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Ce qui n'a pas été dit sur le conflit entre les avocats et les magistrats
Publié dans Business News le 20 - 05 - 2024

La grande manifestation des avocats du jeudi 16 mai reflète leur colère contre le régime autoritaire de Kaïs Saïed, mais également contre les magistrats qui, d'après eux, refusent d'être indépendants.

La situation des magistrats tunisiens est au plus bas. Ils ne sont plus considérés comme représentants d'un pouvoir à part entière, comme partout dans le monde, y compris dans les dictatures, mais comme une simple fonction. Cette déconsidération du pouvoir s'accompagne par les critiques les plus virulentes de leurs anciens camarades des facultés de droit, les avocats.
Derrière ces critiques, les mandats de dépôt, jugés abusifs et injustes, émis contre les plus grandes personnalités politiques et les avocats. Dernière victime en date, l'avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, arrêtée depuis le 11 mai pour avoir dit qu'il ne fait plus bon vivre en Tunisie. Un mandat de dépôt a été émis contre elle sur la base de l'article 24 du décret 54. Un décret que les magistrats utilisent à tour de bras pour bâillonner les journalistes, les activistes et les simples citoyens, critiques du pouvoir de Kaïs Saïed. Les victimes de ce décret liberticide, pondu par Kaïs Saïed en septembre 2022, sont exclusivement les adversaires du régime. Les partisans de ce dernier peuvent injurier et diffamer autant qu'ils veulent, ils ne sont pas du tout inquiétés. Idem pour le président de la République qui s'est prononcé, plus d'une fois, dans des affaires judiciaires en cours.
L'arrestation de Sonia Dahmani a été la goutte qui a fait déborder le vase, les avocats sont sortis en masse pour soutenir leur collègue et manifester leur colère contre le régime et les magistrats qu'ils accusent de lui être obéissants et à sa solde.

Théoriquement, la relation entre les magistrats et les avocats ne doit jamais être au beau fixe. Chacun est dans son rôle. Alors que les avocats sont forcément partisans et, parfois, politisés, les magistrats se doivent obligatoirement d'être indépendants au-dessus de la mêlée. Au vu de tous les abus judiciaires supposés, observés ces dernières années, le doute est permis quant à l'indépendance de nos magistrats. Leur association, AMT, a tiré plus d'une fois la sonnette d'alarme.
Dans les faits, le régime Kaïs Saïed a décrété que le pouvoir judiciaire n'en est plus un. Dans la constitution qu'il a écrite tout seul, la justice est désormais une fonction comme une autre. Qui dit fonction, dit fonctionnaire et qui dit fonctionnaire dit hiérarchie. Les magistrats sont-ils devenus hiérarchiquement dépendants du pouvoir exécutif ?
Leur mésaventure a commencé le 6 février 2022 avec l'encerclement policier du Conseil supérieur de la magistrature, puis sa dissolution. C'était là le premier coup de pioche dans le tombeau de la justice en Tunisie. Les magistrats ont réagi immédiatement pour crier au scandale et ont observé une assez longue grève. Ils ont appelé au respect de leur indépendance, un pilier indéniable et incontournable de l'Etat de droit. Alors qu'ils cherchaient du soutien de toutes parts, notamment et surtout par les avocats, les magistrats ont été lâchés par tout le monde et se sont retrouvés seuls. Pourtant, ce sont les avocats qui, les premiers, allaient pâtir de la dissolution du CSM.
Les jours de grève ont été ponctionnés de leurs salaires et, certains, ont eu du mal à honorer leurs engagements financiers.
Le deuxième coup de pioche dans le tombeau de la justice a été donné le 2 juin 2022 avec le limogeage de 57 magistrats. La raison réelle du limogeage de plusieurs parmi ces 57 magistrats est leur indépendance et leur refus d'exécuter des ordres venus d'en haut et ciblant des personnalités politiques.
Ici aussi, et à l'exception de quelques médias qui ont relayé leurs causes, les magistrats se sont retrouvés tous seuls et n'ont bénéficié d'aucun soutien des avocats ou de la société civile.

Comme la loi les y autorise, les magistrats révoqués ont essayé de rejoindre le barreau. Pour ce faire, ils devaient d'abord payer un ticket d'entrée de vingt mille dinars représentant leur cotisation dans la caisse sociale des avocats pour les années antérieures à leur intégration. Grâce à ces vingt mille dinars, ils peuvent bénéficier tout de suite de tous les avantages de la caisse sociale. Mais en dépit de leur paiement, l'Ordre des avocats a refusé de les intégrer, leur opposant des prétextes fallacieux et des procédures administratives et judiciaires rébarbatives.
« Comment voulez-vous que je sois indépendant, si mon salaire est payé par le pouvoir exécutif et que je suis dépendant de lui pour ma survie professionnelle ? Sans ce salaire, je ne saurai payer mon loyer et mon crédit. Les jolis slogans trouvent leurs limites face à la réalité du quotidien », nous dit un magistrat de plus de vingt ans de carrière. Il estime que le montant de vingt mille dinars est au-dessus des moyens des magistrats et qu'il ne garantit même pas l'intégration dans le corps des avocats. « Si on veut l'indépendance des magistrats, on doit leur garantir une survie professionnelle, si jamais ils sont sanctionnés par le pouvoir exécutif. Or les avocats refusent de nous garantir une inscription au barreau et, à défaut, nous n'avons pas d'autres perspectives pour subvenir à nos besoins », poursuit le magistrat en colère contre le régime et contre les avocats. « Certains parmi nous ont bien soutenu les avocats et leurs clients, où sont-ils maintenant ? Qu'ont fait les avocats pour la magistrate gelée qui a innocenté Abdelaziz Essid dans le procès que lui a intenté la ministre de la Justice ? ».

Du côté de l'ordre des avocats, on botte en touche et on prétexte que les magistrats révoqués ont déclenché des procédures devant le tribunal administratif pour leur réintégration. Ils ne peuvent donc pas jouer sur les deux tableaux, à savoir chercher à réintégrer la magistrature tout en cherchant à intégrer le barreau.
Les véritables raisons de la réticence des avocats à faire intégrer les magistrats résident ailleurs cependant et on évite de les dire dans les médias.
L'Ordre des avocats use de protectionnisme au profit de ses adhérents qui ont choisi le métier dès leur sortie de la faculté. « Nous ne sommes pas et nous ne serons jamais une roue de secours. Ils ont fait le choix d'être magistrats, qu'ils l'assument ! », commente un avocat, qui soutient les mesures restrictives du bâtonnier et du bureau de l'Ordre.
Par ailleurs, comme nous le témoigne ce même avocat, il y a comme une concurrence déloyale entre les anciens avocats et les magistrats devenus avocats sur le tard. Ces derniers, semble-t-il, usent de leurs connaissances profondes des dédales judicaires et des relations excellentes qu'ils entretiennent avec leurs anciens collègues, pour faire bouger les dossiers, voire carrément de gagner leurs affaires.
« C'est horripilant de voir un ancien magistrat devenu avocat faire valoir ses connaissances de tel ou autre juge pour gagner une affaire », nous dit l'avocat sexagénaire inscrit près la cour de cassation. Il fait remarquer ce magistrat du Tribunal administratif qui, devenu avocat, s'est installé tout près de son ancien travail pour trouver de nouveaux clients. Idem pour cet ancien magistrat du Conseil de la concurrence.
Autre raison, invoquée mezza voce et jamais devant les caméras, la question des magistrats révoqués pour corruption. C'est le cas de certains parmi les 57 révoqués en juin 2022. « Le monde des avocats et des magistrats est petit et tout le monde connait tout le monde. Pourquoi voulez-vous qu'on accepte parmi nous des magistrats corrompus, ou suspectés de l'être ? Il y a déjà suffisamment d'avocats sulfureux, on ne va pas en rajouter ! ».

Depuis le coup de force de février 2022, les magistrats ont perdu la sécurité de l'emploi. Ils savent qu'ils peuvent être révoqués, ou au mieux, mutés loin de chez eux. Bon à rappeler, les mutations ne se font plus à la rentrée judiciaire comme de tous temps depuis l'indépendance, mais à tout moment. Leur solution de secours de rejoindre le barreau est devenue hypothétique avec les réticences de l'Ordre des avocats qui multiplie les procédures pour les empêcher ou rendre difficile leur intégration.
En face, les avocats jouent les protectionnistes et se protègent contre une éventuelle concurrence déloyale.
Celui qui profite le plus de cette relation tendue entre magistrats et avocats est assurément le régime de Kaïs Saïed. C'est d'ailleurs lui qui est à l'origine de cette situation inextricable. Il aurait respecté l'indépendance du pouvoir judiciaire et celui du CSM, on n'en serait pas là.


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