A l'actualité cette semaine : le discours alarmiste de Béji Caïd Essebsi et l'Etat d'urgence, le limogeage des imams radicaux et leurs manifestations de protestation et la décision du juge d'instruction d'interdire de voyage les trois « dangereux criminels », mes amis et confrères Sofiène Ben Hamida, Hamza Belloumi et Noureddine Ben Ticha. L'actualité la plus importante de la semaine ne vient cependant pas de Tunisie, mais de Grèce. Ah la Grèce ! Avant tout le monde, avant tous les prophètes, avant tous les penseurs, les Grecs ont tout dit. Lisez Socrate, lisez Platon, lisez Aristote, ils ont tout abordé, ils ont tout décortiqué. « Nos valeurs actuelles » sont les leurs. Etaient-ils compris par leurs contemporains ? Le doute est permis. 28 siècles plus tard, leurs descendants nous donnent une nouvelle leçon. Une leçon que certains applaudissent et que d'autres contestent. La leçon grecque a-t-elle été comprise ? Le doute est permis et, je pense, qu'il nous faudra des années voire des décennies, pour la saisir. Il est en effet difficile, au XXIème siècle avec les normes actuelles que nous avons mis en place pour régir notre vie, d'admettre que quelqu'un use de fraudes et de falsifications pour vous emprunter de l'argent, puis refuse de vous le rendre, tout en exigeant de le laisser vivre sa vie dans le confort et sans austérité. Les descendants de Socrate sont en train de nous donner une leçon et je doute qu'il y ait quelqu'un pour la comprendre aujourd'hui, que ce soit parmi ceux qui la critiquent ou ceux qui l'applaudissent. Surtout ceux qui l'applaudissent. Et faute de l'avoir comprise, on peut dire que les Grecs marchent sur la tête. La planète entière marche sur la tête, finalement, à commencer par la Tunisie.
Béji Caïd Essebsi a prononcé un discours des plus alarmistes, samedi dernier. L'Etat risque de s'effondrer, avertit-il. Quelques heures plus tôt, l'état d'urgence a été décrété. L'heure est grave ? Oui, mais il n'y a rien de nouveau là dedans. L'heure est grave depuis le 14 janvier 2011 et c'est ce jour-là que l'Etat a commencé à s'effondrer. En dépit de la gravité de l'heure et des dizaines de morts une semaine auparavant, certains osent protester que l'Etat d'urgence ait été décrété. Je parle notamment des CPR et des Attayar qui n'ont jamais ouvert le bec quand leur président Moncef Marzouki prorogeait régulièrement l'état d'urgence, contre l'avis de l'armée et contre l'avis du ministre de la Défense de l'époque. Dans son discours de samedi, Béji Caïd Essebsi a lancé des messages pour l'opposition, pour son gouvernement, pour les syndicats et pour les pays amis de la Tunisie. La synthèse de ces messages aboutit à la nécessité d'établir l'état d'urgence.
C'est une menace contre les libertés, pronostiquent les détracteurs. Ces mêmes détracteurs qui trouvaient l'état d'urgence tout à fait normal sous Marzouki. Quand les Daech sera là et que l'Etat disparaitra, quand la Tunisie ressemblera à la Libye et que le pays sera dirigé par des gangs, vous n'aurez plus ni d'Etat, ni de libertés ! Et ils ne ratent plus d'occasion pour alimenter le climat de la haine et de la peur. Allez lire Tarek Kahlaoui. L'ancien directeur de l'Institut des études stratégiques est devenu le relais des messages des terroristes. Chaque fois qu'ils publient une alerte d'attentat, le sieur Kahlaoui est là pour nous la transmettre. Tout est bon pour alimenter la psychose et faire brûler le pays. Le chercheur du pétrole est devenu un messager des terroristes et quand on les épingle, ils crient au scandale et jouent aux Saintes-Nitouche.
Le 5 mai 2015, à Aix en Provence en France, dans un cercle fermé d'universitaires, l'ancien président Moncef Marzouki donnait une conférence dans laquelle il a clairement dit et précisé que la Tunisie n'avait pas de pétrole. La conférence n'a pas été médiatisée par les siens et à dessein, puisque les Marzoukistes ne ratent aucun de ses discours (cliquer ici pour voir la vidéo). Le 23 septembre 2014, quand il était encore président, le même Marzouki disait exactement la même chose à New York. En juin 2015, comme par miracle, ses « majordomes » et lui à leur tête, accusent le gouvernement d'opacité et de voler les recettes du pétrole aux Tunisiens. Que s'est-il passé entre-temps ? Moncef Marzouki est allé au Qatar. C'était le 14 mai, l'ancien président insultait et menaçait les Tunisiens (voir notre article à ce sujet). Il a parlé de potences et de pays brûlé. Les naïfs vous diront que de pays brûlé, il n'a parlé que de la Syrie. Or le discours de Marzouki est éminemment politique et ne saurait être lu autrement. Il ne saurait en aucun cas être lu littéralement. Il y a un contexte, il y a un sujet de conférence (quels horizons pour le Printemps arabe) et il y a une ambiance générale qui indiquent clairement que le président tunisien parlait de la Tunisie en évoquant le pays brûlé. La suite des événements va dans ce sens, avec la campagne « winou el pétrole » alimentée par les siens ou encore la « croisière » méditerranéenne à Gaza à travers laquelle Marzouki voulait être érigé en héros. Son propagandiste favori, Al Jazeera, est là pour servir sa politique, jeter de l'huile sur le feu, semer le doute et répandre la haine entre les Tunisiens. Les médias locaux ont beau dénoncer la supercherie, rien n'y fait ! « ‘'Médias de la honte'' et des corrompus à la solde des mafias de l'ancien régime », nous dit-on.
Parmi les journalistes ayant dénoncé la supercherie, Hamza, Sofiène et Noureddine dans un reportage télévisé qui a repris des extraits du discours de Marzouki. Un discours d'une heure et demi synthétisé en quelques minutes, comme de coutume partout dans le monde, et qui respecte (selon moi) l'esprit de ce qu'a dit l'ancien président à Doha. Ce classique montage-vidéo est devenu faux et usage de faux, dans l'acte d'accusation. Au trio cité ci-dessus, j'ajoute leur rédactrice en chef Insaf Boughediri à qui le juge d'instruction a fait remplir une fiche anthropométrique (photo de face et de profil, comme si cette grande journaliste était une criminelle) sans même l'avoir interrogée ! Les journalistes ne sont pas au-dessus de la loi et on ne cessera jamais de le dire et le répéter. Mais la profession journalistique est régie par des lois (décrets-loi 115 et 116) et les torts qu'on pourrait reprocher à l'équipe d'Al Hiwar Ettounsi ne peuvent être jugés que par le biais de ces lois.
Le faux et usage de faux dont on les accable est grotesque et contraire à la loi régissant la profession. Il est contraire à l'esprit de la Constitution garantissant la liberté de la presse et il est contraire à l'esprit de la démocratie. Le faux et usage de faux est d'autant plus grotesque que les journalistes en question n'ont pas dévié de l'esprit général du discours de Moncef Marzouki. Lequel esprit a été démontré par la suite des événements. Le 14 mai, l'ancien président parlait de pays brûlé ; le 4 juillet l'actuel président parlait du risque de l'effondrement de l'Etat. Les journalistes ont montré la lune et le juge d'instruction a préféré regarder le doigt. Plutôt que de convoquer Marzouki et de lui demander de s'expliquer sur son discours haineux et menaçant prononcé à l'étranger, il préfère convoquer les journalistes qui l'ont dénoncé ! On marche sur la tête ? Si déjà les Grecs marchent sur la tête, pourquoi pas nous finalement !
Un mot pour finir avec les imams controversés. Dans l'esprit de l'islam, et de toute religion qui se respecte et respecte ses fidèles, un chef religieux doit être une personne modèle et exemplaire dans son comportement. Elle doit propager la bonne parole, la paix et la tolérance. Nos imams controversés, à commencer par Béchir Ben Hassen de Msaken, sont tout sauf cela. Ben Hassen est un repris de justice dans une affaire de droit commun et, ne serait-ce que pour cela, il ne saurait être imam. Les autres, comme Ridha Jaouadi, n'ont de cesse de diviser les Tunisiens en mécréants et croyants, ils n'ont de cesse de dénigrer les journalistes et les leaders politiques qui ne partagent pas leurs opinions, ils n'ont de cesse de propager la haine entre Tunisiens. Des dizaines de vidéos attestent de cela. Ils sont libres de s'exprimer comme ils veulent ? Oui, c'est leur droit ! Mais qu'ils le fassent loin de nos mosquées et pas avec notre argent ! Précision, le controversé et haineux Béchir Ben Hassen a été membre actif de la campagne de Moncef Marzouki, le même qui parlait de pays brûlé et de potences, sans qu'il n'y ait un juge d'instruction ou un procureur pour s'en émouvoir.