Incapables de séduire les électeurs avec des programmes politiques cohérents et clairement déterminés, certains candidats à la présidentielle recourent à des méthodes de facilité pour s'attirer la sympathie des foules. Ils entretiennent, ainsi, des discours sensationnels garnis de promesses et de faux-espoirs. Et pour se construire l'image d'un candidat proche des citoyens, ils chantent en public, mangent dans des restaurants populaires, visitent des quartiers boueux, s'offrent des accolades et affichent une illusion de spontanéité. Dans ce registre populiste, deux candidats à la magistrature suprême se distinguent des autres pour avoir usé et abusé de ces méthodes politiques, à savoir l'actuel président Moncef Marzouki et le patron d'Al-Mustakilah, Hechmi Hamdi. Bien qu'ayant des styles différents et des caractères fortement dissemblables, les deux candidats se partagent plusieurs points communs. Chaque fois où on leur tend la perche, les deux prétendants à la présidentielle s'emparent de l'occasion pour évoquer leur passé politique « sulfureux ». Ils relatent, ainsi, leur souffrance à l'écran et déballent en public la « dure » expérience de leur exil en Europe. M. Hamdi a un « talent » confirmé dans ce genre de mise en scène triste. Il ne cesse, en effet, de se plaindre des séquelles morales de son exil « forcé » et de ressasser qu'il a hâte de retourner au pays. Des propos peu plausibles, car si c'était vrai pourquoi il ne serait pas rentré aussitôt que la révolution avait éclaté ? Pourquoi était-il rentré quatre ans plus tard, si le mal du pays le rongeait autant comme il le disait ? D'un autre côté, Moncef Marzouki a joué –et continue- sur son passif de militant et sur le fait qu'il a été exilé en France pendant plusieurs années. Toutefois, plusieurs sources ont mis en doute ce passif et déclarent ouvertement que Moncef Marzouki exagère ses souffrances et la teneur de son exil pour en faire un atout électoraliste. Outre jouer la victime, les deux candidats utilisent une même technique pour dissuader les électeurs de voter en faveur des autres concurrents. Leur méthode en cela est de surfer sur les peurs. Rappelons, à ce propos, que Moncef Marzouki fait du risque du retour de l'ancien régime son cheval de bataille. Il radote les mêmes stéréotypes sur les pratiques liberticides du temps de Ben Ali et ne cesse de mettre en garde contre à un retour imminent de la tyrannie si, d'après lui, les Tunisiens votaient en faveur des « figures du régime révolu ». Il en est de même pour Hechmi Hamdi mais à des proportions beaucoup plus réduites. Le président du courant Al Mahaba évoque, en effet, les mêmes craintes mais de manière plus tendre et moins prononcée « Je serais garant, de par ma profession de journaliste, de la liberté de presse. Ceci n'est pas forcement le cas de tous les candidats. Certains pourraient promulguer des lois répressives contre cette liberté » a-t-il lâché sur le plateau de « Celui qui ose seulement » lors de son passage le 9 novembre 2014. Bien qu'ils annoncent qu'ils seront, une fois élus, les présidents de tous les Tunisiens, les deux candidats destinent leurs discours à une seule et même catégorie, celle des pauvres et des marginaux. Ils s'adressent toujours à ceux qui vivent au fin fond du pays ou aux citoyens qui habitent dans les ceintures de pauvreté en périphérie des grandes villes. Mais, ne citent jamais ou du moins rarement les riches, les fonctionnaires ou la classe moyenne dans leurs propos. Leurs discours semblent diviser plus que fédérer. En analysant leurs discours, il est aisé de constater que la thématique du « eux » et « nous » est très présente. Pour des objectifs purement électoralistes, les deux candidats n'hésitent pas à se dresser en tant que rempart des pauvres contre les abus des riches et des nantis, souvent présentés comme des corrompus et des voleurs. Cette tendance est visible sans équivoque dans le discours de Moncef Marzouki qui n'hésite pas à diviser le peuple entre bons et mauvais d'une manière claire. De son côté, Hechmi Hamdi fait la distinction entre pauvres et riches. Sans aller aussi loin que son concurrent Moncef Marzouki, Hechmi Hamdi prétend devenir le défenseur des pauvres en usant même de promesses farfelues. En effet, Hechmi Hamdi promet, entre autres choses, de transférer la capitale à Kairouan ou d'habiter à la cité Ettadhamen pendant sa présidence. Cet amour du populisme se poursuit dans certains détails comme celui de la tenue vestimentaire. L'actuel président de la République, Moncef Marzouki, était le premier chef d'Etat en Tunisie à bousculer tous les codes vestimentaires et aussi protocolaires. Il ne porte jamais de cravate et on l'a vu dans certaines cérémonies officielles arborer un burnous. C'est une habitude qu'il n'a jamais changé depuis. Il a même confié à Samir El Wafi qu'il détestait porter les cravates tout en fustigeant ceux qui lient cet accessoire au prestige de l'Etat. Quant à Hechmi Hamdi, il s'est mis à arborer l'habit traditionnel tunisien et même à mettre des bas de survêtement. Cela reste dans la dynamique populiste que veut déclencher Hechmi Hamdi. Par leurs méthodes, par leurs discours et par leurs positionnements politiques respectifs, les candidats Moncef Marzouki et Hechmi Hamdi vont braconner sur les mêmes terres électorales. Toutefois, ils souffrent chacun d'un point noir dans leurs stratégies. Pour Hechmi Hamdi, ses idées farfelues et ses promesses irréalisables le décrédibilisent et portent atteinte à l'ensemble de son discours. Quant à Moncef Marzouki, il traîne un très lourd bilan de sa présidence pendant trois ans. Ce bilan reste dramatique malgré tous les efforts des laudateurs de type Tarek Kahlaoui ou Sihem Badi. Les Tunisiens ne risquent pas de l'oublier d'autant plus que les promesses et les déclarations d'intention, ils en ont entendu des dizaines.