Kaïs Saïd n'aurait jamais dû être président et n'y était absolument pas préparé, il a été porté à la présidence de la République par accident, par une conjonction de facteurs externes et nullement par ses qualités, c'est un président de circonstance, élu par défaut voilà ce qui explique son échec dans la fonction. Kaïs Saïd n'a jamais fait de politique ni même confronté aux réalités du pouvoir et à la nécessité de décider, s'il avait mesuré le poids de la haute administration et s'il avait expérimenté une politique de communication, il n'aurait pas fait autant d'erreurs en si peu de temps.
Monsieur le Président, Vous savez mieux que quiconque qu'en tant que chef de l'Etat, et selon l'article 77 de la Constitution, vous devez déterminer les politiques générales dans les domaines de la Défense, des Relations étrangères et de la Sécurité nationale relative à la protection de l'Etat et du territoire national contre toutes menaces intérieures ou extérieures. Le 17 décembre jour du déclenchement de la révolution soit deux mois après votre investiture, vous avez fait votre premier discours présidentiel. Etant donné que vous n'étiez pas satisfait de l'approche faite par le chef du gouvernement désigné par Ennhdha pour former le gouvernement, vous avez fait un discours qui ne peut, en aucun cas, être considéré comme celui d'un chef d'Etat, ni même d'un professeur mais plutôt d'un jeune révolutionnaire en colère. Vous avez parlé de complots et des chambres obscures, bref c'était un discours indigne d'un président censé préserver la stabilité du pays. Deux jours après, vous refusez, pour un détail protocolaire, de participer à la conférence de Berlin sous l'égide de l'Onu, pour traiter le problème libyen, une conférence d'une importance extrême pour notre pays. Une semaine plus tard, soit le mercredi 25 décembre, vous êtes tombé dans le piège du couple « Erdogan-Ghannouchi ». Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est invité lui-même chez nous ! En plus, il était accompagné par ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi que du patron des renseignements généraux de son pays ! Une visite annoncée par les médias turcs quelques heures avant l'atterrissage de l'avion présidentiel ! Le président turc s'est permis d'attaquer sur notre sol tous les pays qui sont contre son intervention militaire directe sur le sol libyen, il s'est attaqué à Hafter en le qualifiant de hors-la-loi, au lendemain de sa visite, le président turc annonce le vote d'une loi permettant l'envoi de troupes à Tripoli ! Faut-il vous rappeler, Monsieur le Président, que la politique étrangère tunisienne a toujours été basée sur le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats ?
Le 1er janvier, la Tunisie a pris officiellement possession de son siège au Conseil de sécurité, Moncef Baâti a été nommé par vous-même à ce poste, il a souligné, lors d'une cérémonie de levée du drapeau tunisien devant le siège à New York, l'engagement de la Tunisie à être le porte-voix du monde arabe et du continent africain au sein de cet organe et à contribuer activement au règlement de la crise libyenne et à soutenir la cause palestinienne. Le 28 janvier, le même Moncef Baâti a été démis de ses fonctions toujours par la même institution présidentielle, même pas un mois après sa nomination, et ce sans se référer au ministère des Affaires étrangères ni consulter le groupe arabe et les pays qui soutiennent la cause palestinienne. Le lendemain de cette affaire, vous appelez à l'ouverture d'une enquête sur la participation d'un jeune joueur de tennis portant deux nationalités, dont une Israélienne, à un tournoi international qui a eu lieu en Tunisie afin de déterminer les responsables de cette « violation » et à prendre les mesures urgentes ! Le 7 février, monsieur le Président, vous présentez un certificat médical et vous ne participez pas au 33e sommet des chefs d'Etat de l'Union Africaine à Addis-Abeba. Permettez moi de vous rappeler l'importance de ce sommet pour notre pays afin de densifier son réseau africain et obtenir une position privilégiée surtout que notre pays prépare cette année, le 18iéme sommet de l'Organisation internationale de la francophonie.
Je vais me permettre de vous rappeler, monsieur le Président, que lors du forum international d'investissement et de partenariat public-privé, organisé en Tunisie du 20 au 29 novembre 2016, une trentaine de grands projets ont été identifiés et nécessitant des financements extérieurs pour un coût de 13 milliards de dinars soit 4 milliards d'euros. Des projets tels qu'un port en eaux profondes, une cité administrative regroupant plusieurs ministères, un pôle académique international, de nouvelles autoroutes et lignes ferroviaires de grande vitesse (LGV) dans le sud et le nord-ouest, des stations de dessalement des eaux de mer. Pour votre information, les dossiers des études des tous ces projets sont encore dans les tiroirs du ministère du Développement et de la Coopération internationale depuis le passage de Monsieur Fadhel Abdekefi.
Monsieur le Président, Dans le cadre de votre campagne électorale vous avez indiqué que la normalisation avec Israël est une « haute trahison ». Alors encore une fois, je dois vous rappeler qu'en 1965, vous aviez à peine 7 ans, mon pays en la personne de Habib Bourguiba s'est adressé aux réfugiés palestiniens du camp de Ariha non pas par des slogans, mais avec un discours porteur à la fois d'un projet et d'un diagnostic rationnel de la tragédie qui est la leur depuis la déroute humiliante des troupes arabes face à l'ennemi sioniste en 1948. Bourguiba pesait ses mots avec assurance et présentait ses pensées visionnaires dans un style théâtral qui est le sien. Pour lui, la libération totale des terres occupées était conçue comme étant une étape bien avancée dans la lutte et que le bon moment n'était pas encore arrivé pour s'y lancer. Deux ans après, la guerre des six Jours a eu lieu le lundi 5 juin 1967, opposant l'entité sioniste à l'Egypte, la Syrie et la Jordanie. Ce n'est qu'après avoir été éjecté de Beyrouth en 1982 que les Palestiniens ont décidé de prendre contact avec les Israéliens pour parvenir à une solution négociée. C'était, d'ailleurs, à Tunis que les leaders de l'OLP ont choisi de s'établir après leur défaite militaire à Beyrouth. Enfin monsieur le Président, je suis curieux de connaitre votre réponse à la lettre qui vous est parvenue par notre ami tunisien l'avocat de confession juive en vous posant la question suivante : « Monsieur le Président, si jamais je décroche le téléphone et que je tombe sur ma tante qui est tunisienne mais qui a la nationalité israélienne, qui m'appelle d'Israël, pour demander des nouvelles de sa sœur, ma mère… Est-ce que je serais coupable de haute trahison ? » Nous sommes tous curieux de connaître votre réponse.
Monsieur le Président, Il faut se réveiller un jour, il est temps de comprendre que mon pays n'est pas une salle de classe et vous, vous n'êtes plus le professeur de droit constitutionnel. Aujourd'hui quand vous parlez, vous engagez la Tunisie ! Vous vous rendez compte ? Je me dis souvent en vous écoutant à la télé que vous mêmes, vous vous demandez comment vous êtes arrivé là-bas. Pour tout vous dire, monsieur le Président, vous ne m'inspirez pas confiance, ni vous, ni le Président de l'Assemblé nationale. J'ai rêvé d'une ère nouvelle, d'une autre Tunisie encore plus belle, mais aujourd'hui je pleure mon pays qui se meurt, je pleure mon peuple, qui n'a plus de larmes à verser, je pleure le fait que je ne veux plus entendre parler de ma Tunisie, ni de ses nouvelles. Mon pays qui se débat dans les pires difficultés où les fonds publics sont détournés, l'école et les hôpitaux sont sacrifiés. A quoi sert cette liberté? Sans travail, sans dignité !