L'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (Utap) traverse une nouvelle crise. Après la décision du Bureau exécutif, samedi, de dissoudre le Conseil central pour dépassement de ses prérogatives statutaires, la guerre des clans continue de secouer l'organisation. Invité de Jawhara FM lundi 25 août, Bayrem Hamada, membre du Conseil central, a livré un diagnostic sévère. Selon lui, l'Utap « appartient avant tout à la Tunisie, car elle participe directement à la sécurité alimentaire nationale », mais elle a été détournée de sa mission au profit de luttes partisanes. M. Hamada affirme que la crise actuelle n'est pas conjoncturelle : « Depuis plus d'une décennie, c'est le mouvement Ennahdha qui a cherché à contrôler l'Utap et à placer ses proches aux postes de direction. Aujourd'hui encore, ce sont des personnes affiliées à ce parti qui dominent la structure », déplore-t-il. Au lieu de se consacrer à l'appui à l'Etat, à la production agricole et à la résolution des problèmes du secteur, l'organisation est devenue, selon lui, un champ clos de rivalités internes : « Deux clans liés à Ennahdha se disputent la direction, au détriment des agriculteurs ».
Revenant sur la démission de Moez Ben Zaghden, président actuel, Hamada rappelle qu'il s'agit d'un scénario récurrent : « Chaque fois qu'il est contrarié, il démissionne puis revient sous pression ». Cette fois, le conflit a pris une ampleur inédite, créant « deux présidents qui revendiquent la légitimité ». En parallèle, il dénonce la mauvaise gestion des ressources financières : « Les dirigeants bénéficient d'indemnités, de voitures de fonction et d'avantages divers, alors que les employés n'ont pas été payés depuis trois à cinq mois ». Malgré les subventions de l'Etat et les cotisations des adhérents, des soupçons de détournement de fonds pèsent désormais sur l'organisation.
Pour lui, les vraies priorités devraient être agricoles : « La saison de l'olive approche, les grandes cultures et les semences exigent une attention urgente ». Il cite l'exemple des agrumes de sa région, confrontés à un déficit dramatique en eau : « Alors qu'il fallait 25 à 30 millions de m³, les producteurs n'ont reçu que 7 millions ». Il fustige également les politiques d'importation qui fragilisent les producteurs locaux : « L'année dernière, en pleine flambée des prix des oranges, on a importé des bananes égyptiennes à bas prix ». Concernant la flambée des prix agricoles, il estime que les producteurs sont injustement accusés : « Ce ne sont pas eux qui gonflent les prix, mais les intermédiaires après le marché de gros. C'est là que le contrôle doit être renforcé ».
Pour sauver l'organisation, Bayrem Hamada plaide pour « le retrait pur et simple des deux clans en conflit » et l'élection d'un président issu réellement du monde agricole. À défaut, il appelle l'Etat à nommer une instance provisoire chargée d'organiser un congrès de sauvetage. « L'Utap est plus grande que les individus. Elle appartient aux agriculteurs et au peuple tunisien. Elle doit redevenir un acteur au service de l'agriculture, loin des calculs partisans », conclut-il.