Toute la scène nationale a suivi de près la visite du prince-héritier saoudien, Mohamed Ben Salmane. Cette visite très controversée a fait couler beaucoup d'encre et a suscité une véritable polémique. Bien qu'elle n'ait duré que quelques heures, elle a été fortes de messages et de symboliques. Mais que reste-t-il de cette escale? Bien avant son arrivée en Tunisie, la visite du prince-héritier saoudien a été sous les feux des projecteurs. C'est dire que plusieurs composantes de la scène tunisienne ont fustigé sa présence sur le territoire tunisien. Accusé du meurtre du journaliste Jamel Khashoggi, et considéré comme étant une icône de répression et ennemi de la liberté d'expression, le prince saoudien n'était pas le bienvenu en Tunisie. D'ailleurs, les communiqués, les manifestations et les bannières géantes ont dénoncé sa venue. Ce mécontentement fût accentué par le fait qu'il ait été invité par la présidence de la République. Une invitation confirmée par l'Arabie saoudite mais démentie par les conseillers de Carthage !
Cependant, toute la polémique n'a pas, bien évidemment, empêché la venue du prince-héritier. Arrivé dans la soirée d'hier en territoire tunisien, MBS a été accueilli en grande pompe par une large délégation diplomatique conduite par le président de la République, Béji Caïd Essebsi. Cet accueil chaleureux a même été transmis en direct sur la chaîne Al Arabiya, et mis en valeur sur les réseaux sociaux par le ministère des Affaires étrangères saoudien. Définie comme étant la visite de la fraternité, les deux hommes se sont échangés des déclarations mettant en exergue les relations séculaires entre les deux pays, ainsi que leur profondeur. Ben Salmane a même considéré Béji Caïd Essebsi comme « son père ». Une affirmation qui a visiblement plu au chef de l'Etat qui s'est dit « fier d'avoir un fils comme lui ». Une séance de travail a eu lieu entre deux délégations représentant les deux pays, afin d'examiner les moyens permettant d'impulser la coopération entre la Tunisie et l'Arabie saoudite. D'ailleurs, un dîner a été organisé en l'honneur du Prince héritier et de la délégation qui l'accompagne. Au terme de sa visite, le prince héritier saoudien a été décoré par le chef de l'Etat, des insignes de Grand Cordon de la République.
Il est évident que le président de la République est celui qui définit les relations étrangères et diplomatiques de l'Etat. Son accueil chaleureux réservé au prince-héritier s'inscrit dans le cadre de l'entretien des relations avec l'Arabie Saoudite. C'est dire que le prince Mohamed Ben Salmane serait, sauf imprévu bien évidemment, amené à gouverner l'Arabie saoudite pour plusieurs décennies. Il ne serait point sage pour l'Etat tunisien de couper les relations avec cette puissance, d'autant plus que MBS est sur le point de prendre part aux travaux du G20 en Argentine et qu'il aura à traiter avec les plus grandes puissances mondiales. Plus encore, il sera, également, accueilli par notre voisin, l'Algérie, dans le cadre de sa tournée.
Cela dit, la Tunisie demeure un pays démocratique qui a vécu une révolution dont la liberté d'expression est le principal acquis. De ce fait, toutes les protestations contre la visite du prince MBS sont tout à fait légitimes et témoignent de la maturité du peuple tunisien qui se trouve dans une étape avancée de sa transition démocratique. Ce mouvement social organisé dans le cadre de la protection de la liberté d'expression et dans le respect total des règles des manifestations pacifiques n'a fait que reluire l'image d'une Tunisie moderne à travers le monde. En effet, il a été enregistré que la Tunisie a été le premier pays arabe qui a exprimé ouvertement dans la rue son refus de la visite du représentant de la plus grande force du monde arabe.
En tout état de cause, cette visite du prince Mohamed Ben Salmane a été forte en symbolique. Bien que les apports sur le plan diplomatique et économique ne peuvent être perceptibles dans l'immédiat, son impact médiatique à l'échelle nationale et internationale a été perceptible. Qu'il s'agisse de l'accueil de la présidence ou des multiples mouvements de contestations, chaque partie a rempli le rôle qui lui est attribué.