Une nouvelle escalade s'opère dans le bras de fer opposant les jeunes médecins au ministère de la Santé. En réponse à la grève générale entamée le 1er juillet 2025 par près de sept mille résidents et internes dans les hôpitaux publics, les autorités sanitaires ont opté pour une mesure exceptionnelle : la réquisition. Dans un courrier officiel daté du même jour, le ministre de la Santé a ordonné aux directeurs régionaux de compiler les plannings de garde des différentes structures hospitalières et de les transmettre aux gouverneurs, afin que ces derniers procèdent à la réquisition des médecins résidents dans un ensemble de spécialités jugées « vitales ». Sont notamment concernées l'anesthésie-réanimation, la néonatologie, la gynécologie-obstétrique, la cardiologie ou encore la chirurgie orthopédique. Le ministère justifie cette décision par les exigences de continuité du service public et s'appuie sur les articles 43 et 55 de la Constitution. Il exige également que les tableaux de garde soient signés par les chefs de service et les présidents des commissions médicales, et qu'ils soient accompagnés d'un arrêté de réquisition signé par le gouverneur concerné — à transmettre avant le lendemain matin.
Cette injonction a immédiatement suscité une vive réaction du Syndicat général des médecins, pharmaciens et dentistes hospitalo-universitaires. Dans un communiqué daté du 2 juillet 2025, le bureau national appelle les chefs de service à ne pas céder aux pressions de l'autorité de tutelle. Il leur demande expressément de ne pas inclure dans les tableaux de garde les noms des résidents n'ayant pas encore été officiellement affectés ni commencé leur stage dans les hôpitaux universitaires. Le syndicat dénonce une « violation flagrante » des textes encadrant la formation des résidents, qui stipulent que le stage dure six mois et que les affectations doivent se faire sur la base d'un choix encadré. Il alerte également sur les risques juridiques et moraux encourus par les chefs de service en cas d'incident impliquant un médecin réquisitionné de manière irrégulière.
La crise ne date pas d'hier. Depuis plusieurs semaines, les jeunes médecins multiplient les alertes sur les conditions de travail et le manque de transparence dans l'attribution des postes. Dans une lettre ouverte publiée le 27 juin, l'Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM) a dénoncé de nombreuses irrégularités : affectations arbitraires, absence de vérification des autorisations, délégations sans procuration, et non-respect du classement académique. L'organisation accuse le ministère d'avoir prolongé abusivement certains stages pour pallier les déficits de personnel, et d'avoir exercé des pressions sur les résidents grévistes, en particulier dans les spécialités sensibles comme la gynécologie et la cardiologie.