C'est le 30 décembre 2014 que Béji Caïd Essebsi a remplacé Moncef Marzouki à la présidence de la République. Depuis, la présidence ne s'est pas distinguée par une performance particulière même si une quinzaine de jours ne suffit pas pour dresser un bilan. Toutefois, les attentes sont grandes et le président est appelé, plus que jamais, à jouer un rôle fédérateur qui tarde à se concrétiser. Béji Caïd Essebsi était attendu comme un messie par ses électeurs. Ils avaient tous hâte de le voir occuper le fauteuil de la présidence pour rétablir un semblant d'ordre, rétablir le prestige de l'Etat et fixer le cap pour une nouvelle présidence qui leur ferait oublier son prédécesseur. Toutefois, cette mission est loin d'être réussie au vu des premiers quinze jours. Ceci est dû principalement à des flottements relatifs à la passation entre les deux présidences. La nouvelle équipe installée à Carthage défait encore ses cartons et n'est pas encore aux commandes de manière efficace. Certains atermoiements de la présidence de la République en témoignent. Par exemple, le retard observé dans la réaction de la présidence de la République par rapport à l'attentat qui a touché Charlie Hebdo. Le premier à avoir réagi était le parti Ennahdha qui s'est fendu d'un communiqué écrit en langue française. Ensuite, c'était au tour de la présidence du gouvernement de s'indigner, suivie ensuite par le ministère des Affaires religieuses qui avait rendu public un communiqué polémique. Ce n'est que presque 24 heures après les faits que la présidence de la République a réagi à cet attentat. Il est vrai qu'il y a eu un certain cafouillage au sein du gouvernement. La réaction du ministère des Affaires religieuses était superflue et malvenue autant dans la forme que dans le contenu. Puisque les services de la primature ont rendu public un communiqué concernant cette affaire, il était inutile que le ministère prenne l'initiative de réagir à son tour. La question qui s'était posée ensuite était de savoir si la présidence de la République devait exprimer son indignation alors que la Kasbah avait déjà réagi. S'agissant de relations extérieures et d'un événement qui a eu lieu dans un pays étranger, la logique voudrait que ce soit la présidence de la République qui se charge de réagir. Constitutionnellement, les relations extérieures font partie du pré-carré de la présidence de la République. Cela n'a pas été le cas et les adversaires de Béji Caïd Essebsi n'ont pas manqué de sauter sur l'occasion pour critiquer le tout nouveau locataire de Carthage. Cet incident n'a pas été la seule occasion donnée par la présidence de la République pour s'attirer les critiques. En effet, la célébration du quatrième anniversaire de la révolution, le 14 janvier, au palais de Carthage ne s'est pas déroulée dans la sérénité. La cérémonie a été émaillée par des incidents avec les familles des martyrs et des blessés de la révolution. Ces derniers ont été ulcérés de voir qu'ils n'ont pas été cités dans le discours du président de la République. En plus, ils n'ont pas apprécié de voir Béji Caïd Essebsi se mettre à décorer les membres du quartet alors que leurs enfants, qui sont morts pour la patrie, ne l'ont pas été. Pour ajouter encore l'huile sur le feu, Béji Caïd Essebsi s'est fendu d'un commentaire superflu qui a irrité les présents et qui a concentré les plus vives critiques. Le président de la République, après avoir tenté de calmer le jeu en promettant que tous les martyrs seront décorés, a dit : « Rabbi yïnkom (NDLR : Que Dieu vous aide) » d'une manière que certains ont pris pour du dédain. L'équipe présidentielle a eu le bon réflexe d'essayer, tout de suite, de contenir l'incident en allant voir les familles des martyrs et des blessés de la révolution. Ce sont Ridha Belhaj, chef du cabinet présidentiel, et Mohsen Marzouk, conseiller politique du président, principalement, qui se sont attelés à cette tache. Le chef de la communication au palais présidentiel, Moez Sinaoui, a dû débriefer sur l'incident auprès des médias et un point de presse a été rapidement organisé. Par la suite, des photos ont été publiées montrant Béji Caïd Essebsi, en compagnie de Hamma Hammami, recevant les familles des martyrs et des blessés de la révolution dans l'un des salons du palais, comme pour dire que l'incident était clos et que tout cela n'était qu'un malentendu. Même si les couacs présidentiels enregistrés jusqu'à ce jour ne sont pas d'une grande ampleur, leur effet l'est certainement. Les attentes sont tellement grandes que l'on attend Béji Caïd Essebsi au tournant et on ne manquera pas de la critiquer, lui et son équipe, au moindre écart. Le pays a des besoins pressants dans tous les domaines y compris dans celui de sa représentation à l'intérieur et à l'extérieur, c'est là qu'intervient Béji Caïd Essebsi. Les tergiversations concernant la composition du prochain gouvernement ainsi que le choix controversé de Habib Essid en tant que chef du prochain gouvernement ajoutent au climat de défiance.