Mahfoudh Barouni a dit : « il ne faut pas utiliser le terme islamique dans tout ce qui concerne l'économie » car selon l'expert en Banque et Finance, cela prétendrait que l'utilisateur de pareil mot est plus musulman que les autres. La différence entre l'islamique et le conventionnel dans la finance relève bien plus de la doctrine, en ce sens que la réflexion autour des mécanismes et des structures d'opération se base simplement sur deux points de vue différents dont l'un intègre la composante de la religion en se référant aux textes religieux, précisément. La Finance islamique a été considérée, récemment, comme le remède ultime aux maux des économies engendrés par la crise mondiale. C'est alors, que les Occidentaux se sont penchés sur les possibilités de développement de la finance islamique en tant que soupape de secours. En Tunisie, et d'après les dires de Ferjani Doghmane, président de la Commission des Finances et de la Planification et député d'Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante, la finance islamique n'existe pas sous nos cieux depuis l'an 2009, faisant ainsi allusion à la création de la Banque Zitouna par le gendre de l'ancien président Ben Ali, Sakher El Materi. Certes et nous rejoignons Ferjani Doghmane dans sa réflexion, la finance islamique n'est pas l'exclusivité de Sakher El Materi, mais, nous ne pouvons pas non plus nier une certaine « démocratisation » et « notoriété » de ce type de finance grâce, précisément, à la création de la Banque Zitouna. Dans le cadre d'une rencontre d'information organisée, aujourd'hui 11 juin à la Centrale Patronale, par l'assurance Zitouna Takaful autour du thème : « l'Assurance Takaful au service des particuliers et des institutions économiques», Ferjani Doghmane a fait part de sa position, notamment en tant que député et président de la Commission des Finances à l'ANC, quant à la finance et l'assurance islamiques. Auparavant, il existe des textes de loi régissant le secteur tissés selon les besoins du marché sans que cette législation ne régule réellement la finance islamique. Aujourd'hui, il en existe afin de la légiférer et consacrer ainsi la liberté de choix pour tous les Tunisiens : ceux qui veulent la finance occidentale et ceux qui veulent le finance islamique. Ferjani Doghmane a ajouté qu'au niveau de l'Assemblée nationale constituante, plusieurs projets de textes de loi ont été intégrés dans le programme des travaux de celle-ci et notamment des commissions, dont les projets islamiques. Wassim Bel Arbi, journaliste et modérateur de la rencontre, a rebondi, à juste titre, sur le mot « projets islamiques » soulignant que cela pourrait porter à confusion ou conforter la crainte d'une frange du peuple qui redoute l'islamisation de la constitution à travers l'instauration de ces projets. Toutefois, Ferjani Doghmane explique qu'il n'y a aucune raison d'avoir peur de ce mot, car le peuple est musulman et leurs élus n'ont absolument rien installé dans la constitution qui puisse leur faire peur. D'accord. Mais il n'en demeure pas moins, que certains projets de loi et qui d'ailleurs font polémique, ont pour fondement une certaine islamisation de la société et de l'économie. L'un des projets en question est celui des sukuks islamiques. Le président de la Commission des Finances avait rappelé que la loi de finances 2013 prévoit 1000 millions de dinars de rentrées basées sur l'émission de sukuks. De ce fait, il s'agit d'une nouvelle ressource dont les tenants et aboutissants ont besoin d'être clarifiés selon Ferjani Doghmane. Ce dernier a ajouté que le dernier rapport concernant le projet de loi sur les sukuks islamiques sera présenté d'ici la fin du mois de juin 2013. Dans le registre de l'assurance islamique, Makram Ben Sassi, directeur général de Zitouna Takaful a rappelé que ce créneau existe en Tunisie depuis une trentaine d'années déjà et sa société offre une palette riche de 30 produits dédiées aux particuliers ainsi qu'aux institutions économiques. Mais le véritable hic est qu'il existe un déficit de conscience et de responsabilité ancré dans la mentalité du Tunisien en général. Autrement dit, le particulier ne s'inscrit à une police d'assurance que par obligation et non par choix. Parfois même le particulier s'auto-assure et finit par s'attirer des ennuis. Aussi, Makram Ben Sassi attire-t-il l'attention sur le fait qu'en outre, il existe une sorte de méfiance de la part des assurés qui croient souvent que la compagnie d'assurance gagne de l'argent sur leur dos. De ce fait, la création de l'assurance islamique instaure une certaine confiance et installe un confort chez l'assuré qui intégrera le mécanisme de l'assurance plus objectivement. Et puis, de plus en plus de Tunisiens orientent leurs choix vers l'assurance islamique, car plus conforme à leurs principes contrairement à l'assurance conventionnelle. Selon les dires de Mahfoudh Barouni, ce type de consommateur a le droit de disposer de produits de la finance islamique qui, plus est, participe considérablement à la dynamisation de l'économie nationale. Aujourd'hui, le développement de la finance islamique et de l'assurance islamique dépend fortement et a priori de la mise en place d'une législation qui corresponde davantage aux attentes et besoins du marché. Bien que, et selon Mahfoudh Barouni, les imperfections de la législation existante n'ont pas jusqu'ici entravé la bonne marche du processus de développement de la finance islamique.