A l'actualité cette semaine, les tractations dans les couloirs pour la composition du nouveau gouvernement. Quinze jours que cela dure et Youssef Chahed donne déjà les premières impressions qu'il patauge… Il reçoit du monde pour ces consultations, parait-il, et à force de vouloir consulter tout le monde, il a fini par consulter n'importe qui. En attendant, sa communication s'affute et il réussit à faire parler de lui sans qu'il n'ait rien fait… Samedi dernier, à l'occasion de la garden party de la fête de la Femme, c'est grâce à son épouse qu'on a parlé de Youssef Chahed… Subtil… Une garden party de laquelle on a écarté certaines grandes dames sans qui Youssef Chahed et ceux qui l'ont nommé n'auraient jamais été là où ils sont. L'impression que l'on patauge se précise…
Loin de Carthage et de ses lobbys, une nouvelle vidéo de Nourane Houas a fait son apparition la semaine dernière. Nourane Houas est cette franco-tunisienne (ou tuniso-française, je ne sais plus ce qu'il faut écrire) kidnappée au Yémen en décembre 2015. Collaboratrice à la Croix-Rouge, cette dame était partie secourir un pays engouffré dans une guerre dont personne ne parle. Dans leur pré carré, les Saoudiens font toujours ce qu'ils veulent… Dans la nouvelle vidéo, Nourane apparait amoindrie, humiliée… La signature barbare de ses ravisseurs est on ne peut plus claire… Que les barbares agissent avec barbarie, cela est entendu. Mais que les nations dites respectueuses des droits de l'Homme s'acclimatent avec cette barbarie, cela a de quoi bousculer les valeurs fondamentales universelles qui nous unissent tous, en tant qu'êtres humains civilisés. Par résignation ou par tactique, le kidnapping de Nourane Houas ne semble indigner personne, ni dans le pays de ses racines la Tunisie, ni dans son propre pays la France. Du côté des médias, la consigne est donnée : ne pas en parler parce qu'on mettrait sa vie en danger. Où en est-on huit mois après son kidnapping et le silence médiatique ? Au point mort !
On ne le dit pas, parce que ça ne se dit pas, mais on le pense. Nourane Houas subit une sorte de racisme silencieux à l'instar de 100% des binationaux maghrébins de France. En Tunisie, on la considère comme Française et en France on la considère comme Tunisienne. Ce « racisme silencieux » ne touche pas tous les binationaux, mais les Tunisiens, Algériens et Marocains essentiellement, y compris ceux de la deuxième génération qui ne sont pas nés dans le pays de leurs parents. Y compris ceux qui ne se considèrent pas comme musulmans et ne parlent pas arabe et sont totalement intégrés dans la culture française et imbibés par ses valeurs théoriques. Car, en pratique, la France d'aujourd'hui est assez loin de ses valeurs originelles. Quant aux pays d'origine, on oppose la réponse classique et toujours mezza voce : « Ils vivent en France et ont choisi eux-mêmes d'être là-bas et non ici. Ils sont fiers de porter leur passeport français et de prendre la file « UE » aux guichets de la police des frontières ».
L'oubliée Nourane Houas est-elle française ou tunisienne ? En Tunisie, on lève les bras au ciel pour rappeler qu'on fait ce qu'on peut et ce que l'on peut est peu de choses. Très peu même. Les Tunisiens n'intéressent pas les kidnappeurs du monde, ce qui aurait pu fournirde l'expérience en la matière pour nos ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères. Excusez le cynisme, mais les choses doivent être dites avec cruauté parfois. Quid de la France ? Des Français qui se sont fait kidnapper, il y en a eu un bon nombre ces derniers temps. Une soixantaine serait enlevée chaque année, mais le Quai d'Orsay ne reconnait officiellement que les otages politiques. Le cas de Nourane en est bien un, à la différence qu'elle n'est pas une Française « pure souche »… Mieux, ou pire je ne sais plus, Nourane aurait été Israélienne d'origine française, on aurait assisté depuis belle lurette à la mobilisation de tous les médias, du Quai d'Orsay, de la DST et de l'Elysée. On se rappelle encore du cas du militaire israélien GiladShalit kidnappé par le Hamas en 2006 à l'âge de 20 ans. Le jeune soldat a beau être sous le drapeau de Tsahal, cela n'a pas empêché la France de le considérer comme français à part entière, méritant tous les égards et l'attention. L'engagement de la France aux côtés de Shalit n'est en aucun point contestable, mais que l'on traite pareillement les Français qui se présentent en tant que Français dans des organismes humanitaires défendant ces mêmes valeurs de la France !
On pourrait me répondre, « Comment osez-vous dire ça ? Vous êtes grotesque !». On pourrait me rappeler que le CICR a demandé à ce qu'on ne médiatise pas l'affaire pour faciliter le dialogue avec les ravisseurs. Huit mois que cela dure, vous n'estimez pas que c'est suffisant ? C'est à partir de combien d'années de kidnapping que l'on doit en finir avec le silence et commencer à nous indigner ? Quand on voit cette politique de deux poids deux mesures de l'Etat français, quand on voit le racisme de moins en moins silencieux qui frappe nos binationaux (Tunisiens, Algériens et Marocains essentiellement) dans les rues françaises et ce depuis la multiplication des attentats terroristes et quand on voit les propos de plus en plus xénophobes de certains politiciens français à l'encontre de leurs propres compatriotes, il y a lieu de s'interroger si les valeurs universelles dont se proclame la France sont encore intactes… Les terroristes ont marqué des points avec leurs attentats, leurs kidnappings et leur barbarie. S'ils réussissent à atteindre ces valeurs universelles et à les casser, ils auront gagné la guerre !