De nouvelles élections générales approchent à grands pas. La scène politique témoigne de cette nouvelle effervescence et fébrilité à la veille du démarrage de la campagne électorale. Toutes les formations politiques ou assimilées fournissent leurs armes. Elles adaptent leur discours à la conjoncture présente, ajustent leurs objectifs et programmes, se cherchent des alliés de circonstance. La recomposition du paysage politique n'est, d'évidence, toujours pas achevée et pour ainsi dire non stabilisée. Nul besoin ici de retracer les diverses péripéties qui ont vu se défaire nombre de forces politiques comme en atteste le « nomadisme parlementaire » et les puissants conflits intra-formations.
Si le pays a connu, au cours des 9 dernières années, des avancées spectaculaires dans les domaines des libertés individuelles et publiques, nombre de questions restent irrésolues, voire même prendre une tournure récessive, pour ne pas dire critique. Une colère sourde et un désappointement profond ont fini par gagner de proche en proche diverses fractions de la société devant l'insignifiance de résultats tant espérés. Le processus de changement et de démocratisation s'est manifestement enlisé pour déboucher sur ce que l'on pourrait appeler « une paralysie quasi-généralisée » du fonctionnement des institutions comme des mécanismes de prise de décision à tous les étages. « Tout fout le camp » dit le citoyen ordinaire pour exprimer ce que le langage académique appelle « déliquescence de l'Etat et délitement des liens sociaux ». Panne de la dite justice transitionnelle, panne de la lutte contre la corruption et du népotisme, panne de la production de biens, panne de l'investissement, recrudescence de l'incivisme désormais protéiforme. La liste des déconvenues est bien trop longue…
Sans pouvoir nous livrer à un exercice de prédiction de ce qui pourrait advenir au plan politique tant les variables et paramètres sont nombreux, il est néanmoins possible de déceler les tendances lourdes au demeurant contradictoires. Va-t-on vers une stabilisation du paysage politique, avec de part et d'autre, une majorité gouvernementale et une opposition parlementaire, ou bien vers une énième « union nationale » de forces composites sans véritables objectifs autres qu'un catalogue de bonnes intentions, au risque de déboucher de nouveau sur une stérilisation et neutralisation de l'action gouvernementale. Certains vont même jusqu'à prédire une crise constitutionnelle du fait d'un éparpillement extrême des forces politiques résultant de la percée de parlementaires indépendants. Un scénario qui paralyserait la formation d'un gouvernement homogène et crédible, du moins pour un temps. Rien jusqu'ici ne permet de trancher entre une possible polarisation et une dispersion accentuée. Pure spéculation et sans véritable intérêt à ce stade, car le jeu des manœuvres et rapprochements « accommodants » débouchant sur des collusions d'intérêts ne fait que démarrer. Tout cela pour dire que ce qui frappe d'emblée c'est une absence totale de confiance Trans partisane.
Legs du passé proche ? Excès d'égotisme ? Immaturité ? On est bien en peine de comprendre pourquoi des formations aux principes et aux positions très proches ont le plus grand mal à se coaliser. Cela vaut, - pour prendre une image simple-, aussi bien pour le centre-droit que pour le centre-gauche ! Mais au bout du compte une nouvelle impasse : inertie et impuissance gouvernementale et son lot de dommages collatéraux : aggravation de la situation économique, exacerbation des tensions sectorielles, recrudescence de l'agitation sociale et des mouvements revendicatifs. Au total une paralysie extrêmement dangereuse pour ne pas dire explosive. Car au final c'est bien de cela qu'il s'agit. Le couple parlement-gouvernement futur va-t-il s'attaquer aux causes profondes du marasme qui se propage et aux pesanteurs qui empêchent d'aller de l'avant.
Sortir de cette impasse de défiance, aller vers un redressement progressif en offrant une perspective réconfortante et stimulante est de l'ordre du possible. Un possible qui, sans être naïf, nécessitera de surmonter de nombreux obstacles, tels les intérêts catégoriels et corporatistes, ou encore la faiblesse endémique des moyens exigeant sacrifices équitablement partagés.
Insistons ! Il faut en finir avec cette conception insensée et irrationnelle de la conduite des affaires du pays qui consiste à gérer au jour le jour, sorte de pilotage à vue qui ménage les intérêts singuliers des uns puis des autres. Diriger un pays n'est pas une affaire de gestion ! Des réformes structurelles sans autres finalités que comptables (redresser les comptes) n'ont aucune légitimité. La seule issue possible est donc bien de définir une perspective viable et équitable mobilisatrice des énergies. La crise actuelle est bien une crise de confiance généralisée. Confiance qui soit dit en passant n'est jamais définie, si ce n'est de manière abstraite, sermonnée, et exhortée. Le prêche ne suffit plus !!! Par confiance il faut entendre « croyance dans la fiabilité des institutions et des personnes ».
Cela implique 3 conditions simultanées : 1- la croyance réciproque dans la fiabilité des élites les unes vis-à-vis des autres. 2- le consentement des gouvernés à cette croyance. 3- Les effets ressentis confortent cette croyance. On le voit bien aucune de ces conditions ne sont à ce jour réunies. C'est même tout le contraire. La logique actuelle qui préside aux relations entre les élites procède du marchandage, des arrangements et accommodements provisoires et méfiants. Le peuple gouverné ne croit plus et constate cette non-fiabilité. Les effets ressentis sont contraires aux promesses comme aux agissements.
Sortir de la logique de compromission sans horizon autre que le pouvoir, pour aller vers une logique de compromis autour d'une finalité acceptable, est la seule voie possible du redressement et de la consolidation de notre jeune démocratie….
*Hella Ben Youssef : Vice-présidente Ettakatol ; vice-présidente de l'Internationale socialiste des femmes