La liberté d'expression dans les médias tunisiens a des revers et l'un de ces revers a été observé hier, avec stupeur, sur le plateau de « Klem Ennes » sur Al Hiwar Ettounsi, l'émission qu'anime chaque semaine Naoufel Ouertani. Avec 38,5% d'audience, cette émission se classe entre le deuxième et le troisième rang des émissions les plus regardées en Tunisie. Avec, en sus, deux chroniqueurs très populaires, Maya Ksouri et Lotfi Laâmari, elle réussit à faire inviter les plus grandes personnalités du paysage politique, médiatique et artistique. Mais pas que les grands, l'émission a également invité les plus abjects et les plus suspects, à l'instar du « chercheur de trésors » Maher Zid, du « menteur » Yassine Ayari ou du pleurnichard « Mokded Mejri ». L'émission du mercredi 26 novembre n'entre pas dans la première catégorie d'invités, mais dans la seconde. Quatre des cinq invités sont des candidats à la présidentielle qui ont obtenu entre 0,31 % et 0,8% au scrutin du 23 novembre, à savoir Abderrazak Kilani, Mohamed Frikha, Mohamed Bennour (représentant de Mustapha Ben Jaâfar) et Safi Saïd. Si les trois premiers ont été respectueux du public, de la chaîne et de l'animateur-hôte, et conséquents avec leur défaite et leur poids réel, il n'en est pas de même pour Safi Saïd. Ce dernier a toujours cru et pensé que c'est lui qui fait l'audience. Il l'a même déclaré haut et fort, la semaine dernière, quand il a posé un lapin à la dernière minute à l'animateur Samir El Wafi, sous prétexte du changement brusque de l'identité des invités. Safi Saïd s'attendait à être invité aux côtés de Moncef Marzouki et d'Ahmed Néjib Chebbi, croyant dur comme fer qu'il jouait dans cette cour. Le résultat du 23 novembre a démontré le contraire, mais ce résultat n'a pas permis, pour autant, de réviser à la baisse l'égo démesuré de M. Saïd. Continuant sur sa lancée habituelle, il a tenu à accaparer la parole durant l'émission jusqu'à pousser l'animateur à l'interrompre pour lui rappeler une règle : être bref et cesser de diluer son discours. Dans toutes les chaines du monde, celles qui se respectent du moins, c'est l'animateur qui est le maitre à bord. S'il est vrai que certaines chaînes ont des animateurs muets qui laissent leurs invités se lancer dans des diatribes infinies (comme Zitouna TV, ou Al Moutawassat), Al Hiwar Ettounsi ne s'inscrit pas dans ce registre. Vexé d'être interrompu par un animateur, inférieur à lui à ses yeux, Safi Saïd est sorti de ses gonds pour lui lancer un « tu n'es qu'un impoli ! ». En direct ! Les réactions se sont ensuite déchainées et l'occasion était rêvée pour plusieurs téléspectateurs de descendre Naoufel Ouertani. On découvre, d'un coup, que M. Ouertani n'est pas un professionnel, ne respecte pas ses invités, les interrompt et ne les laisse pas s'exprimer… L'audience de Naoufel parle pour lui. Ses émissions sont toujours classées premières et, en cumul, il est le premier. Ceux qui le dénigrent sont ceux-là mêmes qui le regardent et attendent, impatiemment, son émission. Naoufel Ouertani souffre-t-il de saturation vu son émission radiophonique quotidienne sur Mosaïque et ses deux émissions hebdomadaires sur Al Hiwar ? Probable ! Reste que l'on ne peut pas décemment descendre un animateur qu'on regarde avec fidélité et qui réalise autant d'excellents scores. Mais là où Naoufel Ouertani a failli, c'est bel et bien dans la qualité des personnes qu'il invite. Pourquoi donc une émission ayant un si haut taux d'audience invite-t-elle des ratés ? Jusqu'à quand continuera-t-il à inviter des gens rejetés par l'opinion publique, celle de son public-cible du moins, pour en faire des stars, alors qu'elles ne le sont pas ?! Le cas de Safi Saïd est l'exemple parfait de ces invités rejetés totalement par l'opinion et qui se croient les meilleurs. Journaliste de son état, Safi Saïd a lancé un hebdomadaire « Ourabia », mais il a fini rapidement par mettre la clé sous la porte. Il a été totalement financé par l'homme d'affaires Chafik Jarraya qui a, ainsi, jeté son argent par la fenêtre en croyant en lui. Il a été question, avec le même, de lancer une chaîne de télévision, mais le projet n'a toujours pas vu le jour et Safi Saïd a été incapable d'aller jusqu'au bout de ses promesses. Le même a été épinglé lourdement dans le Livre noir de la présidence de la République. Il a crié au scandale et a promis des révélations spectaculaires et appuyées par des documents, sur Moncef Marzouki. On attend toujours ! Dernière promesse non tenue, sa candidature à la présidentielle. Il finira avec un 0,8% alors qu'il se voyait aux premiers rangs. Sans jamais se remettre en question, du moins publiquement, l'ancien salarié de Chafik Jarraya trouvera des boucs émissaires en l'argent sale des hommes d'affaires suspects ! Naoufel Ouertani en faisant l'impasse sur tant de faits, et en continuant à inviter des personnes qui ont prouvé leur « nullité » dans plus d'un domaine, devra donc assumer les conséquences de son invitation. Il ne peut pas diriger son émission, conformément aux standards internationaux, quand son interlocuteur ignore ces standards. L'historique de Safi Saïd et ses derniers résultats aux élections devraient être un argument de M. Ouertani, mais également de tous les autres animateurs, de ne plus inviter ce genre de personnes. La Haica ne trouvera rien à redire. Ces gens ne pèsent rien politiquement et n'ont pas à être présents, autant, sur les plateaux. Les résultats des dernières législatives et de la présidentielle devraient être le baromètre de l'ensemble de nos médias, y compris Business News, dans la sélection de leurs programmes et articles. Les nuls n'ont pas de place dans un média qui se classe aux premiers rangs. Avoir une place dans Al Hiwar Ettounsi, Nessma, Mosaïque, Shems, Assabah, Le Maghreb ou Business News, ça se mérite ! Raouf Ben Hédi A lire également : Safi Saïd traite Naoufel Ouertani d'impoli et quitte le plateau de Klem Enes