Elyes Fakhfakh, chef du gouvernement désigné par le président de la République, Kaïs Saïed a annoncé ce soir du mercredi 19 février 2020, la composition de son équipe gouvernementale, après avoir rencontré le président de la République. Les délais constitutionnels qui lui sont accordés prennent fin aujourd'hui même à minuit. Elyes Fakhfakh semble avoir surmonté le plus grand obstacle se posant face à son gouvernement, notamment celui du rejet du mouvement Ennahdha. En effet, le bureau exécutif du mouvement a annoncé, dans la soirée, qu'il a finalement décidé de participer au gouvernement et de lui accorder la confiance au Parlement. Même s'il dit « enregistrer des points positifs», Ennahdha n'a pas manqué d'émettre certaines réserves quant à « la méthodologie adoptée par Elyes Fakhfakh et la nature de sa composition ». Le bureau exécutif a dit regretter que les consultations pour un gouvernement d'union nationale n'aient pas abouti.
Le parti Qalb Tounes a réagi juste après l'annonce d'Elyes Fakhfakh, à travers une déclartion du porte-parole du parole, Sadok Jabnoun qui a assuré sur Mosaïque Fm que son parti sera dans l'opposition. « Une opposition nationale, forte et constructive. Depuis notre position, nous allons œuvrer à réaliser nos promesses électorales ». Revenant sur la question du vote, il a indiqué que le bureau politique se réunira pour déterminer sa position définitive quant à la démarche à adopter, « a priori Qalb Tounes, de par sa position dans l'opposition, il n'accordera pas sa confiance au gouvernement Fakhfakh, mais la décision définitive revient aux structures officielles du parti ».
Pour sa part, le dirigeant Attayar Hichem Ajbouni a indiqué son parti n'est pas satisfait à 100% de la composition du gouvernement et qu'il a des réserves à propos de certains noms de l'équipe. « Cela dit, nous avons décidé d'être positifs et de voter pour le gouvernement. Mais nous avons certaines réserves, en l'occurrence, à l'égard du ministre de l'Intérieur ainsi que de plusieurs autres noms. Nous estimons qu'ils n'ont pas les compétences nécessaires pour être à la tête de certains départements techniques. D'autre part, nous allons essayer de surmonter les différents conflits enregistrés lors du processus de la formation, notamment, celui entre Attayar et le mouvement Ennahdha ». D'autre part, le député Al Karama, Abdellatif Aloui a émis des réserves quant à la nature du consensus et de l'accord établi à la dernière minute. « Cet accord de dernière minute prouve qu'il s'agit d'un consensus trouvé par obligation quand tous les partis se sont retrouvés face au mur. Ces quatre derniers ont démontré que la scène politique vit une crise profonde au niveau de l'idéologie, des intérêts et de la perception même de la démocratie. C'est un gouvernement Molotov, où il n'y a aucune harmonie ». Abdellatif Aloui a assuré que la Coalition Al Karama ne votera pas pour ce gouvernement basé sur les manœuvres, les manigances et les bras de fer, outre toutes les suspicions de corruption pesant sur lui.
D'un autre côté, le dirigeant Tahya Tounes et chef de son bloc parlementaire, Mustapha Ben Ahmed a considéré que la situation du pays, des institutions constitutionnelles et des finances ne supporte plus le vide, soulignant la nécessité de la mise en place d'un gouvernement dans les plus brefs délais. « Le prochain gouvernement aura la lourde mission de gérer le quotidien des citoyens. La situation a été bloquée depuis le décès du président Béji Caïd Essebsi et les élections. Par la suite, le gouvernement doit s'accorder et s'organiser pour la mise en place du programme établi », indique-t-il. Toutefois, il a ajouté que les partis se considérant capables de faire la pluie et le beau temps, notamment, le mouvement Ennahdha, doivent revoir leurs positions et se remettre en question.
Le jeune dirigeant Al Badil Louai Chebbi a indiqué que son parti n'a pas accordé un chèque en blanc au chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh. Il a estimé que l'action gouvernementale doit se baser sur un programme. Il a félicité la nomination d'une femme à la tête du ministère de la Justice, ainsi que des personnalités politiques dans plusieurs départements. « Cela permettra aux partis d'assumer le bilan politique de ce gouvernement, contrairement aux gouvernements précédents. Dans tous les cas, ce gouvernement est celui de la dernière chance tenant compte de la conjoncture de la scène politique actuelle ». Ainsi, après avoir annoncé la composition de son équipe, Elyes Fakhfakh l'a soumise au président de la République, Kaïs Saïed. A cette occasion, le chef de l'Etat a assuré que ce gouvernement a été formé dans le respect total de la Constitution ainsi que des équilibres parlementaires. Il a, également, rappelé que seul l'article 89 de la Constitution peut être appliqué dans les circonstances actuelles. Toutefois, il ne s'est pas arrêté là, Kaïs Saïed a voulu lancer une petite pique à ces détracteurs, en affirmant qu'il n'y a pas lieu de parler de trois présidences en Tunisie. « Il n'y a qu'un seul président de la République, un chef de Parlement et un chef du gouvernement. Il est nécessaire d'arrêter cette dispersion et de chercher à établir une harmonie entre les institutions de l'Etat afin d'éviter la reproduction des erreurs d'un passé non lointain ».