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Comment la Stil a fait faillite
Publié dans Business News le 22 - 12 - 2023

Le président de la République a effectué mercredi 20 décembre une série de visites à d'anciens locaux de la Stil. Il a fait remarquer qu'il n'y avait pas de pénurie de lait quand cette société publique existait, laissant entendre que c'est la politique de privatisation qui est la cause des maux actuels de la Tunisie. Rien n'est moins sûr, car en consultant les états financiers de la Stil avant sa liquidation en 2005, on découvre une société à plat fortement endettée et incapable d'alimenter le marché.

Outre ses idées arrêtées, que personne ne peut ébranler, Kaïs Saïed se distingue par sa nostalgie de la Tunisie d'antan où tout fonctionnait à merveille (d'après lui) grâce à un Etat fort et des entreprises publiques efficaces. C'était avant que le régime de l'époque n'entreprenne sa politique de privatisations tous azimuts et choisisse la voie du libéralisme, du libre marché et de la concurrence. Et c'est à partir de là que l'Etat aurait faibli et que les entreprises publiques auraient périclité allant jusqu'à la faillite pour beaucoup d'entre-elles.
Kaïs Saïed est convaincu par ses idées et il leur trouve même des preuves. C'était le cas mercredi 20 décembre quand il est allé à des unités d'industrie laitière autrefois appartenant à feue la Société tunisienne d'industrie laitière (Stil).
Pour Kaïs Saïed, la marque est juteuse, la preuve son utilisation commerciale par la SFBT qui a repris certains de ses actifs. Il fait remarquer qu'il n'y avait pas de pénurie de lait, comme maintenant, quand cette société existait.
Pour les néophytes, ce que dit Kaïs Saïed tient du bon sens et ne saurait être contestable. Quand on regarde de plus près, la réalité est bien plus complexe.

Le président de la République compare deux époques qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre. La Tunisie des années 1960 comptait 4,2 millions d'habitants alors que celle de 2023 compte 11,8 millions d'habitants auxquels on rajoute quelque sept millions de touristes.
À cette époque des années 1960, la filière était rentable de l'agriculteur au commerçant en passant par l'industriel. L'Etat n'avait pas besoin de subventionner le lait à plus de 50% de son prix comme maintenant. Le prix du lait en vrac proposé par les éleveurs avoisinait le prix du lait UHT proposé par la Stil. Le Tunisien avait le choix d'acheter son lait de terroir chez le laitier qui frappait à sa porte ou le lait industriel vendu à l'épicerie, les deux prix étaient quasiment identiques. Aujourd'hui, le lait en vrac est vendu à 2,4 dinars, alors que son équivalent UHT ne peut être vendu au-delà de 1,1 dinar à cause du plafonnement des prix imposé par l'Etat.
Alors que la Stil des années 1960 réussissait à dégager des bénéfices grâce à son activité, les industriels d'aujourd'hui sont obligés de vendre le lait UHT demi-écrémé à perte. Ils ne peuvent équilibrer leurs états financiers que grâce aux autres produits dérivés.
Si les grands industriels peuvent se permettre cette vente à perte, ce n'est pas le cas des éleveurs dont un bon nombre a été acculé à vendre ses bovins (notamment à l'Algérie) et changer d'activité. Dans les années 1960, les éleveurs se bousculaient au portillon et la demande était bien inférieure à l'offre.

Comment la Stil rentable des années 1960 a pu chuter au point d'être mise en faillite en 2005 ?
Créée en 1961, la Stil avait bénéficié pendant très longtemps du statut de monopole. Il n'y avait aucun autre industriel pour la concurrencer sur le marché et pouvait fixer les prix qu'elle voulait et les produits qu'elle voulait. Si le prix du lait en boisson n'était pas excessif et prenait en considération celui en vrac proposé encore par les éleveurs et les laitiers de quartier, il n'en est pas de même pour les produits dérivés, notamment le fromage et le yaourt. Les prix de ces derniers étaient tellement excessifs qu'il était rare de les trouver dans les foyers des familles modestes, voire moyennes.
Outre le prix excessif, la Stil ne brillait pas vraiment par la variété de ses produits. Côté yaourt, il y avait deux à trois variétés, le yaourt nature sans sucre et le yaourt sucré (vanille ou fraise).
Il fallait attendre février 1974 pour que la Stil ait un concurrent avec la création de Tunisie Lait. Une fausse concurrence puisqu'il s'agit d'une autre entreprise publique. Tunisie Lait et Stil n'ont fait que monopoliser le marché et s'entendaient parfaitement sur tout, aussi bien les prix que les produits. C'était une situation privilégiée et loin d'être naturelle.
Outre la production et la commercialisation du lait et dérivés, la Stil détenait des actifs qui lui généraient du cash-flow en permanence et en grandes quantités. Entre autres, elle était actionnaire dans le géant Nestlé dont les dividendes étaient bien généreux pour elle. Mais là où il y avait du cash, c'était dans Magasin Général qui avait un monopole sur la commercialisation des boissons alcoolisées. Grâce à ses actifs, ses monopoles, son entente avec son faux concurrent et surtout un cadre législatif et institutionnel taillé sur mesure, la Stil avait des excès de trésorerie et une situation financière très saine. Bien entendu, tout cela se faisait au détriment du consommateur-citoyen.
C'est au milieu des années 1990 que tout a basculé quand l'Etat a décidé de déréglementer le secteur en l'ouvrant à la concurrence.
Cette libéralisation du marché a énormément profité aux consommateurs-citoyens avec une grande variété de produits proposés par les concurrents privés à des prix moins élevés que ceux de la Stil.
Alors qu'une unité industrielle privée fonctionnait avec une centaine d'agents, la Stil trainait quelque 1300 salariés au début des années 2000. Alors qu'elle était toujours bénéficiaire, elle devait désormais cumuler les déficits.
D'après ses états financiers de 2001, consultés par Business News, la Stil avait plus de douze millions de dinars de pertes pour un chiffre d'affaires de 34 millions de dinars. Ce chiffre d'affaires s'est réduit à 24,6 millions de dinars en 2002 et à 18 millions de dinars en 2003.
Son unité de Sfax (dont Kaïs Saïed présentait une photo fièrement) a enregistré en 2003 une perte de 3,3 millions de dinars pour des revenus de quatre millions de dinars.
Rien qu'avec la BNA (banque publique), la Stil enregistrait un découvert de 46 millions de dinars, comme l'a noté le commissaire aux comptes Abderrazak Maalej en 2010, qui souligne ne pas avoir pu vérifier le sort de ce découvert classé par la banque en contentieux.
Cette situation a poussé la Stil à vendre ses actifs les uns derrière les autres pour renflouer ses caisses. Ses unités laitières de Tunis ont été cédées à la SFBT (les autres n'ont pas trouvé de repreneur), Magasin Général a été cédé à l'Office du Commerce à plus d'un million de dinars, ainsi que son hôtel à Zaghouan. L'ensemble des ventes n'a cependant pas réussi à restructurer l'entreprise. L'Etat a dû s'acquitter de quelque huit millions de dinars, rien que pour indemniser le personnel licencié. Quant à ses créances à la BNA, elles ont été carbonisées, au moins en partie.

Le sort de la Stil que Kaïs Saïed présente comme une société jadis modèle n'est pas différent de plusieurs autres sociétés publiques. Dès lors qu'on leur enlève le statut de monopole et de protectionnisme de l'Etat, elles périclitent. Mal gérées, en sureffectif, liées par la législation archaïque des entreprises publiques, elles ne peuvent pas évoluer en environnement concurrentiel. Le cas n'est pas spécifique à la Tunisie, il s'observe partout dans le monde.
Il suffit de voir les entreprises publiques encore vivantes pour s'en convaincre : la CPG, la Snipe La Presse, la Télévision, la Radio, la STS elles vivent toutes aux dépens de l'Etat et sont incapables de dégager des bénéfices come au siècle dernier. Deux exceptions, la RNTA mais cette dernière bénéficie encore du statut absurde de monopole et la Poste qui bénéficie d'un réseau très large supérieur à l'ensemble du secteur bancaire. Contre-exemple, Tunisie Telecom, mais l'opérateur téléphonique ne s'est jamais mieux porté que depuis sa privatisation partielle et la modification de ses statuts.
En matière d'optimisation des dépenses et de satisfaction client, le secteur privé ne peut en aucun cas être concurrencé par une entreprise publique. Que Kaïs Saïed remette en doute cette règle universelle ne change en rien la donne, l'Etat n'a pas à posséder des entreprises publiques évoluant dans des secteurs concurrentiels, il ne peut qu'y laisser des plumes.
Si Kaïs Saïed veut résoudre le problème du lait industriel, il n'a qu'à laisser le marché fonctionner d'une manière naturelle (comme le cas du lait en vrac) ou bien, s'il tient à préserver le pouvoir d'achat du citoyen, à subventionner au prix juste les agriculteurs et les industriels pour que ces derniers trouvent leur compte.


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