Allez voter ! Allez voter ! Allez voter ! La majorité des hommes et femmes politiques, des médias et des leaders d'opinion ne cessaient de répéter cette directive civique, mais les Tunisiens ont été d'un autre avis ce dimanche 6 mai 2018 à mi journée, pour les élections municipales. Dégoûtés par les promesses non tenues depuis 2011, date des premières élections démocratiques post-révolution, et encore plus dégoûtés par celles de 2014, les Tunisiens ont préféré passer leur dimanche comme d'habitude en vaquant à leurs occupations ordinaires : marché, courses, grand-ménage, cuisine, balades. Bref, tout sauf aller voter. « A quoi cela servirait ? De toute façon, ils ne vont rien changer, ils sont tous menteurs, ils sont tous voleurs et, au mieux, ils sont incapables ! ». C'est ce que l'on entend ici et là parmi les jeunes rodeurs de café qui préfèrent siroter leur capucin et fumer leur cigarette que d'aller voter. « Je préfère garder mon doigt propre », nous dira l'un d'eux, allusion à l'encre bleue dont chaque électeur doit enduire le doigt au moment du vote. D'après l'Instance supérieure indépendante des élections, le taux de participation varie entre 9 et 10% à 11h. En 2014, ce taux était de 25% à 10h et de 50% à 16h. Pour aujourd'hui, et au vu de l'affluence trop faible à mi-journée, on ne devrait pas dépasser les 25%.
Ce que l'on a constaté à mi-journée mène à une seule conclusion : les Tunisiens n'en ont rien à faire de la chose démocratique, ils n'ont plus confiance en leurs politiques. Ces mêmes politiques qui crient sur tous les toits qu'ils combattent la corruption et qui ont les mains propres sont les mêmes qu'on attrape la main dans le sac des mensonges, de la fraude électorale, voire de la fraude tout court. En pleine campagne électorale, et à trois jours du vote des Municipales, le juge Sofiène Selliti lance un pavé dans la mare en indiquant que certains députés sont suspectés de crimes financiers. Leur immunité parlementaire les fait bénéficier de toute instruction judiciaire. Elle ne les préserve cependant pas des « procès » des médias qui ont tout de suite relayé les propos de M. Selliti, ni des « verdicts » populaires qui les a condamnés au déficit de confiance. La sentence est prononcée et le couperet est tombé ce 6 mai. Ce taux d'abstention manifeste une réelle colère populaire. Le peuple tourne le dos à ses politiques et à la démocratie tout court. Les politiques retiendront-ils la leçon ? Nous connaissons un peu trop bien nos hommes et femmes politiques, ils n'en retiendront aucune ! Dès demain, les vainqueurs vont pavoiser fiers de leur classement et de leur élections avec si peu de voix. Le taux d'abstention élevé sera oublié et ils dirigeront les conseils municipaux comme s'ils avaient obtenu un blanc-seing massif, parce que la démocratie ne prend en considération que ceux qui votent, jamais ceux qui s'abstiennent.