Alors que les dates des futures élections n'ont pas encore été fixées et que les spéculations vont bon train, une campagne électorale avant l'heure fait déjà rage dans la sphère politique. Entre une visite présidentielle à l'aube en hommage à feu Chokri Belaïd, un meeting de « résurrection » d'un parti en déconfiture et un politique, réputé pour son indépendance, nommé au poste de vice-président de l'une des plus grandes formations politiques, la course vers le pouvoir a déjà commencé et elle s'annonce ardue. « Ettakatol va soigner sa propre demeure, défendre ses couleurs et se préparer pour la prochaine campagne électorale », a déclaré Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général du parti. Un meeting populaire a été organisé dimanche 9 février, à Tunis, dans le but d'évaluer le rendement du parti au sein de la Troïka mais aussi dans la rédaction de la nouvelle Constitution. Lors de ce meeting, qui s'annonçait être anecdotique, les hauts cadres du parti se sont tout de même félicités « des grands efforts déployés au cours de l'élaboration de la Constitution ». Dans cette nouvelle étape, celle de sa nouvelle campagne électorale fraîchement entamée, Ettakatol mise sur sa carte gagnante : sa participation, qu'il juge « active », dans la rédaction de la Constitution. Ayant comme secrétaire général le président de l'Assemblée nationale constituante, le parti affirme avoir « réussi à inscrire près de 90% de son programme dans la Constitution » et juge son bilan, du 23 octobre 2011 à aujourd'hui, plutôt positif. Une affirmation exagérément optimiste face à la déferlante de démissions qui a secoué le parti depuis son adhésion à la Troïka ainsi que les réactions de nombre de ses électeurs qui affirment avoir été « dupés ». Difficile de croire, par ailleurs, que la prestation très controversée de Ben Jaâfar à la tête de l'ANC puisse permettre au parti de récupérer les voix perdues par un exercice du pouvoir chaotique, par des promesses électorales non tenues et par une alliance contre-nature au sein de la Troïka. Reste à savoir si Ettakatol pourra enfin « sauver ses meubles »… Alors que son alliance au sein de la Troïka s'est révélée être un calcul politique très peu brillant, Ettakatol fait part de sa volonté de s'engager dans la recherche de nouvelles alliances avec d'autres sensibilités politiques « avec lesquelles il peut partager la même vision de la société ». Ce qui exclurait donc, visiblement, ses deux derniers alliés, le CPR et Ennahdha. De son côté, Ennahdha avait mis un point d'honneur à ce que ce soit le chef de gouvernement démissionnaire, issu de ses rangs, Ali Laârayedh, qui signe la Constitution tunisienne. Un rebondissement qui permettra de passer l'éponge sur ses nombreux couacs au pouvoir et de redorer une image qui en a pris un sacré coup. Le parti islamiste multiplie les meetings et les manifestations de rue afin d'enflammer ses bases électorales quelque peu refroidies. Aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger, les « fiestas » et autres meetings populaires semblent être de mise pour que le parti islamiste reprenne du poil de la bête. Des manifestants arborant le drapeau national saluaient « la deuxième République d'Ali Laârayedh » et glorifiaient les « achèvements » du parti à la tête du pouvoir. Les membres d'Ennahdha n'hésitent pas non plus à dénigrer leurs adversaires politiques. Lors du meeting d'Ennahdha à Paris, le 9 février, Ali Laârayedh n'a pas hésité à taper sur le « pouvoir de nuisance et de désinformation » de ses adversaires politiques tout en saluant, au passage, « la création des consensus, des accords et de l'union nationale » de son parti. Mais du côté de l'opposition également, la bataille s'annonce rude. Le Conseil national de Nidaa Tounes, réuni le week-end du 8 au 9 février a permis d'élire Mohamed Ennaceur au poste de vice-président du parti. Ancien candidat indépendant à la présidence du gouvernement, Mohamed Ennaceur est devenu, en l'espace de quelques jours, la nouvelle pierre angulaire du parti de Béji Caïd Essebsi. Les ambitions politiques de Nidaa sont tellement grandes qu'il n'a pas eu beaucoup de mal à attirer certains noms emblématiques de la scène politique. En effet, Mohamed Ennaceur qui clamait haut et fort son indépendance, sur la base de laquelle il a d'ailleurs été sélectionné au poste de futur chef d'un gouvernement de compétences, se dit aujourd'hui « séduit » par ce que Nidaa Tounes a à offrir. A la présidence également, une pré-campagne électorale est de rigueur. Moncef Marzouki, farouchement attaché à son poste de président de la République, multiplie les cérémonies et les hommages. En l'espace de quelques jours, la présidence a organisé trois cérémonies pour rendre hommage à la finalisation de la Constitution et au travail des députés. Moncef Marzouki n'a pas hésité, pour sa part, à se rendre, le 6 février, à la tombe de Chokri Belaïd, un an après son assassinat, très tôt le matin pour s'épargner les hostilités causées par une visite non appréciée. Mais les festivités de la pré-campagne électorale ont débuté avec les célébrations du 14-Janvier. Les principaux partis politiques se sont réunis sur l'avenue principale Habib Bourguiba où chacun s'est réservé une partie du trottoir pour clamer ses slogans. La division était alors de mise et les réclames partisanes pullulaient déjà. Front Populaire, Ennahdha et Nidaa Tounes, tous n'y allaient pas de main morte pour revendiquer, chacun pour sa part, une partie des réalisations accomplies. La Tunisie venant de signer la Constitution de sa deuxième République et avoir son gouvernement de technocrates. Les instituts de sondage s'en donnent à cœur joie et enchaînent les pronostics pour « éclairer » les Tunisiens sur celui qui gagnera la majorité des voix. Nombreux placent Béji Caïd Essebsi et son parti à la tête des sondés. Mais les dernières élections, du 23 octobre 2011, ont prouvé les limites de ces sondages et le mystère demeure pour l'instant, en partie, entier. Pour l'heure, la machine est en marche et les démonstrations de force sont à l'ordre du jour…