Ahmed Souab : nous sommes libres dans nos prisons, ils sont prisonniers dans leurs palais !    Air France annule ses vols vers Dubaï et Riyad, après les frappes américaines en Iran    Résultats du bac : les filles décrochent les meilleurs taux de réussite    Exportation de 34,152 mille tonnes de produits agricoles biologiques au cours des 5 premiers mois de 2025    Fermeture imminente du détroit d'Hormuz : l'Iran durcit le ton    MAE Iranien : "Les Etats-Unis ont franchi une ligne rouge"    Le raid américain serait-il un coup d'épée dans l'eau ?    Marathon de la construction et de l'édification : une course qui fait courir… les moqueries    3,7 millions de tonnes par an : la production maraîchère tient malgré la baisse des surfaces    Marée rouge à Monastir : Un phénomène toxique entraîne la mort de nombreux poissons    Tunis : des radars automatiques seront installés dans les points noirs    Contrebande : la douane intercepte pour plus de 900 mille dinars de marchandises    Saisie record de drogue à Ras Jedir : Plus de 22 000 comprimés d'ecstasy et 2,2 kg de cocaïne interceptés    Décès d'Ahmed Habbassi, premier ambassadeur de Tunisie en Palestine    La Chine devrait faire preuve de résilience face aux chocs du commerce mondial    Tunisie : Entrée en vigueur des sanctions liées à la facturation électronique à partir du 1er juillet 2025    Coupe du monde des clubs – L'EST s'impose face à Los Angeles FC : La copie parfaite !    Espérance – Chelsea : Un duel décisif en préparation à Détroit    Université : Tout savoir sur le calendrier d'orientation des nouveaux bacheliers    Riposte iranienne : Des missiles frappent Tel-Aviv, Haïfa et le centre de l'entité sioniste    À Istanbul, Nafti condamne l'agression contre l'Iran et appelle à une mobilisation islamique unie    Dar Husseïn: Histoire politique et architecturale    Lancement d'une plateforme numérique dédiée au suivi de l'avancement de la réalisation des projets publics    Sonia Dahmani, sa codétenue harceleuse transférée… mais pas avant le vol de ses affaires    Foot – Coupe du monde des clubs (3e J-Gr:D)- ES Tunis : Belaïli absent contre Chelsea    L'homme de culture Mohamed Hichem Bougamra s'est éteint à l'âge de 84 ans    Alerte rouge sur les côtes de Monastir : des poissons morts détectés !    La Tunisie signe un accord de 6,5 millions d'euros avec l'Italie pour la formation professionnelle    La poétesse tunisienne Hanen Marouani au Marché de la Poésie 2025    Le ministre du Tourisme : La formation dans les métiers du tourisme attire de plus en plus de jeunes    « J'aimerais voir l'obscurité » : la nuit confisquée de Khayam Turki    Accès gratuit aux musées militaires ce dimanche    La Ministre des Finances : « Nous veillons à ce que le projet de loi de finances 2026 soit en harmonie avec le plan de développement 2026-2030 »    Décès d'un jeune Tunisien en Suède : le ministère des Affaires étrangères suit l'enquête de près    69e anniversaire de la création de l'armée nationale : Une occasion pour rapprocher l'institution militaire du citoyen    Face au chaos du monde : quel rôle pour les intellectuels ?    Festival arabe de la radio et de la télévision 2025 du 23 au 25 juin, entre Tunis et Hammamet    Ons Jabeur battue au tournoi de Berlin en single, demeure l'espoir d'une finale en double    Carrefour Tunisie lance le paiement mobile dans l'ensemble de ses magasins    WTA Berlin Quart de finale : Ons Jabeur s'incline face à Markéta Vondroušová    AMEN BANK, solidité et performance financières, réussit la certification MSI 20000    CUPRA célèbre le lancement du Terramar en Tunisie : un SUV au caractère bien trempé, désormais disponible en deux versions    Kaïs Saïed, Ons Jabeur, Ennahdha et Hizb Ettahrir…Les 5 infos de la journée    Skylight Garage Studio : le concours qui met en valeur les talents émergents de l'industrie audiovisuelle    Festival Au Pays des Enfants à Tunis : une 2e édition exceptionnelle du 26 au 29 juin 2025 (programme)    Découvrez l'heure et les chaînes de diffusion du quart de finale en double d'Ons Jabeur    Le Palais de Justice de Tunis: Aux origines d'un monument et d'une institution    Tunisie : Fin officielle de la sous-traitance dans le secteur public et dissolution d'Itissalia Services    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Comment la Stil a fait faillite
Publié dans Business News le 22 - 12 - 2023

Le président de la République a effectué mercredi 20 décembre une série de visites à d'anciens locaux de la Stil. Il a fait remarquer qu'il n'y avait pas de pénurie de lait quand cette société publique existait, laissant entendre que c'est la politique de privatisation qui est la cause des maux actuels de la Tunisie. Rien n'est moins sûr, car en consultant les états financiers de la Stil avant sa liquidation en 2005, on découvre une société à plat fortement endettée et incapable d'alimenter le marché.

Outre ses idées arrêtées, que personne ne peut ébranler, Kaïs Saïed se distingue par sa nostalgie de la Tunisie d'antan où tout fonctionnait à merveille (d'après lui) grâce à un Etat fort et des entreprises publiques efficaces. C'était avant que le régime de l'époque n'entreprenne sa politique de privatisations tous azimuts et choisisse la voie du libéralisme, du libre marché et de la concurrence. Et c'est à partir de là que l'Etat aurait faibli et que les entreprises publiques auraient périclité allant jusqu'à la faillite pour beaucoup d'entre-elles.
Kaïs Saïed est convaincu par ses idées et il leur trouve même des preuves. C'était le cas mercredi 20 décembre quand il est allé à des unités d'industrie laitière autrefois appartenant à feue la Société tunisienne d'industrie laitière (Stil).
Pour Kaïs Saïed, la marque est juteuse, la preuve son utilisation commerciale par la SFBT qui a repris certains de ses actifs. Il fait remarquer qu'il n'y avait pas de pénurie de lait, comme maintenant, quand cette société existait.
Pour les néophytes, ce que dit Kaïs Saïed tient du bon sens et ne saurait être contestable. Quand on regarde de plus près, la réalité est bien plus complexe.

Le président de la République compare deux époques qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre. La Tunisie des années 1960 comptait 4,2 millions d'habitants alors que celle de 2023 compte 11,8 millions d'habitants auxquels on rajoute quelque sept millions de touristes.
À cette époque des années 1960, la filière était rentable de l'agriculteur au commerçant en passant par l'industriel. L'Etat n'avait pas besoin de subventionner le lait à plus de 50% de son prix comme maintenant. Le prix du lait en vrac proposé par les éleveurs avoisinait le prix du lait UHT proposé par la Stil. Le Tunisien avait le choix d'acheter son lait de terroir chez le laitier qui frappait à sa porte ou le lait industriel vendu à l'épicerie, les deux prix étaient quasiment identiques. Aujourd'hui, le lait en vrac est vendu à 2,4 dinars, alors que son équivalent UHT ne peut être vendu au-delà de 1,1 dinar à cause du plafonnement des prix imposé par l'Etat.
Alors que la Stil des années 1960 réussissait à dégager des bénéfices grâce à son activité, les industriels d'aujourd'hui sont obligés de vendre le lait UHT demi-écrémé à perte. Ils ne peuvent équilibrer leurs états financiers que grâce aux autres produits dérivés.
Si les grands industriels peuvent se permettre cette vente à perte, ce n'est pas le cas des éleveurs dont un bon nombre a été acculé à vendre ses bovins (notamment à l'Algérie) et changer d'activité. Dans les années 1960, les éleveurs se bousculaient au portillon et la demande était bien inférieure à l'offre.

Comment la Stil rentable des années 1960 a pu chuter au point d'être mise en faillite en 2005 ?
Créée en 1961, la Stil avait bénéficié pendant très longtemps du statut de monopole. Il n'y avait aucun autre industriel pour la concurrencer sur le marché et pouvait fixer les prix qu'elle voulait et les produits qu'elle voulait. Si le prix du lait en boisson n'était pas excessif et prenait en considération celui en vrac proposé encore par les éleveurs et les laitiers de quartier, il n'en est pas de même pour les produits dérivés, notamment le fromage et le yaourt. Les prix de ces derniers étaient tellement excessifs qu'il était rare de les trouver dans les foyers des familles modestes, voire moyennes.
Outre le prix excessif, la Stil ne brillait pas vraiment par la variété de ses produits. Côté yaourt, il y avait deux à trois variétés, le yaourt nature sans sucre et le yaourt sucré (vanille ou fraise).
Il fallait attendre février 1974 pour que la Stil ait un concurrent avec la création de Tunisie Lait. Une fausse concurrence puisqu'il s'agit d'une autre entreprise publique. Tunisie Lait et Stil n'ont fait que monopoliser le marché et s'entendaient parfaitement sur tout, aussi bien les prix que les produits. C'était une situation privilégiée et loin d'être naturelle.
Outre la production et la commercialisation du lait et dérivés, la Stil détenait des actifs qui lui généraient du cash-flow en permanence et en grandes quantités. Entre autres, elle était actionnaire dans le géant Nestlé dont les dividendes étaient bien généreux pour elle. Mais là où il y avait du cash, c'était dans Magasin Général qui avait un monopole sur la commercialisation des boissons alcoolisées. Grâce à ses actifs, ses monopoles, son entente avec son faux concurrent et surtout un cadre législatif et institutionnel taillé sur mesure, la Stil avait des excès de trésorerie et une situation financière très saine. Bien entendu, tout cela se faisait au détriment du consommateur-citoyen.
C'est au milieu des années 1990 que tout a basculé quand l'Etat a décidé de déréglementer le secteur en l'ouvrant à la concurrence.
Cette libéralisation du marché a énormément profité aux consommateurs-citoyens avec une grande variété de produits proposés par les concurrents privés à des prix moins élevés que ceux de la Stil.
Alors qu'une unité industrielle privée fonctionnait avec une centaine d'agents, la Stil trainait quelque 1300 salariés au début des années 2000. Alors qu'elle était toujours bénéficiaire, elle devait désormais cumuler les déficits.
D'après ses états financiers de 2001, consultés par Business News, la Stil avait plus de douze millions de dinars de pertes pour un chiffre d'affaires de 34 millions de dinars. Ce chiffre d'affaires s'est réduit à 24,6 millions de dinars en 2002 et à 18 millions de dinars en 2003.
Son unité de Sfax (dont Kaïs Saïed présentait une photo fièrement) a enregistré en 2003 une perte de 3,3 millions de dinars pour des revenus de quatre millions de dinars.
Rien qu'avec la BNA (banque publique), la Stil enregistrait un découvert de 46 millions de dinars, comme l'a noté le commissaire aux comptes Abderrazak Maalej en 2010, qui souligne ne pas avoir pu vérifier le sort de ce découvert classé par la banque en contentieux.
Cette situation a poussé la Stil à vendre ses actifs les uns derrière les autres pour renflouer ses caisses. Ses unités laitières de Tunis ont été cédées à la SFBT (les autres n'ont pas trouvé de repreneur), Magasin Général a été cédé à l'Office du Commerce à plus d'un million de dinars, ainsi que son hôtel à Zaghouan. L'ensemble des ventes n'a cependant pas réussi à restructurer l'entreprise. L'Etat a dû s'acquitter de quelque huit millions de dinars, rien que pour indemniser le personnel licencié. Quant à ses créances à la BNA, elles ont été carbonisées, au moins en partie.

Le sort de la Stil que Kaïs Saïed présente comme une société jadis modèle n'est pas différent de plusieurs autres sociétés publiques. Dès lors qu'on leur enlève le statut de monopole et de protectionnisme de l'Etat, elles périclitent. Mal gérées, en sureffectif, liées par la législation archaïque des entreprises publiques, elles ne peuvent pas évoluer en environnement concurrentiel. Le cas n'est pas spécifique à la Tunisie, il s'observe partout dans le monde.
Il suffit de voir les entreprises publiques encore vivantes pour s'en convaincre : la CPG, la Snipe La Presse, la Télévision, la Radio, la STS elles vivent toutes aux dépens de l'Etat et sont incapables de dégager des bénéfices come au siècle dernier. Deux exceptions, la RNTA mais cette dernière bénéficie encore du statut absurde de monopole et la Poste qui bénéficie d'un réseau très large supérieur à l'ensemble du secteur bancaire. Contre-exemple, Tunisie Telecom, mais l'opérateur téléphonique ne s'est jamais mieux porté que depuis sa privatisation partielle et la modification de ses statuts.
En matière d'optimisation des dépenses et de satisfaction client, le secteur privé ne peut en aucun cas être concurrencé par une entreprise publique. Que Kaïs Saïed remette en doute cette règle universelle ne change en rien la donne, l'Etat n'a pas à posséder des entreprises publiques évoluant dans des secteurs concurrentiels, il ne peut qu'y laisser des plumes.
Si Kaïs Saïed veut résoudre le problème du lait industriel, il n'a qu'à laisser le marché fonctionner d'une manière naturelle (comme le cas du lait en vrac) ou bien, s'il tient à préserver le pouvoir d'achat du citoyen, à subventionner au prix juste les agriculteurs et les industriels pour que ces derniers trouvent leur compte.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.