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Présidentielle - Mawadda Jmei, elle leur a montré la liberté, ils ont regardé le doigt
Publié dans Business News le 25 - 09 - 2024

La jeune militante de 21 ans, Mawadda Jmei, a passé la nuit de mardi en prison. Son crime, elle s'est faite photographier avec un doigt d'honneur devant l'affiche électorale du président-candidat Kaïs Saïed. Cherchant à donner une rude leçon et à étouffer la voix de la gamine, le pouvoir a provoqué un tollé la transformant en héroïne.

Il y a des images qui, par on ne sait quel miracle, provoquent un tollé général et font, parfois, le tour du monde. L'image de Mohamed Bouazizi qui s'est immolé par le feu le 17 décembre 2010. Celle de l'anonyme de Tian'anmen qui, en 1989, s'est posté devant une colonne de 17 chars de l'armée chinoise. Il y a également celle d'Aylan Kurdi, ce Syrien de trois ans, dont le corps était photographié étendu à plat ventre sur une plage turque, mort noyé en 2015 ou encore celle de Mahsa Amini dont la mort en 2022 dans les geôles iraniennes a provoqué d'énormes manifestations dans tout le pays.
Le cas de la jeune tunisienne Mawadda Jmei est de la même famille. Depuis hier, les réseaux sociaux sont en effervescence et ne parlent que d'elle.
Totalement inconnue jusque-là, sans aucune appartenance partisane, Mawadda Jmei (dont le prénom signifie affection) est amoureuse des libertés. Surfant sur la vague, de plus en plus manifeste, des protestations contre le pouvoir de Kaïs Saïed, la jeune fille de 21 ans s'est prise en story, en montrant un doigt d'honneur devant l'affiche électorale de Kaïs Saïed.
Une pareille story, on en voit des milliers tous les jours, partout dans le monde. Les présidents et candidats politiques sont, partout, cibles de moqueries de tous genres aussi bien dans les médias que les réseaux sociaux. Cela porte un nom : liberté d'expression. Ce qu'a fait Mawadda est ce qu'il y a de plus anodin.

Sauf que ce n'était pas l'avis de la police de Gabès. Mardi matin, la jeune dame est kidnappée. Elle est emmenée au poste de police judiciaire de Bab Bhar, sans aucune convocation préalable et sans être assistée par son avocat, comme la loi l'exige. En fin de journée, le parquet émet contre elle un mandat de dépôt.
Ses amis donnent l'alerte et le Réseau tunisien des droits et des libertés (RTDL) prend l'affaire à bras-le-corps. Il s'avère que Mawadda est une militante de ce réseau qui a organisé, dernièrement, deux manifestations (et il a appelle à une troisième bientôt) hostiles au régime de Kaïs Saïed. Il compte des dizaines d'activistes, un peu partout dans le pays, et quelque deux mille citoyens ont répondu aux manifestations organisées dans la capitale.
Grâce à la mobilisation du RTDL, le nom de Mawadda Jmei est soudainement passé du statut inconnu au nom le plus populaire ce mardi 24 septembre.
Les médias privés s'emparent de l'affaire, aussitôt relayés par les personnalités politiques. Le célèbre caricaturiste Tawfik Omrane pond immédiatement un dessin montrant une main avec le doigt du milieu ablaté. Dessin partagé des milliers de fois.
Des dizaines d'anonymes, masqués ou à découvert, publient leurs photos avec un doigt d'honneur devant l'affiche électorale de Kaïs Saïed. D'autres font dans la subtilité, pour ne pas être attrapés. L'ancien secrétaire d'Etat, Abdoo Saâdaoui rappelle (sans désigner quelqu'un en particulier) que « son numéro est le trois » en accompagnant sa phrase de l'émoticône du majeur. Le journaliste Mohamed Yousfi use également de subtilité. Il écrit : « Que celui qui n'a pas été arrêté lève le doigt ».
De simples citoyens apolitiques font part de leur colère. Les gens arrivent à comprendre que le régime mette en prison des politiciens, des journalistes et des hommes d'affaires, mais mettre une gamine en prison pour une simple photo, ils trouvent cela abject.
Partout, on crie au scandale, on dénonce l'autoritarisme du régime de Kaïs Saïed qui ne répond aux critiques que par la répression et on appelle à la libération de Mawadda Jmei.
La veille, un enseignant de Djerba a été interpellé en plein cours dans sa salle de classe, pour les mêmes faits. Son cas n'a pas été largement médiatisé puisqu'il a été libéré après quelques heures de garde à vue.

C'est clair, l'arrestation de la jeune activiste n'est pas passée inaperçue. Sans aucun doute, le policier qui a alerté ses supérieurs pour procéder à son arrestation et le procureur qui a ordonné sa mise en examen ne s'attendaient pas à une telle mobilisation et à une telle publicité négative et hostile à l'encontre de leur président-candidat.
Jusque-là, et à quelques exceptions près, seules les arrestations ciblant des personnalités médiatico-politiques ont bénéficié d'une grande médiatisation quand il s'agit d'affaires liées à la liberté d'expression.
Pourtant, le régime de Kaïs Saïed arrête, par centaines, les citoyens qui publient des posts hostiles sur les réseaux sociaux. Le ministère de la Justice ne publie aucun chiffre quant à ces condamnations, mais on sait que le nombre est important. Le 24 juillet dernier, le chef de l'Etat a accordé une grâce spéciale au profit des condamnés pour des statuts sur les réseaux sociaux. Selon la présidence de la République et le ministère de la Justice, il y aurait eu 1229 personnes qui ont bénéficié de la grâce présidentielle. Ce chiffre n'englobe pas ceux qui ont des affaires en cours et n'ont pas encore été jugés ou ceux qui ont interjeté appel ou cassation, comme c'est le cas de nos confrères Borhen Bssaïs et Mourad Zeghidi.

La question est donc pourquoi le cas de l'inconnue Mawadda Jmei a-t-il mobilisé autant de gens, alors que les arrestations ciblant la liberté d'expression se comptent par dizaines quotidiennement ?
Comme Bouazizi, Kurdi, Amnini ou l'anonyme de Tian'anmen, il y a des photos et des faits divers qui échappent aux habitudes et arrivent à mobiliser les foules. Un cas est monté en épingle on ne sait trop comment et cela provoque énormément d'émotions et d'effervescence.
Cela ne naît cependant pas du néant, il faut qu'il y ait un terrain fertile pour que de telles émotions et effervescence s'observent.
Et, en ce moment, la Tunisie semble être assise sur une véritable poudrière. Le régime fait tout pour se maintenir au pouvoir et cela provoque une colère générale, de plus en plus manifeste. Il a éliminé, par la force, plusieurs candidats à la présidence. Alors que le tribunal administratif a ordonné la remise en course de trois candidats, l'instance électorale a refusé d'appliquer l'injonction. Un des trois candidats définitifs est en prison quotidiennement trimballé entre les tribunaux et les postes de police pour répondre d'hypothétiques falsifications de parrainages. Ajoutez à cela que le régime n'a absolument aucune réalisation digne de ce nom à faire valoir. L'inflation est à deux chiffres pour plusieurs produits alimentaires, la croissance est à zéro virgule et le chômage ne cesse de grimper.
Inévitablement, cela mène à une gronde. La marmite chauffe à petit feu. En plein milieu de ce marasme politico-économique, le fait d'arrêter une charmante jeune fille qui n'a fait qu'exprimer une opinion anodine provoque l'émotion et la colère.
Son acte est peut-être répréhensible et contraire aux bonnes mœurs, que la loi n'a jamais défini exactement. Son acte déplait certainement aux hypocrites conservateurs et aux flagorneurs opportunistes. Mais quelle que soit l'accusation que l'on va donner à son acte, cela ne mérite nullement la prison. La jeune dame n'a fait que montrer la liberté, il est anormal que les autorités politico-judiciaires de Gabès n'aient vu que le doigt !
La police et le parquet de Djerba ont bien compris que l'acte est anodin et ont relâché l'enseignant après l'avoir bousculé pendant quelques heures. Ce n'était pas le cas de la police et du parquet de Gabès (distante d'une centaine de kilomètres) qui ne voulaient pas prendre le risque de libérer une personne ayant commis un acte désobligeant à l'encontre du président de la République.
Suite à la grosse polémique et la mobilisation des médias et des ONG, Mawadda Jmei a été libérée mercredi 25 septembre dans la matinée par ce même parquet qui l'a arrêtée la veille. Pourquoi a-t-elle été arrêtée et pourquoi a-t-elle été libérée ? Personne ne le sait, mais le fait est qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la machine politico-judiciaire du pouvoir.

Cette frilosité de la police et du parquet de Gabès s'explique par l'atmosphère générale imposée par Kaïs Saïed et son régime. Plusieurs magistrats ont été mutés pour avoir libéré des politiciens ou n'ayant pas procédé à leur arrestation. À l'inverse, plusieurs autres ont été promus parce qu'ils ont décidé des arrestations de politiciens.
Avec à la fois une carotte dans la main droite et un bâton dans la main gauche, le régime a réussi à insuffler une atmosphère nauséabonde mêlant la peur et la convoitise.
Il est fort probable que Kaïs Saïed ou sa ministre de la Justice n'aient pas été au courant de l'arrestation de Mawadda Jmei. Mais sans aucun doute, ils en sont coupables et ce sont eux qui doivent supporter ses conséquences, car c'est à cause d'eux que la police et le parquet font preuve d'autant de répression et de manque de respect à la liberté d'expression.


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