Rarement une visite d'officiels du gouvernement tunisien dans un pays étranger n'a été aussi claire et aussi pertinente que celle effectuée les 1er et 2 septembre 2014 par Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères en Russie. Ainsi le contenu de la conférence de presse conjointe tenue avec le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, et la publication du communiqué final sanctionnant cette visite, ont apporté la preuve qu'on est, désormais, loin des discours laconiques et de l'habituelle langue de bois dans le sens où on a eu droit à une annonce de résultats concrets et précis sans fioritures et avec un minimum de littérature et de langage protocolaire. En effet, on apprend que le chef de la diplomatie tunisienne n'a pas eu froid aux yeux pour signifier à son interlocuteur que la coopération économique bilatérale demeure en deçà du niveau espéré et escompté. Et il y a de quoi si l'on sait que les exportations tunisiennes vers la Russie n'ont pas dépassé, en 2013, la modique enveloppe de 45 millions de dinars alors que les importations en provenance de ce même pays ont atteint 1064 millions de dinars. La tendance semble persister en cette année en cours dans la mesure où rien que pour les cinq premiers mois de 2014, les importations en provenance de la Russie se sont élevées, déjà, à 604,6 MDT, contre seulement 16,6 MDT d'exportations vers ce marché. Optant pour une approche agressive, Mongi Hamdi a osé prendre l'initiative de proposer à Moscou la disposition de la Tunisie à subvenir à tous les besoins des Russes en huile d'olive (on parle de près de 25 mille tonnes) et en nombre d'autres produits alimentaires et agricoles ainsi qu'en produits halieutiques. On profite ainsi de l'arrêt décidé par la Russie de l'importation de plusieurs articles et marchandises en provenance des pays de l'Union européenne A ce propos, le ministre tunisien des Affaires étrangères annonce, d'ores et déjà, la participation de la Tunisie à la foire internationale pour les aliments et boissons (World food – Moscow) qui se tiendra à la mi-septembre dans la capitale russe. Si on ajoute à cela la promesse d'un plus grand nombre de touristes russes à se rendre en Tunisie – ils étaient près de 300 mille à visiter notre pays en 2013 – et l'implantation de huit entreprises russes en Tunisie opérant dans les secteurs de l'industrie, de l'agriculture et des services, générant un total de 600 postes d'emploi, on réalise l'ampleur de l'impulsion qui va être conférée à la coopération entre les deux pays. Et ce n'est pas tout. Selon le même communiqué, on signale la confirmation de l'annonce faite par M. Hamdi à propos de l'accord de principe de la Russie pour l'octroi à la Tunisie d'un prêt de 500 millions de dollars (871 millions de dinars) à des conditions fort avantageuses. Versant dans le concret et la clarté, le ministre des Affaires étrangères a précisé que la Tunisie enverra sur place une délégation du ministère des Finances et de la Banque centrale pour étudier les modalités techniques de décaissement du prêt. D'autre part, le volet politique ne pouvant être ignoré, M. Lavrov a tenu à mentionner que Moscou suit "avec sympathie" les efforts des dirigeants de la Tunisie visant à promouvoir le processus politique tout en formulant l'espoir que les élections législatives et présidentielles en Tunisie, prévues pour l'automne, permettront de consolider ce processus et faire de la Tunisie une véritable success story en la matière. Par ailleurs, et conjoncture régionale oblige, le ministre russe, M. Lavrov, a tenu à affirmer la disposition de son pays à apporter une aide logistique conséquente et consistante au profit des forces de sécurité et à l'armée tunisiennes, avant de mettre en relief la nécessité de conjuguer les efforts en vue de faire face au fléau du terrorisme et le combattre grâce à une coordination régionale et internationale dans le cadre légal de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Les deux parties tunisienne et russe ont échangé, également, les points de vue et passé en revue les derniers développements dans le monde, plus particulièrement dans la région du Moyen-Orient avec la cause palestinienne, la situation en Libye, en Irak et en Syrie et l'émergence négative du mouvement de Daech. Les observateurs voient dans cette visite et la manière avec laquelle M. Hamdi l'a menée, une manière de montrer qu'il a fini par comprendre qu'avec des diplomates habitués aux salons et aux cérémonies protocolaires, il devait monter au créneau et faire, lui-même, la démonstration de ce qu'on attendait d'eux. Bon à rappeler que Mehdi Jomâa, n'a raté aucune occasion pour insister sur le fait que la diplomatie tunisienne devait faire preuve, en cette période décisive pour l'avenir du pays, de plus d'agressivité, et de prospection. Une diplomatie « économique », comme il l'avait nommée, exigeant d'eux une dynamique accrue et des efforts intensifiés pour dénicher et « arracher » des marchés en matière d'exportation et d'importation et des opportunités d'investissements dont le pays a tellement besoin. La diplomatie agressive de Mongi Hamdi en surprend plus d'un, mais réussira-t-elle à porter ses fruits?