La Chambre des mises en accusation de la Cour d'Appel de Tunis a rendu, après délibérations, sa décision lors de son audience en date du 18 mai 2010, concernant une affaire d'abus de confiance et de détournements de fonds dont l'auteur n'est autre qu'un fonctionnaire à la même institution. La décision a été arrêtée après étude du dossier et après avoir pris connaissance de la décision du juge d'instruction du 13ème Bureau du Tribunal de première instance de Tunis ainsi qu'après avoir entendu les différents témoins et procédé aux différentes expertises nécessaires, sachant l'accusé est un homme âgé de 57 ans, marié, habitant la Cité Hellal à Tunis et se trouvant en état de fuite. Mais comment se sont passé les événements et comment un homme, agissant apparemment seul, avait pu mettre la main sur une somme aussi importante sans avoir été démasqué à temps ? Péripéties et circonstances L'affaire a démarré le 13 juillet 2009 lorsque le Procureur de la République a reçu une correspondance émanant du ministre des Finances précisant qu'une équipe du Comité de contrôle, chargée de procéder à une inspection des comptes et de la gestion de la Trésorerie générale des dépenses, a découvert l'existence de transferts bancaires douteux effectués par le fonctionnaire, dénommé A. S. Et après vérifications approfondies, il s'est avéré que ledit fonctionnaire est parvenu, effectivement, à détourner la somme de 821 273 dinars 667 millimes, d'où la plainte déposée auprès de la brigade sectorielle économique qui a ordonné l'ouverture d'une enquête. Ainsi, il ressort de l'enquête que l'accusé, A.S. a procédé, à l'ouverture d'un compte épargne chez une banque de la place tout en octroyant une procuration au nom d'un certain A.B. en date du 25 mai 1999. Et depuis, le compte en question a été alimenté par de nombreux virements en provenance de la Trésorerie générale atteignant la somme globale de 279 858 dinars 553 millimes, laquelle somme a été retirée en totalité par le titulaire de la procuration. L'accusé a procédé, ensuite à l'ouverture de deux comptes aux noms des deux neveux de son épouse, venus à Tunis pour étude. Mais l'épouse assure qu'elle n'était au courant d'aucun détail sur la nature des transactions effectuées au profit des deux comptes en question. Des collègues de l'accusé, employés à la Trésorerie générale, ont déposé leur témoignage dans cette affaire. Il en ressort que le dénommé A.S. jouissait de liberté d'action qui dépassait largement ses prérogatives et ses responsabilités. En effet, les détournements semblent porter sur les ordres de virements qui retournent à la Trésorerie suite à une erreur de frappe ou sur les mandats non perçus et qui sont, par conséquent, renvoyés à la même Trésorerie. C'est, donc, à ce moment qu'intervenait l'accusé pour effectuer ses opérations frauduleuses. Il prenait possession des ordres de virement, une fois rectifiés, pour établir des reçus certifiant que les sommes ont été adressées à leurs bénéficiaires avant que le service des virements ne termine la phase finale de l'opération. Mais d'après une des employées, il semble que l'accusé ait pu prendre possession du mot de passe lui permettant de s'introduire dans la page des transferts bancaires sur ordinateur. Sans oublier que l'accusé avait pu bénéficier de larges prérogatives en lui octroyant le mot de passe lui permettant de manipuler à sa guise les montants non perçus par leurs bénéficiaires. Et ce n'est que le 19 juin 2008 que l'affaire éclata au grand jour lorsque le Comité de contrôle s'est aperçu que la Trésorerie générale a procédé au paiement de certaines sommes dont les délais étaient, pourtant, périmés et qui devaient, par conséquent, être retournées à ladite Trésorerie. Les investigations effectuées, par la suite, ont fait révéler que l'accusé procédait à des acrobaties informatiques pour, finalement, effectuer des virements bancaires au profit de comptes ouverts aux noms de Z.S., R.O.F ; de ses fils ainsi que pour le compte d'une société de bâtiment chez qui il achetait des matériaux de construction. Ainsi, le montant final et global, objet du détournement s'élève à 821 273 dinars 667 millimes. Et après toutes les vérifications d'usage et l'audition des différents témoins, la Chambre des mises en accusation a rendu sa décision inculpant le nommé A.S (en état de fuite), seul et sa traduction devant la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Tunis pour les faits qui lui sont reprochés et imputés selon les articles 82, 98 et 99 du Code pénal. Noureddine HLAOUI