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Démocratie, de la vertu à la déchéance
Publié dans Business News le 14 - 09 - 2019

Plus que jamais la rupture de confiance entre le politique et le citoyen n'a été aussi consommée. Le parrainage d'un politique contre l'autre est motivé par les instincts d'exclusion de l'autre. Tous les moyens sont bons. Jadis, la démocratie était la quintessence de la Cité Idéale où l'on cultivait la vertu. Jadis, la démocratie s'exerçait par un choix suivi d'un tirage au sort des citoyens connus pour leur droiture, leur probité et leur moralité exemplaires dont la mission est de gérer les affaires de la chose publique. Au fil du temps, le triomphe de la politique et de l'argent a fini par anéantir la plupart de ces vertus.
En Tunisie, par exemple, l'espoir de changer en mieux était très important au lendemain du 14 janvier 2011. Très vite nous avons été rattrapés par nos démons. La traversée du désert a commencé depuis. Certes les chantiers sont multiples et importants. Certaines améliorations sont ralenties pr les résistances et les lobbies. D'autres réalités sont encore persistantes et ne cessent de nous le rappeler amèrement. Tels des fanatiques, nous ne voulons changer ni notre esprit ni notre sujet de réflexion et encore moins notre modèle de vie politico-économique. Nous nous efforçons de vouloir réanimer un système devenu inadéquat car inefficace, voire totalement défaillant. Le temps n'est plus son temps et l'environnement n'est plus le sien.
Il est peut-être le moment de s'interroger sur la pertinence des outils législatifs de production de la démocratie en Tunisie. Comment traduire leurs principes au quotidien de manière à améliorer le niveau et la qualité de vie du Tunisien ? L'article 3 de notre Constitution précise que « le peuple est le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs. Il les exerce à travers ses représentants élus ou par voie de référendum ». Son article 15 énonce que « l'Administration publique est au service du citoyen et de l'intérêt général. Elle est organisée et agit conformément aux principes de neutralité, d'égalité et de continuité du service public, et conformément aux règles de transparence, d'intégrité, d'efficience et de redevabilité ». L'article 50 donne au peuple l'exercice du pouvoir législatif à travers ses représentants à l'Assemblée des représentants du peuple ou par voie de référendum. Est-ce réaliste ? Non.
Trêve d'hypocrisie. Nous savons tous que ce n'est pas le cas. Nous savons tous que les citoyens sont de plus en plus mécontents et dépressifs. Mais pourquoi ?
Selon les termes de la Constitution, le peuple a l'ultime influence sur ses élus. En réalité, son influence est rétrogradée au profit des financeurs des élections. Une fois que les bailleurs de fonds déterminent leurs « élus », le peuple peut choisir, après. On parle d'élection générale. En d'autres termes, on ne peut élire ses représentants qu'une fois que le choix des élus ait satisfait aux exigences des bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Donc, la démocratie dépend d'abord des bailleurs de fonds puis du peuple. Ce qui met en évidence des conflits de loyauté et de dépendances antagonistes opposant les intérêts du peuple à ceux des financeurs avec une propension de faire basculer les fonctions de l'Etat au service des bailleurs de fonds.
On parle alors de deux types d'élections. Une élection par l'argent et une élection par le peuple. Dans le cas de l'élection par peuple, les citoyens doivent remplir plusieurs exigences dont l'âge de 18 ans au moins, être titulaire d'une carte d'identité et de s'enregistrer dans le registre des électeurs. Dans le cas de l'élection par l'argent, les financeurs n'ont pas le droit de vote réellement exprimé et ont beaucoup moins d'exigences.
En Tunisie, 6400 millionnaires (un millionnaire possède 1 million de dollars d'actifs) et 70 milliardaires représentent 0.00000056% des 11.551 millions de Tunisiens. Cependant, ils vont décider pour 0.99944‰ de la population parce que les élections générales et « démocratiques » dépendent de leurs financements.
En théorie, d'après l'Article 3 de la Constitution, « le peuple est le titulaire de la souveraineté et la source des pouvoirs. Il les exerce à travers ses représentants élus ou par voie de référendum ». En pratique, ce sont les 0.00000056% du peuple qui sont les véritables titulaires de la souveraineté et la source des pouvoirs. Une bonne partie des élus se concentre sur comment renouveler son mandat beaucoup plus que sur les réalisations à accomplir au profit de l'intérêt général.
Les 0.00000056% de la population font des alliances entre-eux et avec tous les élus pour garantir leurs intérêts privés et non pour servir l'intérêt général. On appellera ce groupe « oligarchie économico-politique ». Ce comportement est défini comme étant « une corruption ». Oui, les termes sont un peu rudes, mais justes. Je m'explique. Il s'agit d'une corruption différente des autres formes de corruption classique représentées par les actes criminels identifiés, punis par la loi et rejetés par la société et dont le fruit est matérialisé par les biens de consommation de luxe allant des voyages, aux restaurants, aux voitures, aux terrains, aux marchés orientés, aux montres de luxe et bijoux, etc. Dans notre cas présent, il s'agit d'une « corruption légale » : la corruption des fondements de la République « Res Publica » qui signifie une démocratie représentative donnant naissance à une Assemblée des Représentants du Peuple qui choisit un gouvernement censé exercer la volonté du peuple dont il « dépend exclusivement ».
Or, le Gouvernement n'exerce pas uniquement la volonté du peuple. Au niveau interne, il exerce aussi la volonté des bailleurs de fonds et au niveau externe, il interagit avec d'autres Etats et d'autres gouvernements.
Le constat est double. Le premier constat, c'est que le peuple (très grande majorité de la population qui subit le pouvoir et qui n'a pas autant d'argent) est différent de l'oligarchie économico-politique (très petite fraction de la population qui dispose de beaucoup d'argent et qui exerce son influence sur le pouvoir). Le second constat, c'est que les intérêts du peuple sont représentés par l'intérêt général, alors les intérêts de l'oligarchie économico-politique sont représentés par les intérêts privés. Cette oligarchie, censée défendre l'intérêt général, défend en réalité et en priorité ses intérêts privés. Ce détournement de l'autorité publique correspond à la définition de la corruption.
Corruption qui a la particularité d'être équitable et bipartite. Elle bloque la Gauche sur la légalisation du cannabis, la dépénalisation de l'homosexualité, l'égalité de l'héritage entre femme et homme, la couverture socio-sanitaire, la sécurité alimentaire et les réformes financières. Elle bloque la Droite sur la dérégulation des secteurs économiques, la défiscalisation des grandes fortunes, la théocratie, etc.
Ce système est à l'origine du statu quo qui constitue une dégénérescence de la démocratie où une partie infime de la population bloque les réformes nécessaires pour améliorer le quotidien de la grande majorité. Il s'agit du produit d'une politique et d'une économie d'influence qui se nourrissent de la polarisation et des dysfonctionnements où la responsabilité est diffuse. En fait, plus la crise est profonde pour la grande majorité de la population, plus les fonds levés pour résoudre ces problèmes sont élevés, plus le risque de prédation de ces fonds par l'oligarchie économico-politiques est élevé. Pour profiter de cette aubaine le plus longtemps possible on s'attaque aux branches et jamais aux racines des problèmes sociaux et de ceux des structures de l'Etat. Et c'est là le problème.
D'habitude pour des raisons de commodité on préfère s'attaquer aux problèmes solubles et palpables plutôt qu'à ceux qui sont complexes et insolubles. Ignorer ce problème de corruption du système politico-économique pourrait plaider en votre faveur, comme dans le passé, mais à présent vous ne pouvez plus continuer à l'ignorer ou à feindre son ignorance.
Tout ce que nous demandons, c'est un gouvernement qui fonctionne réellement, qui redonne de l'espoir à ce peuple qui a perdu le sourire à qui vous avez promis sans jamais respecter vos engagements. Nous ne voulons pas d'un gouvernement pour la droite ou pour la gauche. Nous voulons d'un gouvernement pour la gauche et la droite à la fois. Nous voulons d'un gouvernement capable de redresser ce pays. Il n'y aura pas de réformes tant que cette corruption n'est pas arrêtée.
Vous ne pouvez pas prétendre à la démocratie tant que les inégalités continuent à ranger notre tissu social, économique et notre territoire. Les différentes entités de la société civile ont élaboré beaucoup de statistiques sur les représentants du peuple (Marsad, Bawsala, I Watch,…) leur taux de présence, leurs absences, leurs voyages, leurs votes, leurs commissions mais toutes ont omis de se concentrer sur le temps que les élus ont passé à faire la collecte de fonds pour leurs partis politiques afin de renouveler leurs mandats et accéder un niveau de représentativité hiérarchique supérieur. Tout ce temps dédié à la collecte d'argent aurait dû être dédié à améliorer la réalité quotidienne de leurs électeurs réduits au statut de « fournisseur de vote » dont on ne s'en souvient que lors des élections.
Cela ne nécessite pas des missions impossibles et coûteuses pour le pays comme le changement de la Constitution où l'entente et le marchandage est la règle. Une simple loi organique peut faire l'affaire. La tare dans ce système de production de la démocratie, c'est l'autorisation d'élections à grands budgets. L'institution d'élections financées exclusivement par les citoyens à l'instar de Loi organique n° 2014-16 du 26 mai 2014, relative aux élections et référendums. Le parrainage de 10 000 citoyens pourrait être accompagné d'un financement modeste et limité. Ce qui pourrait éloigner les risques ravageurs encourus avec l'oligarchie économico-politique. Ceci revient à enlever l'influence hégémonique oligarchique des lobbyistes et des affairistes et à la remplacer par l'influence du peuple qui devient l'unique bailleur de fonds des élections. En revanche, si le système de financement électoral est conservé, rien ne changera. Le représentant du peuple, au terme de son mandat, sera intégré par le système oligarchique économique. Ses revenus seront décuplés encore et encore. Quant au peuple, il continuera à souffrir et à voir se creuser, les sillons de ses rides à force d'être privé de sourire. « La démocratie est le pire système conçu par l'esprit de l'homme, à l'exception de tous les autres ». Winston Churchill.
*Dr Lassaâd M'Sahli est membre du conseil de l'Inlucc


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