Avec nos 750.000 chômeurs, nos innombrables dettes nationales et les réticences des investisseurs étrangers, on n'est pas encore sorti de l'auberge! La crise économique se fait ressentir à tous les niveaux notamment par les hausses des prix des produits alimentaires, auxquelles viendront se greffer d'imminentes hausses des prix du carburant, du tabac et autres. La Loi des finances pour l'année 2012, vient d'être soumise à l'approbation des membres de la Constituante. A cette Loi des finances, vient s'ajouter un nouveau projet gouvernemental, le Budget complémentaire de l'Etat. Quelques éclaircissements sur ce budget ont été apportés par le ministre des Finances Houcine Dimassi, concernant les circonstances qui entourent l'instauration, les ressources et les affectations de ce budget. Afin de décrypter le budget complémentaire de l'Etat, le ministre des Finances Houcine Dimassi, lors de la cellule de communication du Premier ministère réunie le 14 mars 2012, a mis l'accent sur la situation générale qui entoure l'élaboration de ce budget. «En fait, nul n'est censé ignorer que l'année 2012, est une année exceptionnelle et extrêmement difficile. L'économie nationale subit des pressions de tous bords». «De l'extérieur, le rythme de croissance de l'Union Européenne (UE) est dégressif avec un taux de 0,5%. En outre, la Libye, principal partenaire économique, nous fausse compagnie en raison de l'instabilité qui y règne et n'a pas encore repris son activité et ses échanges habituels avec nos entreprises et établissements». M. Dimassi a ajouté que la situation dans les pays du Golfe est également compliquée à cause des tensions en Iran et des pressions conséquentes sur le prix du pétrole qui a atteint 125 dollars le baril. Il a précisé que la hausse des prix du pétrole a un impact très négatif sur les dépenses de l'Etat. En effet, pour chaque dollar de plus par baril, l'Etat tunisien doit verser quelque 28 millions de dinars pour subventionner le produit. La compensation de toute hausse des prix accable le budget de l'Etat. A l'échelle nationale, le climat économique vit un ralentissement tangible de la croissance et subit la pression du fardeau très lourd d'une dette extérieure, dont le principal avoisine le milliard de dinars, soit environ 650 millions de dollars. Selon M. Dimassi, la problématique qui s'est posée au gouvernement est: «Comment réussir à subvenir aux besoins, à répondre aux attentes des citoyens et surtout ceux des régions défavorisées, ces citoyens qui ont fait la révolution et dont on se doit d'améliorer la situation avec si peu de ressources disponibles?». Le budget complémentaire, doit miser essentiellement sur les ressources locales internes. Tel est le choix du gouvernement qui semble avoir bien assimilé le risque couru par les emprunts étrangers et le revers de la médaille de l'endettement. Le budget sera donc augmenté de 2,5 milliards de dinars pour atteindre un total de 25,4 milliards de dinars, une majoration plutôt raisonnable, si on la compare au budget complémentaire de 2011, qui avait atteint 5,5 milliards de dinars. Un supplément comprimé avec «les moyens du bord», une équation assez difficile que le gouvernement tente d'équilibrer. M. Dimassi a précisé que les ressources de ce budget proviennent de plusieurs mesures. Il s'agit de la confiscation des biens mobiliers, immobiliers et financiers de la famille de l'ancien président, ses proches et ses alliés, des réserves encore dues sur la privatisation de Tunisie Télécom en 2006, lesquelles réserves avoisinent 900 millions de dinars. Le ministère des Finances préconise également d'améliorer la rentabilité de la taxation avec des contrôles et des rappels d'impôts dus et non encore payés à l'Etat. Autre mesure, celle de la réconciliation et la levée du gel des biens et investissements des 450 hommes d'affaires, soupçonnés de fraude ou corruption sous l'ancien régime et pour lesquels la justice n'a pas encore tranché. Il s'agit donc de débloquer leur argent dans des investissements locaux. M. Dimassi s'est contenté d'énumérer ces ressources, ne faisant pas allusion aux dons et subventions octroyés de l'étranger. Alors, quand la question lui a été posée, il a affirmé que près du tiers de ce budget, soit 600 millions de dinars proviennent de dons étrangers. Sans préciser les donateurs, il a nié le fait que les pays du Golfe aient fait un quelconque don à la Tunisie. Il serait pertinent de rappeler que le gouvernement, par le biais de son chef et ses ministres, n'a pas hésité à demander ouvertement des dons aux pays du Golfe et notamment l'Arabie Saoudite. Il s'avère maintenant que nos «frères» ne sont pas encore disposés à répondre à de telles doléances. Le Qatar vient juste de nous accorder un crédit et non un don, à un taux que M. Dimassi juge raisonnable. Quoique, dans le journal Le Maghreb, du même jour, il avait donné le taux de 3%, alors que lors de la cellule de communication, il a cité un taux à 2,5%. L'information semble un peu confuse chez notre ministre. M. Dimassi a également ajouté qu'on ne devrait pas avoir honte ni se gêner pour demander de l'aide à autrui, défendant les initiatives entreprises par certains membres du gouvernement et notamment Hamadi Jebali. La majeure partie du budget complémentaire sera affectée, d'après le ministre des Finances, à l'infrastructure des régions marginalisées. Pour les dépenses de gestion, les sommes seront réparties entre les subventions étatiques envers les familles démunies, les budgets municipaux, outre les dépenses imprévues, telles que celles occasionnées par les intempéries. Quant aux dépenses de développement, près de la moitié du budget complémentaire sera réservé au développement régional sous forme de projets d'infrastructure dans les zones défavorisées, les dépenses en institutions et collectivités publiques, ainsi que les habitations populaires. Plus concrètement, le secrétaire d'Etat, Slim Besbès a donné quelques précisions sur les mesures fiscales entreprises. Par exemple, il a cité la taxation sur l'enregistrement qui est passé de 15 à 20 dinars la page, le timbre fiscal qui passe de 0,300 à 0,400 dinar et l'augmentation de la taxation sur le transfert de propriété d'un montant fixe de 15 dinars au taux de 1% de la valeur de la transaction sur les mutations prescrites. M. Besbès a également affirmé que tout Tunisien qui aime sa patrie se doit de régler ses dettes envers l'Etat, au plus vite. Par ailleurs, il a ajouté que des mesures ont été prises afin d'inciter les citoyens à payer leurs impôts dus. Les payeurs bénéficieraient d'une déduction des pénalités de retard ou bien alors, pourraient payer une première tranche et voir le reliquat rééchelonné. Des mesures qui encourageraient même les mauvais payeurs, mais sanctionneraient quelque part les bons. Ce budget complémentaire n'a pas été accueilli par le même enthousiasme que l'équipe du ministère des Finances. En effet, qu'ils soient représentants des patrons pour l'un et des travailleurs pour l'autre, l'UTICA et l'UGTT ont tous deux critiqué ce projet de budget et ont émis des réserves. Les deux syndicats ont mis en garde contre le danger de la levée de la confidentialité de l'information bancaire. Ainsi, un représentant de l'UTICA a ajouté que l'interdiction des transactions dépassant un certain montant, constitue une contrainte à l'investissement. La confiscation des propriétés et biens des chefs d'entreprises, sur simple décision administrative, est également considérée par l'UTICA comme une atteinte aux libertés. De son côté, un représentant de l'UGTT a critiqué l'amnistie fiscale, la considérant comme une injustice qui encouragerait à l'évasion et à la fraude fiscales. Le projet de budget ne présente, selon le syndicaliste, aucune innovation, outre le fait que les procédures relatives à l'incitation d'investissement ne sont que «dérisoires». Un projet et des mesures, mais les avis divergent, alors que l'important reste de passer à l'action et repêcher l'économie nationale avant qu'elle ne sombre.