Ahmed Jaouadi décoré par le président Kaïs Saïed après son doublé d'or à Singapour    Kaïs Saïed fustige les "traîtres" et promet justice pour le peuple    Tourisme médical : la Tunisie veut attirer plus de patients étrangers    Le ministère de l'Intérieur engage des poursuites contre des pages accusées de discréditer l'insitution sécuritaire    Tunisie 2025 : Reprise touristique record avec 5,2 millions de visiteurs    Tourisme : la Türkiye accueille plus de 26 millions de visiteurs au premier semestre 2025    Donald Trump impose des droits de douane supplémentaires de 25% sur les importations de l'Inde    Macron dégaine contre Alger : visas, diplomatie, expulsions    Sept disparus à la suite d'un glissement de terrain dans le sud de la Chine    Football-compétitions africaines des clubs 2025/2026: le tirage au sort prévu le samedi prochain en Tanzanie    Report de la grève de la Transtu et de la SNTRI    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    La justice relance les poursuites contre l'association Mnemty et Saadia Mosbah    Absence de Noureddine Taboubi : qui assure la direction de l'UGTT ?    Quand le monde échappe aux cartes : pour une géopolitique de la complexité    Hammamet interdit Quads, Motos et animaux sur ses plages    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    FIC 2025 : une soirée de liesse et de ferveur pour l'artiste palestinien Saint levant    Tech Day Kia PV5 : la technologie au service d'une mobilité sans limites    BIGTECH Africa Expo 2025 : le grand salon de la technologie et de l'IA en Afrique de retour    Accusations de harcèlement à Sousse : la version de la Chambre nautique fait trembler l'affaire    Inclusion financière de la femme : l'Etat préfère donner la parole aux hommes    Succession dans le camp MAGA : Trump adoube JD Vance pour 2028    Hiroshima : 80 ans après, un souvenir à jamais gravé    Donneurs par défaut, refus familial, loi de 1991 : les paradoxes du système tunisien de greffe    10ème édition du Festival Maraya El Founoun : un anniversaire sous le signe de l'art et de l'échange    « Koum Tara » à la 59eme édition du Festival International de Hammamet    Décès : Nedra LABASSI    El Haouaria: les recherches s'intensifient pour retrouver un plongeur disparu    Des feux de forêt ravagent la France et l'Espagne et causent un mort et plusieurs blessés    A l'occasion du Mondial féminin : une délégation tunisienne au Royaume-Uni pour la promotion du rugby féminin    Tawasol Group Holding annonce un exercice 2023 dans le rouge    À la recherche d'un emploi ? L'ANETI est désormais entièrement en ligne    Snit et Sprols: vente par facilités et location-vente    Moins d'inflation, mais des prix toujours en hausse !    Création d'un consulat général de Tunisie à Benghazi    Météo : des températures jusqu'à 37 °C dans le sud !    Kaïs Saïed, Ahmed Jaouadi, mosquée Zitouna…Les 5 infos de la journée    Vague d'indignation après le retour ignoré d'Ahmed Jaouadi    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Photo du jour - Ahmed Jaouadi, le repos du guerrier    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    Au Tribunal administratif de Tunis    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ce qu'il y a à savoir dans l'affaire d'envoi de Tunisiens en Syrie et en Irak
Publié dans Business News le 12 - 03 - 2025

L'un des plus grands dossiers judiciaires de ces dernières années en Tunisie continue de secouer la scène politique et judiciaire. L'affaire du transfert des Tunisiens vers les zones de conflit, qui remonte aux années 2011-2013, est aujourd'hui au centre de multiples procédures judiciaires impliquant des personnalités politiques et sécuritaires de premier plan. Selon les sources judiciaires, quelque 820 personnes seraient concernées par cette affaire, dont plusieurs hauts responsables du mouvement Ennahdha, d'anciens cadres sécuritaires et des chefs d'associations caritatives, ainsi que l'ancien président Moncef Marzouki.

Dès la chute du régime de Ben Ali en 2011, la Tunisie a été confrontée à une montée en puissance des mouvements salafistes et djihadistes. Profitant du vide sécuritaire et du laxisme des autorités de transition, plusieurs réseaux auraient facilité le départ de milliers de jeunes vers la Syrie et l'Irak, via la Turquie, afin de rejoindre les rangs de Daech et d'autres organisations terroristes.
Selon les enquêtes en cours, près de 5.000 Tunisiens auraient ainsi quitté le pays pour combattre dans des zones de conflit et devenir des terroristes grâce à ces réseaux d'embrigadement. Le ministère de l'Intérieur, sous le gouvernement dirigé par Ennahdha, est accusé d'avoir laissé prospérer ces départs, voire de les avoir facilités. Une accusation que les responsables du parti islamiste rejettent en bloc, affirmant que les mesures de contrôle aux frontières avaient justement été renforcées sous leur mandat.

Des personnalités politiques dans le viseur
L'ancien ministre de l'Intérieur et vice-président d'Ennahdha, Ali Larayedh, est l'un des principaux accusés dans cette affaire. Détenu depuis deux ans, il est poursuivi pour des faits liés au recrutement et à l'envoi de combattants tunisiens en Syrie. Lors d'une récente audience, ses avocats ont dénoncé une cabale politique, affirmant que leur client faisait l'objet d'une instrumentalisation judiciaire visant à l'éliminer du paysage politique.

D'autres hautes personnalités de l'Etat figurent parmi les inculpés et sont en état de détention, notamment Abdelkarim Laâbidi, ancien responsable de la sécurité à l'aéroport Tunis-Carthage, Fethi Baldi, ancien responsable sécuritaire de la direction des frontières et des étrangers, Lazhar Loungou, ancien directeur général des services spéciaux au ministère de l'Intérieur, mais également ancien directeur central du renseignement.
Parmi les accusés poursuivis en liberté figurent également des hommes d'affaires, comme Mohamed Frikha, propriétaire de la compagnie aérienne Syphax Airlines. Certaines sources affirment que sa société aurait été impliquée dans le transport de combattants vers la Turquie, un point que ses avocats réfutent catégoriquement. À plusieurs reprises, avant qu'il ne soit arrêté dans une autre affaire (liée à des questions de blanchiment), M. Frikha a affirmé que sa compagnie aérienne n'avait pas les prérogatives, ni la possibilité, de vérifier les intentions de voyage et les projets de ses passagers. Elle n'a fait que transporter des personnes de la Tunisie vers la Turquie comme le fait n'importe quelle autre compagnie aérienne.
Plus récemment, l'ancien président de la République, Moncef Marzouki, a également été cité dans l'affaire. L'enquête s'élargit donc à des figures politiques de premier plan qui auraient, selon certaines sources, joué un rôle direct ou indirect dans la facilitation de ces départs.
Autre accusé de renom dans ce dossier, Seifeddine Raïs, ancien porte-parole du groupe terroriste Ansar Chariâa. Ce dernier, détenu lui aussi, affirme qu'il n'existe aucune preuve tangible le reliant aux accusations de terrorisme. Son avocate Ines Harrath rappelle qu'il avait été relaxé dans sept affaires similaires par le passé, toutes liées au terrorisme.

Il a fallu attendre Fatma Mseddi pour que l'instruction soit ouverte
Ce vaste dossier judiciaire a été déclenché en décembre 2021 par une plainte déposée par la députée Fatma Mseddi. Cette dernière affirme avoir remis aux autorités un dossier de plus de deux cents pages contenant des rapports sécuritaires et financiers, ainsi que des témoignages accablants. Elle a révélé que le dossier était divisé en quatre chapitres : les campagnes de prêche, la sécurité, le financement et les liens entre ces départs et certaines attaques terroristes ayant eu lieu en Tunisie.

Selon elle, plusieurs institutions, dont la Banque centrale, ont fourni des analyses détaillées sur le financement des associations impliquées dans ces opérations. Fatma Mseddi pointe notamment du doigt des dirigeants d'Ennahdha, dont Rached Ghannouchi et Ali Larayedh, les accusant de responsabilité politique dans l'embrigadement des jeunes, la protection d'un appareil sécuritaire parallèle et le financement de ces opérations.
Elle a également révélé que des responsables au sommet de l'Etat étaient impliqués, parlant même d'un « Etat dans l'Etat », où un réseau minutieusement organisé facilitait ces transferts. En septembre 2022, elle déclarait redouter pour sa sécurité à cause de la sensibilité du dossier. Elle a également évoqué le manque de soutien de la part de ses anciens collègues députés, qui avaient pourtant travaillé sur ce dossier au sein de la commission parlementaire chargée des investigations.

Des associations sous haute surveillance
Au-delà des responsables politiques et sécuritaires, l'affaire met également en cause plusieurs associations dites caritatives, accusées d'avoir financé les opérations de transfert sous couvert d'actions humanitaires. Parmi elles, l'association « Marhama pour les œuvres caritatives » figure en bonne place. Selon les investigations, cette organisation aurait reçu d'importants financements étrangers et entretenu des relations avec des agences de voyages impliquées dans l'acheminement des combattants.
Hanen Gaddes, porte-parole du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, a confirmé que les enquêtes avaient permis de dévoiler l'existence d'un véritable réseau structuré. « Plusieurs associations affichaient une activité sociale et caritative en apparence, mais finançaient en réalité les opérations de transfert dans ce qui était appelé la ''branche financière'' », a-t-elle précisé.
Le juge d'instruction en charge de l'affaire a émis plusieurs mandats de dépôt à l'encontre des dirigeants et trésoriers de ces associations. Il est également avéré que l'Etat tunisien a décidé de geler les fonds et ressources économiques de Marhama pour une durée de six mois, renouvelable.

Refus catégorique du procès à distance
Les procédures judiciaires se poursuivent. La chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme a récemment rejeté, le 24 janvier 2025, les demandes de libération de plusieurs accusés, dont Ali Larayedh et Seifeddine Raies.
Hier, mardi 11 mars 2025, elle a décidé de reporter l'examen de l'affaire au 25 mars, tout en rejetant à nouveau les requêtes de libération des détenus.
La séance a été houleuse à plus d'un titre à cause de la décision des autorités de tenir le procès à distance, ce qui a été considéré par les prévenus comme une atteinte à leurs droits fondamentaux d'avoir un procès public et équitable.
Ainsi, Ali Larayedh et Fathi Baldi, ont refusé d'être jugés à distance. En revanche, Abdelkarim Laâbidi, Seifeddine Raies, Noureddine Kandouz, Lotfi Hammami, Hichem Saadi et Sami Chaâl ont été présentés dans une salle de la prison pour leur procès à distance, mais ils ont exprimé leur refus de ce mode de jugement, exigeant une audience en présentiel afin de pouvoir entendre le juge et leurs avocats.
Abdelkarim Laâbidi a demandé, pour sa part, un aparté avec le juge car il aurait des informations confidentielles de haute importance à lui fournir.
Les avocats de trois accusés ont soumis des demandes de libération devant la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme du tribunal de première instance de Tunis. Toutefois, le ministère public a rejeté ces demandes, poussant la cour à reporter l'examen de l'affaire. Du coup, cette audience du 11 mars n'a pas permis de faire les révélations attendues par les observateurs et de connaitre la vérité sur ces réseaux d'embrigadement qui ont envoyé plus de 5.000 Tunisiens au casse-pipe.

Un dossier toujours en cours
Les prochaines semaines seront donc décisives pour l'évolution du dossier. La justice devra trancher sur la responsabilité des différentes parties impliquées et poursuivre les investigations sur les sources de financement des réseaux accusés.
Ce dossier, qui compte déjà plus de 820 inculpés, pourrait encore s'élargir à d'autres personnalités politiques et sécuritaires. En attendant, l'affaire du transfert des Tunisiens vers les zones de conflit reste une plaie ouverte dans l'histoire récente du pays, symbole d'une période où le chaos institutionnel a permis à des réseaux terroristes de prospérer au détriment de la stabilité en Tunisie, mais également en Syrie et en Irak. C'est à cause d'eux que la Tunisie a eu, pendant un certain temps, cette sale réputation de plus grand exportateur de terroristes.
Les Tunisiens, quant à eux, restent divisés sur la question. Certains réclament une justice implacable pour les responsables de ce fiasco sécuritaire, tandis que d'autres redoutent un procès politique servant à éliminer certains opposants. Une seule chose est sûre : le verdict de cette affaire pourrait avoir un impact considérable sur la scène politique et judiciaire du pays dans les mois à venir.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.