Les élections municipales arrivent. Des personnes ont déposé leurs candidatures, la campagne électorale s'ouvre dans quelques jours, les électeurs sont appelés au vote. Pourquoi? On n'en sait rien. Mais on nous dit que c'est pour notre bien.
Un Code des Collectivités Locales pléthorique, qu'on veut faire voter à la hâte par des élus réticents sous la pression publique des médias et des experts. Pour notre bien, on vous le dit.
Pourquoi nos élus sont-ils donc réticents? "Parce que les partis ne sont pas prêts pour les élections", c'est la phrase facile que l'on aime répéter ici et là. Et bien non. Les élus ont raison d'être réticents. C'est à eux qu'on fera payer le prix des engagements pris en notre nom à tous. Ils ont donc bien raison de se méfier et d'hésiter s'ils ne voient pas assez de garanties de réussite. Des générations de Tunisiens devront vivre avec les conséquences de leur vote.
La mise en place de la décentralisation est un projet pharaonique. Un processus qui changera le quotidien des Tunisiens sur plusieurs générations, qui transformera la dynamique régionale et locale, la fiscalité, l'approche du développement, l'exercice des pouvoirs, le fonctionnement de l'administration. Ce processus sera donc régi par le Code des Collectivités Locales. Ce texte est en gestation depuis des années. Nous en sommes à la énième version. Faut-il s'en réjouir? J'ai des doutes. Un document qui nécessite autant de versions, cela signifie soit qu'on était partis de très loin du but ou qu'on a dérivé trop loin du chemin. Quel genre de charcutage législatif a-t-on pondu?
Un processus aussi capital et aussi profond suppose une responsabilité et des comptes à rendre. Les élus qui voteront cette loi seront tenus responsables. Les élus issus des prochaines municipales seront tenus responsables. C'est leur mandat.
Le maillon qui manque à la chaîne de responsabilité est au niveau de l'élaboration du Code. Un texte confié à des experts, en collaboration avec la société civile. Des personnes qui produisent un texte qui changera radicalement le paysage administratif et politique du pays, qui sont certainement compétentes mais qui n'ont pas de capacité pour cela. Un ministre a une responsabilité politique. Un fonctionnaire a une responsabilité administrative. Quelle est la responsabilité des experts? Quel mandat leur a été confié? Par qui? Seront-ils là pour assurer le "service après-vente"? Qui pourra les tenir responsables plus tard? Qu'en est-il de la société civile? Pourrait-on la tenir responsable?
En 2011, des experts avaient choisi pour nous un système électoral. Ils avaient également choisi pour nous l'option d'une assemblée constituante. Des experts avaient de même choisi pour nous un régime politique parlementaire. Aujourd'hui, ce système électoral est jugé problématique. Des voix s'élèvent pour regretter le choix de la constituante. Le régime parlementaire est estimé inadapté au contexte tunisien. Il est clair que la loi électorale et le régime politique disperse l'échiquier et dilue la responsabilité politique.
Et vous savez quoi? Ce sont les experts à l'origine de ces idées qui appellent maintenant à réformer le régime politique et la loi électorale. Pour une meilleure représentativité de la volonté des électeurs et plus de responsabilisation des décideurs politiques.
La faute à qui messieurs, dames? On envoie la facture de ces cafouillages à qui? Quelqu'un est responsable ou pas? Une irresponsabilité totale et une impunité intolérable qui sont une insulte aux Tunisiens.
Et comme ça avait tellement bien marché, on recommence? Pour notre bien, bien sûr.