Des drôleries, on n'en manque pas dans cette nouvelle ère joyeuse. En Tunisie, il est difficile de s'ennuyer pour ceux qui suivent de près les actualités, tant nos autorités ne s'interdisent aucun effort pour égayer nos journées et maintenir le moral du bon peuple au beau fixe. Imparable méthode contre la mélancolie qui pourrait s'emparer de l'âme de ce bon peuple et miner l'ascension promise vers les sommets stratosphériques de la félicité. Merci ! Présent lors d'une séance plénière du Parlement, le ministre de la Jeunesse et des Sports a annoncé, cette semaine, que la Tunisie envisageait de solliciter la Chine pour achever les travaux du complexe sportif d'El Menzah. En travaux depuis l'été 2022, le stade olympique d'El Menzah devait être opérationnel vers la dernière semaine du mois de novembre 2023. Sauf que le stade n'a toujours pas été livré. Nous sommes en février 2024. Le président de la République avait déjà effectué deux visites pour inspecter l'avancement des travaux et on lui avait promis que ça allait être prêt à temps. Il n'en est rien aujourd'hui. Mais que s'est-il passé ? Pourquoi après presque deux ans, n'avons-nous pas de stade rénové et qu'on compte recourir aux Chinois pour finaliser les travaux ? Selon le ministre, les travaux sont entravés par des différends entre les professionnels qui interviennent sur le chantier. De premier abord, on peut s'esclaffer tant la raison semble improbable. On aurait pu penser à une blague, mais ce n'en est pas une malheureusement. Tout en rigolant jaune, il est lieu de se morfondre parce que le constat est sans appel. Il s'agit d'un échec dans la gestion d'un projet qui aurait été, sous d'autres cieux, bouclé en un rien de temps. Alors comment se fait-il que nos autorités aient raté la rénovation d'un stade et qu'elles pensent se tourner vers les professionnels d'un autre pays ? La Tunisie ne disposerait-elle pas des compétences requises ? Peu probable. Le fait est que cette situation sympathique est symptomatique de tout ce qui ne marche pas dans le pays. L'incapacité à gérer correctement des dossiers, pourtant simples, pourrait désormais être considérée comme une nouvelle marque de fabrique.
Le président de la République avait fait un tour du côté du stade d'El Menzah au lancement des travaux et d'autres structures sportives notamment la piscine olympique et la Coupole. Il avait constaté l'état délabré des lieux. Il avait alors appelé les responsables à déployer tous les efforts et allouer les budgets requis pour la restauration rapide de ces structures. Mais comme notre président ne peut aborder un sujet sans qu'il n'y ait complot là-dedans, il avait indiqué qu'il y avait une volonté préméditée pour ruiner ces installations sportives durant les dix dernières années (comprendre la décennie noire). Et pourquoi voulait-on les ruiner ? Tout simplement pour mettre la main sur les terrains à un prix dérisoire. Les adeptes des conjurations y ont trouvé leur compte. Toutefois, ils étaient contents que la cabale ait été déjouée. Avec l'avènement du nouveau régime, tout devait rentrer dans l'ordre. Puisque Kaïs Saïed est aux commandes, on aura rapidement un stade rénové et livré. Les complots et les entraves n'ont plus leur place. Cependant, à la fin de l'échéance, le stade n'était pas finalisé et le président de la République s'y est déplacé une nouvelle fois. Dossier sous le bras, le chef de l'Etat a sermonné le ministre et les ouvriers en affirmant avoir reçu des informations sur la non-conformité de certains matériaux. On lui avait répondu qu'aucune défaillance n'avait été relevée. Il avait aussi dénoncé le retard enregistré, l'avancement des travaux n'ayant pas dépassé les 20%. On lui avait promis de respecter les délais. Bref. On connait tous la suite. Des Chinois devraient reprendre le chantier après le cafouillage avéré des Tunisiens. Un coup porté à l'orgueil national.
Le fait est que cette affaire du stade d'El Menzah n'est pas la seule. Tout récemment une polémique avait éclaté autour de la rénovation du stade olympique de Sousse. L'Etat s'était fait tout bonnement arnaquer. Une enveloppe de 60 millions de dinars avait été engloutie pour qu'au final la Confédération africaine de football refuse l'homologation du stade. Des défaillances à la pelle avait été identifiées et une enquête est en cours pour définir les responsabilités. Le président de la République aura beau crier au complot, il ne s'agit en réalité que d'incompétence.