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Héritage, la fin d'un tabou
Publié dans Business News le 11 - 03 - 2018

Ce samedi 10 mars 2018, une manifestation historique a sillonné les rues de Tunis. Si elle n'a pas rassemblé des dizaines de milliers de personnes, comme espéré par les organisateurs, elle aura eu le mérite de s'attaquer à l'un des tabous les plus tenaces de la société arabo musulmane, à savoir l'inégalité dans l'héritage entre les deux sexes. Désormais, la question de la succession se débat sur l'espace public et c'est une première en la matière dans les pays arabes…


Il est 14h30 du côté du Bab Saâdoun à l'entrée du l'avenue 20-Mars. Les derniers journalistes et photographes jouent des coudes pour monter à bord du pick-up qui filme les premières lignes de la marche nationale réclamant l'instauration de l'égalité dans l'héritage. Dans la plage arrière du véhicule, la tension est palpable entre les journalistes et les photographes. Des heurts verbaux éclatent sans gravité toutefois, tout le monde veut se dégoter une bonne place, histoire d'avoir LA photo qui fera le tour de la presse et des réseaux sociaux. Devant eux, se dressent une vingtaine de militants qui forment le premier cordon de la manifestation, suivis derrière, assidument, par une foule disciplinée. On distingue sans mal dans cette première ligne de front Monia Ben Jemiaa, Ahlem Belhadj, Sana Ben Achour, Chokri Latif.
Sous un soleil de plomb, les premiers slogans scandés par les 2.000 manifestants (composés majoritairement de femmes) donnent le ton : « l'égalité est un droit et non une faveur ! ». Soigneusement encadrés par les forces de l'ordre, les manifestants passent sous le regard médusé des hommes attablés dans les cafés sirotant, pantois, leur thé. Les premières remarques fusent : « Elles refusent la loi divine ! Elles n'ont pas honte ? », débattent quatre hommes dans la terrasse d'un café populaire.
Les manifestants, eux, n'en ont cure. Droit dans leurs bottes, fixant les objectifs des appareils photos et brandissant des pancartes, ils - même si le « elles » aurait eu plus de sens dans cette situation - enchaînent les slogans : « l'égalité est un droit, ni chariaâ, ni hypocrisie », le peuple veut l'application de l'égalité et Etat civil, ce qui te revient me revient » lance de plus en plus fort un cortège renforcé, depuis, par l'arrivée d'une centaine d'autres citoyens.

Au milieu du peloton, on aperçoit le ministre Mehdi Ben Gharbia. Il fait tout de suite l'objet des attentions des journalistes et des activistes. Décontracté, il prend la peine de prendre la pause et de répondre à toutes les sollicitations. Plus loin dans le cortège, des personnalités publiques marquent leur présence. On voit ainsi Mondher Belhaj Ali, Zied Lakhdhar, Salma Baccar, Mohamed Bennour, Habib Kazdaghli, Raja Ben Slama , Fatma Saidane ou encore Mokthar Trifi.
Arpentant, groupés, la longue avenue du 20-Mars, mythique pour avoir abrité pendant plus d'un mois les manifestants du sit-in Errahil de 2013, les femmes s'expriment. Elles ont entre 18 ans et 60 ans, sont étudiantes, universitaires, artistes, fonctionnaires, cadres, etc. sont venues de tous les coins du pays pour revendiquer leur droit à être traitées d'une manière égale que leurs frères, époux et cousins…


La parole se libère, les sourires sont nombreux, l'effet de foule arrange les activistes. Dans leur actuel combat, les manifestantes ont bien conscience qu'ils s'attaquent à « un des nombreux bastions du patriarcat », selon les termes de l'universitaire et activiste Sana Ben Achour. Le temps d'une manifestation, les tabous se brisent « le simple fait que le débat batte son plein est déjà une victoire » assure de son côté Monia Ben Jemia, présidente de l'Association des femmes démocrates.

Pour Azza, jeune juriste de 25 ans et membre de l'Association tunisienne de défense des libertés individuelles, il était important de venir manifester ce samedi 10 mars 2018 « en tant que femme tunisienne. Nous sommes encore victimes de discriminations dans l'héritage et dans la rémunération par rapport à un travail que nous exécutons de la même manière qu'un homme ! Il faut que cela cesse ! » déclare-t-elle. C'est pour ces raisons qu'elle a tenu à participer à la marche et à faire venir son jeune frère, de 10 ans son cadet, pour « faire inculquer ces principes aux jeunes générations ». Toutefois, elle regrette la faible présence d'hommes dans la manifestation et dit craindre que les hommes politiques présents n'utilisent les revendications féminines dans le cadre d'une pure récupération électorale.


Le constat est partagé par Mariem*, étudiante de 23 ans en droit et en sciences politiques « il y a une inégalité de fait aujourd'hui en Tunisie entre les deux sexes, due à notre héritage culturel marqué par la domination de l'homme. Le hic, c'est que cette inégalité se trouve renforcée par certaines dispositions rétrogrades comme celles relatives à l'héritage, que nous cherchons à faire abroger par cette marche ». Si la féministe convaincue et revendiquée admet certaines avancées en la matière depuis la révolution de 2011, comme l'annulation des articles permettant aux agresseurs d'épouser leurs victimes et d'échapper ainsi à la sanction, ainsi que le droit accordé aux femmes de quitter le territoire en compagnie de leurs enfants, ces acquis « ne représentent qu'une goutte d'eau dans l'océan » affirme-t-elle, avant de conclure ses propos par une revendication : « en fin de compte, nous ne réclamons que l'application des conventions internationales en matière des droits et des libertés, qui expriment clairement le principe d'égalité entre les deux sexes ».

De part sa profession, l'avocat Ghazi Mrabet est confronté tous les jours à ces problématiques. S'il a tenu à être présent dans cette manifestation, c'est pour protester contre la présence de certaines dispositions « obsolètes » dans le Code du statut personnel, comme celle relative à l'héritage. Pour Ghazi Mrabet, il est important d'exposer médiatiquement le cas des femmes victimes des lois rétrogrades en la matière afin de faire pression sur les pouvoirs politiques, dans le but d'une consécration pleine et entière du principe d'égalité.

En s'attaquant frontalement à l'une des (nombreuses) inégalités flagrantes consacrées par les lois tunisiennes, les manifestants ont la certitude de ne pas avoir le combat facile. La majorité de la population exprimera certainement sa réticente, freinée par une lecture rigide et désuète d'un texte religieux qui doit faire l'objet d'une interprétation évolutive, en phase avec les normes internationales en matière de droit de l'homme. Cependant, l'histoire reconnaitra à ces manifestants d'avoir initié et faire porter le débat devant l'espace public. Aux grandes femmes, la patrie vous est reconnaissante.


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