Ce sera, pour eux, une preuve supplémentaire que le régime actuel a perdu toute légitimité puisque l'adhésion populaire, tant vantée par le chef de l'Etat lui-même, s'est avérée être un mirage. Un tel résultat va également renforcer la pertinence et la légitimité de l'initiative de règlement de crise préparée par l'UGTT, la LTDH, le FTDES et l'Ordre des avocats. Plus que jamais, cette initiative est une vraie bouée de sauvetage lancée par ces organisations nationales à Kaïs Saïed et à son régime. Ce dernier ne peut se prévaloir d'une légitimité issue de ses réalisations, ni d'une légitimité populaire issue d'une adhésion au processus. En effet, ce dernier ressemble plus à un grand passage en force qu'à un élan collectif conduit par le président de la République. Reste l'autre étape qui concerne l'élection du fameux conseil des régions et des districts qui est censé compléter la nouvelle architecture institutionnelle voulue par le président Kaïs Saïed. Il est fort à parier que cette étape connaitra le même « succès ».
En six semaines, l'opinion publique tunisienne aura adressé deux baffes au régime en place et au processus déclenché depuis le 25 juillet 2021. Les Tunisiens sont déçus et bien trop empêtrés dans leurs soucis quotidiens relatifs au pouvoir d'achat et à l'approvisionnement pour donner du crédit à un processus politique unilatéral et confus. Maintenant, la réaction et le commentaire du président de la République, Kaïs Saïed sont très attendus par l'ensemble de la scène politique tunisienne. Comprendra-t-il le message des Tunisiens et révisera-t-il son positionnement, ou poursuivra-t-il son entêtement et mettra-t-il cet échec sur le compte d'on ne sait quel électeur ? Les prochains jours révéleront la réponse.