La discussion de la Constitution, article par article, doit débuter le vendredi 3 janvier 2014. Dans la série de séances plénières qui s'annonce, plusieurs propositions d'amendements doivent être discutées. L'ensemble des propositions déposées par les élus sont consultables sur le site internet officiel de l'Assemblé nationale constituante. Des plus nobles aux plus farfelues, tour d'horizon des propositions de nos élus. Certains élus semblent vouloir éradiquer le nomadisme politique en prenant des dispositions constitutionnelles contre ce phénomène. Une des propositions faite est de suspendre la participation des députés qui virent de bord après voir été élus ou qui sont renvoyés de leur parti. Ceci est également valable pour ceux qui ont été élus en tant qu'indépendants et qui choisissent de rallier un courant ou un parti politique. Par ailleurs, certains élus n'ont toujours pas abandonné la volonté de voir la Chariâa réintroduite dans la Constitution. Deux propositions d'amendements vont dans ce sens. La première suggère une modification de l'article premier de la Constitution pour faire de l'Islam la source principale de la législation de l'Etat. La deuxième suggestion est plus explicite encore et concerne le même article. Elle propose l'ajout de l'expression « le Coran et la Sunna sont les principales sources de sa législation ». Cette question risque de provoquer des débats tendus entre les élus. Le caractère civil de l'Etat n'est vraisemblablement pas encore garanti. Le chapitre concernant les libertés ne pouvait se soustraire aux coups de bistouri des élus. Certaines tendances se font clairement voir dans les propositions de certains députés. Une proposition concerne la criminalisation de l'atteinte au sacré « qui sont la Divinité, le saint Coran et le Prophète ». Cette tentative de cerner le concept du « sacré » montre à quel point certains de nos élus tiennent à l'islamisation de cette Constitution. Dans l'article 41 du projet de Constitution, il est mentionné que « l'Etat doit encourager la création culturelle…en renforçant les valeurs de pardon, de rejet de la violence, l'ouverture à d'autres cultures et le dialogue entre civilisations ». La deuxième partie de l'article semble ne pas plaire à Mabrouk Hrizi et Abderraouf Ayadi qui veulent tout bonnement la voir supprimée. L'article 6 du projet de Constitution stipule que l'Etat garantit la liberté de conscience. Pour Azed Badi et Mabrouk Hrizi, cette mention est superflue. Par conséquent l'Etat ne devrait pas garantir la liberté de conscience. Plusieurs propositions d'amendements renforcent le sectarisme et l'isolement sous la bannière de la protection des valeurs. Même la recherche scientifique n'y a pas échappé. Les élus Fayçal Jadlaoui et Azed Badi ont jugé opportun d'adjoindre à l'article 32 la fameuse mention « selon les dispositions de la loi » pour délimiter le périmètre des libertés académiques et la liberté de la recherche scientifique. Cet article aurait pu servir de prétexte pour mettre Galilée en prison. Dans le volet social, la famille a été un thème qui a attiré plusieurs amendements. L'article 7 du projet de Constitution stipule : « La famille est la cellule principale de la société et l'Etat doit la protéger ». Pour les élus Mounira Amri et Ahmed Smiî, ceci ne suffit pas. Selon eux, il est judicieux d'ajouter « la famille basée sur le mariage… ». Pour les élus, Mohamed Habib Hergam et Néjib Hosni, une précision supplémentaire s'impose : « La famille basée sur un mariage entre un homme et une femme… ». Au diable les mères célibataires et autres types de familles qui se retrouvent exclus de la protection constitutionnelle de l'Etat. Ajoutons à cet extrait d'amendements celui proposé dans le préambule. On propose d'ajouter aux principes universels des droits de l'Homme la mention « en cohérence avec les spécificités culturelles du peuple tunisien ». Qui fixera ces spécificités ? Pourquoi cette restriction ? Y a-t-il des droits de l'Homme qui ne correspondent pas aux spécificités culturelles du peuple tunisien ? On aura la réponse dans les débats. Un autre thème risque de provoquer des débats houleux, celui de la neutralisation de plusieurs institutions comme les mosquées, les syndicats ou encore les institutions éducatives. Les élus, Mouldi Zidi et Jamel Bouajaja pensent qu'il est inutile et superflu de mentionner dans la Constitution le fait que l'Etat garantit la neutralité des mosquées et des lieux de prière de l'utilisation partisane. L'article 15 du projet de Constitution stipule que l'Etat garantit la neutralité des institutions éducatives de toute utilisation partisane. Les élus Azed Badi – encore lui – et son homologue Abderraouf Ayadi, proposent de la modifier comme suit : « L'Etat œuvre pour renforcer le rôle de l'institution éducative dans la réhabilitation des générations mentalement et scientifiquement pour les rendre capables de produire la connaissance, le savoir et la création dans tous les domaines de la vie sociale ». Rien que ça! Samia Ferchichi et Abdelkader Kadri rajoutent une couche en proposant de constitutionnaliser la nécessité pour les associations et les syndicats d'être éloignés de toute utilisation politique. La condamnation de toute normalisation des relations avec l'entité sioniste est l'une des propositions qui sont revenues le plus souvent. Des débats houleux seront sûrement engagés sur ce thème à l'Assemblée. Les élus proposent également de créer des instances constitutionnelles comme le Conseil national du dialogue social censé regrouper l'Etat, les syndicats et le patronat ou encore le conseil national de la jeunesse. On propose également la création du conseil supérieur islamique…qui existe déjà. Toutefois, toutes les propositions ne sont pas à jeter. Les élues Hasna Marsit et Nefissa Marzouki proposent l'abolition de la peine de mort dans le cadre de l'article 21. Les élus Souhir Dardouri et Ahmed Essafi demandent, quant eux, d'interdire tout type de Takfir et d'incitation à la haine et à la violence. Il y a également le souci d'accorder plus de place aux jeunes puisque certains amendements préconisent de faire baisser l'âge légal pour être président à 35 ans et celui pour être député à 18 ans. Les débats, qui doivent débuter à l'Assemblée, s'annoncent houleux vu la complexité des thèmes qui seront discutés. Il sera aussi question du contrôle de la constitutionnalité des lois, la place hiérarchique à accorder aux conventions internationales ou encore la délimitation de la date de fin des travaux de l'ANC. On discutera, également, de l'amendement proposé par les élus Essia Naffeti et Nafti Mahdhi, à savoir la constitutionnalisation du droit de…disposer d'égouts.