À Barcelone se tient le 8e forum régional de l'Union pour la Méditerranée (UpM) qui sera consacré à la situation au Moyen-Orient. En plein drame en Palestine et alors que l'offensive israélienne a fait des milliers de victimes en à peine 45 jours, cette rencontre suscite la colère dans certains milieux tunisiens. C'est que Israël est un Etat membre de l'union tout autant que la Tunisie. La Tunisie, dont la position officielle affirme que la normalisation est une traitrise, se trouve ainsi confrontée à ses contradictions. La question de la criminalisation de la normalisation avec Israël est devenue une source de gêne pour les autorités tunisiennes. Alors que les élus devaient voter une proposition de loi dans ce sens, le processus a été stoppé net par une intervention de l'exécutif via le président du Parlement, Brahim Bouderbala. La suspension de la plénière consacrée au vote a été un scandale pour cette assemblée. D'ailleurs, les observateurs extérieurs considèrent ses prérogatives restreintes, à la limite fantoche et la situation a conforté cette analyse. La crise autour de la proposition de loi sur la criminalisation de la normalisation a fait apparaître le gap entre la parole officielle affichant un soutien indéfectible à la cause palestinienne, et l'action officielle qui n'a pas le courage de concrétiser ses positions. La question est restée en suspens, mais le président de la République a continué à dénoncer, par la parole uniquement, les exactions commises par Israël et les parties qui coopèrent avec. Ainsi, quand la Tunisie a annoncé participer au 8e Forum régional de l'Union pour la Méditerranée, cela a remis sur la table les contradictions de la position tunisienne. Placé sous la présidence du Haut représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, et du ministre des Affaires étrangères de Jordanie, Ayman Safadi, le 8e Forum régional réunira les représentants des 43 Etats membres de l'UpM afin de discuter de la situation au Moyen-Orient. Nabil Ammar, ministre des Affaires Etrangères conduit la délégation tunisienne participant au Forum. D'après ses services, le ministre saisira cette occasion pour réitérer à ses homologues des pays membres de l'UpM, « la position ferme et constante de la Tunisie en faveur des droits légitimes et immuables du peuple palestinien, et les appeler à assumer la responsabilité politique et morale qui leur incombe en s'engagent résolument à mettre fin à l'agression de l'occupant, à assurer la continuité de l'aide humanitaire urgente, et à lever le blocus imposé dans la Bande de Gaza et dans toute la Palestine ».
En marge de cette participation, est également prévue une série d'entretiens bilatéraux avec les chefs de la diplomatie des pays partenaires et hauts responsables des organisations internationales.
Le mouvement Echaâb, pourtant acquis au processus du 25-Juillet, a été le premier à dégainer en dénonçant la participation de la Tunisie à ces travaux « dont l'ennemi sioniste est un membre prépondérant en plus de la présence des pays européens soutenant l'offensive contre les Palestiniens ». Echaâb a de ce fait appelé à ce que la Tunisie n'y participe pas et à ce qu'elle retire son adhésion à l'UpM. Le mouvement estime que cette participation contredit les slogans pour la libération de la Palestine du fleuve à la mer et le discours officiel de l'Etat tunisien considérant que traiter avec les sionistes est une haute trahison. C'est sur cette base qu'Echaâb a exhorté le gouvernement à revoir sa position conformément aux slogans qu'il défend sur la question palestinienne. Dans les coulisses, il s'est dit que la Tunisie avait informé il y a un moment qu'elle se retirerait si des représentants israéliens participaient au forum. Par ailleurs, Israël n'a pas confirmé sa présence au vu de la situation avec Gaza. Toutefois, la question de l'adhésion d'Israël à l'UpM s'est posée depuis le lancement de l'initiative. Certains pays arabes avaient même demandé des clarifications quant à la présence de l'Etat hébreu dans cette union. L'Algérie avait à l'époque dit craindre que ce cadre serve de prétexte à « une normalisation rampante ». En 2008, l'UpM est officiellement créée à Paris. Les chefs d'Etat et de gouvernement de 43 pays – les 27 états membres de l'Union européenne et 16 Etats du sud et de l'est de la Méditerranée – participent au sommet. Les objectifs de paix, de stabilité et de sécurités énoncés en 1995 sont réaffirmés par les participants dans la lignée du processus de Barcelone en signant une déclaration commune. La France se félicitait à l'époque d'avoir réuni au sein de la même enceinte les représentants d'Israël, de l'Autorité palestinienne et de pays arabes dans une volonté de dialogue. En 2008, Israël bénéficiait d'un siège de secrétaire général adjoint de l'UpM. Mais en 2009, l'union connait sa première secousse avec l'offensive israélienne dans la bande de Gaza. Pour la première fois depuis le lancement du processus en 1995, des pays boycottent les réunions. Une initiative politique est lancée pour relancer le processus et l'Egypte rassemble les pays du monde arabe autour de l'idée que l'UpM représente la plateforme idéale pour se faire entendre.
Le fait est que le statut de l'union pose Israël comme un partenaire pour tous les Etats qui y adhèrent. Des projets et des coopérations sont mis en place. Cela tourne essentiellement autour de six axes stratégiques : le développement des entreprises, l'enseignement supérieur et la recherche, les autoroutes maritimes et terrestres, la réponse commune aux catastrophes naturelles, la dépollution de la Méditerranée, les énergies renouvelables et le changement climatique. Le champ des coopérations s'est élargi par la suite au domaine de la culture, de l'agriculture ou encore des migrations. Alors, les autorités tunisiennes, qui tout en bloquant une loi criminalisant la normalisation, mais en estimant qu'il s'agit d'une haute trahison semblent, dans ce cas nager dans l'incohérence. D'aucuns diront, toutefois, que la Tunisie ne pourrait s'isoler totalement de son environnement. L'essentiel dans cette affaire est que nos autorités clarifient, une bonne fois pour toutes, leur position et dissipent ainsi le flou.